26/04/2015
Complotiste.
Personne n’a jamais suffisamment insisté sur le fait que les attentats du 11 septembre 2001 suivirent de très près l’annulation contrainte des adieux à la scène de Alain Barrière, à la Trinité-sur-mer, son village natal.
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25/04/2015
Les ateliers Divonne (4).
Il n’y a que deux façons distinctes d’aborder un atelier d’écriture, à ma connaissance : la possibilité de laisser les membres s’emparer, à eux seuls, d’une partie du récit, au risque d’avoir, au final, des différences d’écriture troublantes pour le lecteur ; ou l’établissement, au départ et au regard des premiers textes regroupés en un chapitre, réécrit, avec la même tonalité, la même focalisation. De fait, le deuxième exercice est plus exigeant, et il a fallu une séance supplémentaire au groupe de Divonne pour que les choses s’éclaircissent. Que la structure du récit prenne corps, que chacun sache, une fois les derniers éléments de l’histoire validés, ce qui lui restait à écrire : en cercle réduit, puisque, pour la prochaine fois, deux membres travailleront en commun sur deux parties d’un même chapitre. La matière littéraire, elle, est toujours aussi riche, mais quand on en est à renoncer à des extensions pour se concentrer sur un récit déjà riche en soi, c’est que c’est bon signe. Tant mieux, parce que cette Gabrielle-là, comme ma précédente, celle de Marius Beyle, m’importe au point que je trépigne, parfois, de ne pas pouvoir m’en emparer moi-même. C’est un personnage complexe, Gabrielle, qui fuit la métaphysique de sa vie de femme entre deux âges en se réfugiant derrière les atours de son statut de physicienne : forcément, quand on veut tout contrôler de son existence, quand chacun de ses phénomènes se réduit, selon elle, à des atomes qu’on peut quantifier, quand le manque de confiance en soi se transforme en revendication envers l’autre, on n’est pas à l’abri d’une rupture de l’équilibre instable. C’est ce qui va se passer dans sa vie, un fait inattendu en entraînant un autre, et provoquant une série de réminiscences, dans l’habitacle de sa Mazda. C’est le personnage de son grand-père, son histoire, ses zones d’ombre, qu’il restait à affiner, aujourd’hui, en profitant de l’élan du groupe suisse, qui travaille en parallèle. D’une manière différente, avec deux modes d’écriture bien séparés. Une connexion ratée et un bon vieux téléphone de substitution plus tard, les plus anxieux des membres de l’atelier sont rassurés : on va pouvoir faire le lien entre les deux histoires, les éditer, plus tard, tête-bêche pour que le lecteur en lise deux pour le prix d’une et les recoupe, par connivence : cet Antonio, qui perd la mémoire de l’autre côté de la frontière, est-ce de Angelo, le grand-père de Gabrielle, qu’il parle quand il ne se souvient plus de rien mais veut revenir sur les lieux de ses méfaits, soixante ans après ? Pourquoi Gabrielle a-t-elle coupé les ponts avec ce grand-père si chéri, qu’a-t-elle appris de lui qui l’ait incitée à ne plus le voir, toutes ces années, et à se souvenir de lui, juste ce jour où elle trouve sa Mazda crottée de miellat, parce qu’elle l’a garée sous le vieil orme, sans faire attention, ce qui n’est pas son genre ? La satisfaction d’un tel travail, c’est de voir, peu à peu, les membres de l’atelier s’emparer d’un personnage, comme le fait un auteur. De visualiser ce qui reste à dire d’elle, sans tout dire, pour qu’un lecteur lambda se reconnaisse en elle et se l’approprie, à son tour. Il y a plus de confiance entre les membres et dans le projet qu’au début, même les approximations franco-suisses deviennent secondaires : elles se règleront d’elles-mêmes lors de la rencontre commune, double et dernière, fin mai. Après, il y aura encore du travail avant l’édition, mais j’ai bon espoir, et n’hésiterai pas à revendiquer ce travail-là, qui est le leur. Un des membres, le dernier sans doute à avoir besoin de quelqu’un pour écrire, anticipe même sur l’idée qu’une telle évolution dans un groupe reste sans suite : ce n’est pas de mon ressort, mais l’idée est lancée, elle est touchante et signifiante. Et Gabrielle tellement protéiforme qu’elle mérite bien une suite…
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24/04/2015
Intervilles.
