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30/06/2015

M.Forges.

Et puis, qui sait, dans une de mes dernières descentes des Pentes de la Croix-Rousse, je croise un visage connu, figé dans ma mémoire, tout juste vieilli de moins des outrages du temps que le mien a subis, depuis trente ans. Depuis le décompte qu’on enclenche sans s’en rendre compte alors que tout, après, va nous rappeler à ça. Pour la deuxième fois de mon existence, des années après Andrzej Zulawski, dans la Rue de la République, j’interpelle quelqu’un, dans la rue, dans la tranquillité de sa soirée, je me rappelle à lui sans qu’il puisse s’en souvenir, j’inverse les codes de ces situations, qu’il m’arrive de rencontrer, n’insiste pas sur moi, mais sur lui, son impact, sa biographie (ex-directeur du cinéma «Opéra », il nous emmena voir « le voleur de bicyclette », « E le Nave Va » ou « Potemkine », quand les parents d’élèves pétitionnaient pour qu’on apprenne les département; rédacteur du livret pédagogique de « Shoah », de Lanzmann  ou de « Eduquer Auschwitz »...) et, devant sa réaction, surprise et émue, embraye sur moi, pas par narcissisme, mais parce que trente ans après, je voudrais au moins qu’un homme sache que son enseignement a porté, que j’ai inscrit mon parcours littéraire dans une démarche qu’il m’a apprise, que j’aime la littérature à travers l’histoire davantage qu’à travers les soucis stomatologiques de l’auteur/narrateur. Je passe du statut de l’homme qui importune à celui de l’homme qui interpelle. Dans le regard, toujours distancié, de ce vieil homme, je retrouve tout ce qui a fait que je me suis convaincu que je pourrais, un jour, faire pareil, éveiller des esprits, les laisser vagabonder, errer, s’égarer, puis revenir, pour que, trente ans après, je puisse me dire que je n’ai pas fait fausse route. Il attend mes livres avec curiosité, je les lui envoie dès que possible, dès que je suis dans la ville où jamais, nous ne nous serions revus : je ne boucle pas la boucle, à ce niveau-là, je la justifie.

01:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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