03/06/2010
17ème sélection Lettres-Frontière
J'ai suffisamment fait l'hélicoptère l'année dernière à cette époque pour ne pas manquer de féliciter les lauréats de la 17ème sélection. Laquelle s'est privée, en route, d'auteurs comme Brigitte Giraud ou Antoine Choplin, ce qui n'est pas rien et qui en démontre l'exigence. Evidemment, j'envie ces auteurs qui découvriront les rencontres tel que je l'ai fait cette année, mais j'envie surtout ceux qui, par le passé, sont parvenus à séduire cet imposant jury par deux fois. Ce à quoi je m'emploierai pour 2011. D'ici là, un roman - presque - léger s'est intercalé entre celui qui va sortir et celui que je dois écrire: je vous en ai livré les premières pages, ce qui n'est jamais conseillé. Je m'y attarderai cet été, en vacances. Des devoirs de vacances, tiens...
Question aux auteurs de la (et non du) XVIIème : qui pour un Décalogue, cette année? En tout cas, je serai à l'Usage des mots. Dans le public.
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02/06/2010
Le dîner (suite)
Le premier verre, dans ce cas précis, n’est pas seulement désiré, il est essentiel. J’en étais à mon troisième quand Laure a accepté de m’en dire un peu plus :
- Je te demande de ne pas m’en vouloir; au dernier moment, je me suis demandée comment ça allait être de te revoir, de te retrouver comme si rien ne s’était passé depuis dix ans. Alors j’ai eu cette idée d’inviter d’autres personnes, banaliser ton arrivée. Ils ne se connaissent pas, ils ne te connaissent pas, ils ne connaissent pas Vincent. Je voulais que tu viennes pour nos dix ans, je suis heureuse de te voir, mais ça a été plus fort que moi : je n’ai pas voulu affronter ça…
Elle m’a tourné le dos, aspirée par un autre de ses invités, qu’elle présentait les uns aux autres, par ordre d’arrivée. Il allait falloir que je patiente encore, moi à qui personne encore n’avait adressé la parole, sinon une jolie brune à la peau mate qui m’a demandé, dans un anglais des barrios de Grenade si je voulais me débarrasser de mon manteau. Le temps qu’elle le pose dans la penderie d’une entrée dont elle devait connaître l’existence, je crus un instant que, de retour, elle allait continuer la discussion mais non : elle hésita sur la démarche à suivre, puis fonça vers la cuisine en prenant un air affairé. Du coup, je repris ma pose en même temps que mon verre de champagne et regardai Laure évoluer d’un groupe à l’autre en demandant si tout allait bien.
Dix ans que je ne l’avais pas vue. Dix ans de pugnacité à l’idée de ne pas la perdre et ce qu’elle inventait pour m’accueillir, c’était une soirée mondaine ! J’étais encore abasourdi quand elle me prit par le bras pour m’offrir mon tour de manège gratuit. Je rencontrai donc, dans l’ordre, Adrian, jeune yuppie londonien dont j’appris qu’il était depuis peu le nouveau professeur du cours de langue de Laure ; Armelle, une « jeune maman d’école » avec qui Laure s’organisait, depuis six mois qu’elles s’étaient rencontrées, des visites de musée ; Julie, qui arrivait du Centre de la France, et dont le regard qu’elle m’adressa et la main qu’elle me tendit me firent croire à l’instant qu’elle en savait plus sur moi que j’en saurais jamais sur elle ; et Ana, donc, l’andalouse un peu maniérée qui, s’essuyant les mains après avoir déposé un plateau de canapés sur la petite table du salon, me gratifia d’un sourire qui laissait croire à l’envi que nous étions déjà de vieilles connaissances, puisqu’elle avait déjà voituré mon manteau.
La première qui me parla, ce fut Gaëlle et ce fut simple : Adrian s’était approché d’Ana, Laure et Julie étaient occupées à porter des assiettes dans la salle à manger, il ne restait plus que moi. Elle vint alors franchement et me lança :
- Vous êtes de Easyexpat ?
