05/06/2015
Chroniques d'un départ (6).
Et puis à force, avant même que ce soit le début, il y a la première nuit ailleurs, envisagée à même le sol par défaut, et pour se souvenu dans vingt ans qu'on en était encore capable. La première baignade dans ces lieux à qui on jurait, à chaque fois, qu'on reviendrait et, qui sait, pour de bon. La première douche, froide, par ce que je ne sais pas comment fonctionne le cumulus, encore. Les angoisses bancaires et notariales, les irrépressibles envies de meurtre afférentes, tout cela se lève, peu à peu. Demain, déjà, je repars, pour de justes raisons. Parce que je n'en ai pas terminé dans ma ville. Il faut partir comme on vit, ou comme on essaie de vivre: avec justesse.
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04/06/2015
Chroniques d'un départ (5).
Et puis, une fois les vieilles disquettes des premiers manuscrits enfin jetées à la poubelle, il y a ces carnets, signes d’une vie d’il y a longtemps, marques de tendresse quotidiennes et attentionnées. Il y a le regret, vif, dont on ne sait pas d’où il s’extrait, de l’idée d’une jeunesse qu’on a perdue, ou d’un amour qui a muté, en autre chose : on est souvent plus à l’aise avec l’idée qu’on se fait du passé qu’avec le passé lui-même.
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03/06/2015
Chroniques d'un départ (4).
Et ces archives, précieusement gardées depuis plus de vingt-cinq ans, qu'on finit par jeter parce que personne n'en veut et qu'on n'en peut plus de les emporter avec soi, au cas où? Exeunt les vieux Best, Mitterrand II, le 11 sept. 2001... Il n'y a qu'un énorme classeur auquel je ne touche pas, pas encore. Mais je le ferai en bien: dedans, la totalité des journaux, tracts, affiches, analyses du mouvement étudiant de 1986. Quand j'en aurai fini avec mon roman russe, c'est à cela que je m'attellerai. Histoire de montrer que le Sida Mental n'a pas eu de conséquences sur le angry young man que je suis (un peu) resté.
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02/06/2015
Chroniques d'un départ (3).
On ne commence rien au moment de s'en aller, c'est une évidence notoire. N'empêche, tous ces terrains qu'on n'a pas explorés, qu'on aurait pu, toutes ces voltes-faces qui pèsent, reviennent, fanfaronnent… Les paysages qu'on ne connaîtra pas, les corps qu'on ne serrera plus, les vies kirkegaardiennes, Méduses contemporaines, qui viennent jusque sous ma fenêtre me rappeler que je n'avais qu'à pas les regarder dans les yeux il y a si longtemps. Je n'aurai pas pu tout faire, dans ma vie, épitaphe anticipée. Mais il me reste le reste pour faire encore beaucoup.
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01/06/2015
Chroniques d'un départ (2).
Dans ma cérémonie des adieux, je commence par le paysage.
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31/05/2015
Les ateliers Divonne (fin).
L'atelier continuera, sans moi, le week-end du 13-14 juin, alors que je transférerai mes livres et le reste de mon existence vers ce qui lui reste de Bleu. Il continuera puisque les membres ont compris qu'il était plus simple de travailler autour d'une table, comme on l'a fait hier après-midi plutôt que de repartir seul avec ses éléments à corriger. Oh, ils travailleront encore dans la solitude de leur chambre d'écrivain, le feront pour un bien commun, celui du récit, de cette histoire de Gabrielle, cette astrophysicienne un peu coincée, revêche, qui met les échecs successifs de son existence sur le compte des autres, leur incapacité de rationaliser les émotions, les amours, tous ces esprits animaux qui font le misérable petit tas de secrets d'un être humain. Il reliront leur texte, ou celui d'un autre, parce que l'ensemble crée l'histoire, et pas l'inverse. Je leur ai demandé, il y a six mois, déjà, de tous participer à un récit et d'éviter le patchwork. Sans flagornerie – ce n'est pas le genre de la maison – je crois que c'est réussi. Je crois que, après équilibrage et relectures multiples, l'histoire sera suffisamment forte pour intriguer le lecteur. Il y aura eu des doutes, des moments de flottement, mais que dire, sinon que c'est aussi ça l'écriture! Je leur sais gré d'avoir adapté leur niveau de langue, leur rapport à la psychologie, le peu d'affection qu'ils montraient, parfois, pour le personnage, pour servir cette nouvelle qu'ils signeront tous d'une même et