On me propose, ce matin, avec un enthousiasme qui fait chaud au cœur et devant lequel il est impossible de renoncer, d’être un acteur d’une fête du livre autrement que comme auteur. Pour des qualités qu’on me prête d’animation, de médiation, de vulgarisation. J’accepte, sans coup férir : on ne nourrit jamais autant un écrivain que de la lecture des autres. J’en dirai plus, ici, quand le projet sera finalisé, mais d’ores et déjà, les noms entrevus me donnent une idée du travail que je vais fournir cet été. Dans le même temps, et dans la même ville, je trouverai un moment pour une lecture solo, dans un lieu déjà fréquenté. Et la dead-line s’est fixée d’elle-même pour y présenter, enfin, le CD « Littérature & Musique » qui y bouclera la boucle. C'est écrit.
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23/04/2015
N'attends rien.
J’écris quelques lignes à mon éditeur, je lui renvoie tardivement les quelques chèques qu’on lui a adressés il y a déjà plus d’un mois, lors de ma dernière rencontre. Je suis surpris de ne plus ressentir le feu sacré qui me prenait à chaque fois que j’écrivais, jadis, sur une enveloppe, le nom de sa maison d’édition. Je suis redevable, pourtant, à ceux qui me lisent, d’un roman, au moins, que je tarde à reprendre, mais que je reprendrai, de quelques nouvelles qui me tiennent à cœur, également, qui devraient prendre une forme étonnante, si ce projet-là va au bout. Mais il y a quelque chose de cassé, sans drame aucun : je vois trop d’agitation autour de moi, d’autopromotion, autosatisfaction et, pire encore, auto-récompenses, parfois. La gloriole personnelle érigée en profil m’ennuie, et m’a coûté beaucoup, sur ce travail dont je dois entreprendre la ré-escalade. Peut-être l’inquiétude que je ressens chez des auteurs mieux distribués que moi (celle d’être oublié, celle de décevoir) ne m’encourage-t-elle pas à pénétrer leur « milieu » si hermétique. Peut-être le « lisez-moi » ne m’est-il pas aussi nécessaire qu’il le fut ? Ça fait sans doute partie de ces petites bulles de temps qui font l’évolution des hommes. De ne plus rien attendre. Mais qu’on ne se méprenne pas : je suis toujours entre raison et passions. Et c’est en conscience que je distillerai, d’ici à mes 50 ans, les écrits qui frémissent dans mon tiroir à secrets.
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22/04/2015
La lettre.
La lira-t-elle de nouveau, cette lettre d’antan, risquera-t-elle d’être déçue par ce qu’elle avait trouvé si beau, quand chacun de ses mots la concernait au plus intime ? Elle s’en saisit, la palpe : on savait en la soupesant si une lettre allait prendre du temps (de lecture), et s’inscrire dans la durée. A l’époque. Même ses émois d’adolescente avaient volé en éclat, dans l’impatience qu’elle avait de se libérer un espace et une durée, au moment où elle la recevait, la lettre. Des excuses bafouillées, des escaliers montées quatre à quatre, rien ne pouvait en retarder la lecture, la mesure des promesses. Chacun des signes qu’il lui faisait, le moindre sous-entendu. Qu’est-ce qui conditionne un tel bouleversement, chez quelqu’un de sensé ? À quel point doit-on craindre un jour que tout ce qu’on a patiemment construit explose en plein vol ?
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21/04/2015
Ma banquière (sexies).