seule main. Comme toutes les fins, l'atelier d'hier m'a plus touché que de raisons : parce que j'ai du partir vite, les saluer à la cantonade alors que j'aurais aimé, individuellement, les remercier un par un. J'aurais aimé les assurer, une fois de plus, de mon soutien dans ce travail, qui s'apparente davantage à un travail d'éditeur qu'à un travail de relecteur. Tous ont la capacité de tenir un récit par eux-mêmes. Pas avec les mêmes dons, pas dans la même langue, mais rien de ce qu'il fait la petite musique ne leur manque. Il est davantage ici question de confiance, de temps, et de finalité que de capacités, et l'écrivain peut s'interroger, en abyme, sur sa propension à travailler seul, dans la douleur parfois, pour une reconnaissance bien aléatoire. Je les retrouverai avec plaisir, tous ces membres si différents, qui ont appris à se connaître, à me connaître aussi, lors des événements organisés autour de la parution du livre. Un livre tête-bêche qui racontera deux pans d'une même histoire, vue du côté suisse et vue du côté français. Une autre Réversibilité que celle partagée avec Christian Chavassieux, plus collective, plus commune au sens où une frontière peut l'être. Il reste du travail, le leur, le mien, pour que le livre paraisse, mais c'est un travail que j'accepte d'autant plus facilement qu'il me permettra in fine d'ancrer tous ces bons moments passés à Divonne-les-Bains avec eux. Les ateliers de Divonne existeront peut-être encore, l'année prochaine, sous quelle forme, personne ne le sait encore. Mais les pitreries décalées de Pierre, la finesse lapidaire de Jean-Marc, la réserve efficace de Maryse, la sensibilité d'Elisabetta, la territorialité de Françoise, les conseils distanciés de Rosa Maria, la théâtralité de Fabienne et de Loraine, l'inquiétude permanente de Kristine, la participation de tous les autres, me manqueront. L'écriture collective, ça reste de l'écriture, et on ne se sépare pas d'un travail d'écriture comme cela.
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30/05/2015
Je suis écrivain.
Il faudra attendre pour le bilan final des ateliers de Divonne, dont les deux dernières séances commencent dans deux heures : il n’y aura pas de billet immédiat, ce soir j’enfourche dès 16h30 le destrier qu’on m’a gentiment prêté pour rejoindre une fête qui aura commencé sans moi. Mais c’est le job, dit-on. En tout cas, l’impression, toujours étrange, d’être un de ceux qu’on sollicite pour ça, sans les atermoiements que d’autres peuvent y mettre : une fois par mois, je me serai promené dans les rues – propres – de Divonne-les-Bains, sachant ce que je venais y faire sans savoir vraiment ce que j’y faisais. Comme dans un film de cinéma qui se déroulerait devant moi, qui conterait ma propre vie sans que je puisse intervenir. L’inverse de Tom Baxter dans « la Rose pourpre du Caire ». Les mêmes impressions, financées par le même organisme, à qui j’aurai beaucoup dû, de fait, qu’il y a six ans, maintenant. En sortant de je ne sais quelle rencontre autour de « Tébessa », en en faisant le compte-rendu immédiat comme je l’ai fait pour tous les événements vécus autour du livre, j’écrivis, bravache, « je suis écrivain », en citant Weyergans. « Eh oui, Weyergans, je suis écrivain, moi aussi ! », exactement. Depuis, j’ai écrit trois autres livres, deux pièces de théâtre, j’ai été convié, choyé, bichonné, mais cette dernière promenade dans Divonne, hier, m’a conforté dans l’idée qu’on peut être écrivain parce qu’on a écrit des livres lus et diffusés, mais qu’à chaque fois, derrière, la marche est plus haute. Mes deux premières, la 3ème aussi, allez, ont été trop royales, je le sais désormais. J’ai eu de la chance, et un peu de talent, il faut croire : dans une discussion récente sur l’écueil du deuxième roman (si tant est que le premier fût réussi, hein !), je plaçai la désormais célèbre maxime de Dan Simmons, devise du Prix de Grignan (« Tout le monde peut écrire un premier roman, c’est le deuxième qui fait de vous un écrivain »), en me gardant bien de dire, puisque ça ne sert plus à rien, que ce prix-là, on me l’a donné, un jour et pour toujours. Que les membres de l’atelier, s’ils me lisent, le sachent : le reste n’est et ne sera que travail.
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29/05/2015
Catrain.
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