Je m’étais apprêté, pour mon rendez-vous, aujourd’hui, avec ma banquière : elle m’avait bien précisé, la dernière fois, que celui-ci durerait longtemps, qu’il faudrait tout étudier, tout éplucher du compromis, des assurances du prêt, des conditions spéciales, en petits caractères, qui excluent le risque de guerre, de suicide, d’actes de terrorisme, de provocation d’émeutes ou de mouvements populaires : sans le savoir en amont, j’en ai donc terminé, le 21 avril de l’an deux-mille quinze, avec mon passé d’agitateur et de recordman de sauts en parachutes non homologués. Avec une pointe de nostalgie vite balayée par la présence irradiante, devant l’agence, de ma banquière en train de fumer une cigarette, avant de rentrer dans l’arène. Elle aussi a fait le grand jeu : une robe noire qui moule parfaitement ses formes longilignes, des bas dont la résille dessine la forme envoûtante d’un cobra de la place Jema El Fna. Ça tombe bien, pour la première fois, en prenant prétexte de mouvements périlleux sur mon compte-courant, liés aux tractations solides menées dans le zouk, elle me confie sa vision du Maroc, terre paternelle, son rapport au pays d’origine, ses mutations, les craintes et les espoirs inhérents . Mais bon, on n’est pas chez Imad, et ce sera 2,10, point final et sans thé à la menthe. En repenti de la phobie administrative, après avoir renversé mon appartement, j’ai apporté tous les documents qu’elle m’avait demandés la fois d’avant : j’en tire une fierté quasiment égale à celle éprouvée quand j’ai déposé le montant de ma bourse d’écriture. C’était il y a longtemps : notre histoire dure, déjà. On affine tout, ses doigts manucurés parcourent le clavier, elle utilise des expressions que je valide en hochant la tête, l’harmonie est partout, dans ce bureau, dont je sortirai anobli, potentiel propriétaire : un bon parti, en somme, encore potable physiquement, mystérieusement poivre et sel, écrivain à succès (au chocolat), bientôt marin… J’évoque l’assurance à venir de mon scooter sétois et là, c’est le drame : elle me parle de son fiancé, du stage de formation qu’il a dû suivre parce que son permis voiture était trop ancien… Je ne l’écoute pas, perdu dans les limbes de mon marasme. J’ai donc un rival, d’un coup, la bague scintillante qu’elle porte prend une autre signification. Je reste digne, quand elle aborde la question du PEP ou de l’attestation notariée, mais je n’y suis plus guère : elle n’a pas cillé quand j’ai augmenté mon apport, pour l’impressionner, je me dis que la distance qui va s’instaurer entre nous, même si elle m’a fait jurer de lui rester fidèle, risque de nous être fatale, si le champ est laissé libre à l’autre. Bah, dans toutes les tragédies, il faut un amant et un amoureux, un homme qui aime, un autre aimé en retour. En partant loin, je renforce mon mystère, ma légende. Au pire, je prorogerai ma garantie décès, et l’attendrai au-delà du 31 décembre de mon 85ème anniversaire, comme le stipule l’article 4-1 de l’assurance emprunteur des prêts immobiliers aux particuliers.
NB: merci de prononcer la composante du titre dans son latin d'origine, qu'on ne m'accuse pas de harcèlement.
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20/04/2015
The Voice.
Quand on se met à chanter des chansons qu’on a apprises enfant, qu’on double ça de quelques coupes de champagne, il y a cette toute puissance prise sur le temps qui, en revanche, nous fait oublier, l’espace d’un instant, combien on chante faux. Mais quand on en arrive, via la mémoire, à reproduire les mêmes breaks qu’en live à Central Park, en 1981, quand en plus de ça, on sent la présence de l’autre comme dans un duo qui se serait multiplié, même les chèvres de l’Atlas tendent l’oreille, indulgentes, et font le lien : cette p…. de permanence.
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19/04/2015
L'étranger.
Au bout du compte, la question se pose : devenir, le temps d’une parenthèse, l’occidental aisé qui va se faire servir loin de chez lui dans des endroits paradisiaques, ou l’individu conscient qu’une telle mainmise de l’argent valide l’inégalité. Dans le même temps, la ressource principale du pays étant le tourisme, la culpabilité ne doit-elle pas s’arrêter là où seuls la politesse et le remerciement lui répondent ? Rester l’étranger n’est-il pas inéluctable quand on voyage ? Dans la même année, les nouveaux colons rencontrés là-bas ont offert à leur domestique un âne (prénommé Mercedes) pour rentrer chez lui, et un baptême de l’air, à près de quatre-vingts ans. Lui n’échangerait sa place pour rien au monde, et bon nombre des habitants de son village la lui prendraient bien, a contrario. C’est ainsi que se fonde le cercle vicieux de la soumission et de la dépendance : quand on n’a aucun intérêt à ce qu’elles s’arrêtent.
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