- Pardon ? fis-je, tendant l’oreille dans l’espoir qu’elle répète ce mot que je n’avais pas compris.
- Vous êtes de Easyexpat ?
Je n’avais toujours pas compris le mot. Je n’en avais pas formulé un seul encore et j’étais déjà dans la peau de l’étranger : j’ai imaginé, sur l’instant, lui répondre en anglais ou en espagnol, qu’elle croie le quiproquo normal, mais un coup d’œil vers Ana et Adrian me convainquit de ne pas m’aventurer sur ce terrain-là.
- Pardonnez-moi, mais je n’ai pas compris ce que vous m’avez dit.
- Oh, désolée, c’est moi : je vous demandais si vous étiez avec Laure à Easyexpat, le centre d’accueil pour expatriés… Je ne crois pas vous y avoir vu, déjà.
Ça commençait. Une consoeur d’infortune, une femme d’expatrié condamnée à subir des cours de langues réservés! Je la regardai attentivement pendant qu’elle m’expliquait que Laure et elle s’étaient rencontrées au nouveau cours – celui d’Adrian :
- Un type charmant, une énergie incroyable, beaucoup d’humour, mais qui parle un peu trop vite et un peu trop fort !
Il avait remplacé « celle d’avant », que Laure et elle n’appréciaient pas trop.
Gaëlle était une petite femme blonde, dont les grands yeux verts laissaient percer et l’enfance préservée et une grande méfiance devant l’existence et ce qui pourrait en composer les pièges. Une enfant avertie, en somme. Son débit, pensais-je, était certainement similaire à celui qu’elle reprochait à Adrian, mais je la laissai parler, profitant juste d’un certain nombre de ses mouvements pour, par dessus son épaule et pour ne pas donner l’impression de la fixer, regarder la femme qui m’intéressait. Celle que je n’avais pas vue depuis dix années et que je retrouvais telle que je l’avais quittée, peut-être parce que je n’imaginais pas, quand nous nous sommes quittés, que nous nous quitterions vraiment.
08:10 Publié dans Blog | Lien permanent
31/05/2010
Argument
Je les ai vus par la fenêtre. Quand Laure m’a demandé d’aller surveiller la cuisson dehors, sur le carré de pelouse devant le cottage, j’ai obtempéré, comme un maître de maison. Au moment même où je me débattais avec un saumon se délitant dans sa papillote mal fermée, sur la grille noircie du vieux barbecue, j’ai levé la tête et, par la fenêtre de la cuisine et sa perspective sur la grande table de la salle à manger, je les ai tous vus. Laure, qui s’affairait à préparer les assiettes – les aubergines d’un côté, les pois gourmands, qu’Ana avait ramenés d’Espagne, de l’autre – dans la cuisine, et les quatre autres, autour de la table basse, qui devisaient de façon très générale pour la simple et bonne raison qu’ils n’avaient, pour l’instant du moins, rien à se dire.
Laure a ce don, depuis toujours, d’inviter chez elle des personnes qui ne se connaissent pas ; elle avait trouvé idéal de profiter de ce week-end, le plus particulier de tous ceux qu’elle avait passés dans la ville depuis qu’elle était venue habiter Londres, un an et demi auparavant. Ana, Julie, Adrian et Gaëlle étaient donc venus souper ce samedi-là, convaincus, chacun de leur côté, que Laure les recevrait dans sa configuration familiale, mari et enfants inclus. Ce ne fut pas le cas quand elle leur ouvrit à chacun, qu’elle les invita à entrer, les priant de bien vouloir attendre les autres pour commencer. Des autres qu’aucun d’entre eux ne connaissait, pas plus qu’ils ne surent qui j’étais au moment même où, harassé par le voyage complexe que je m’étais imposé, je fis mon entrée et les trouvai là, un verre à la main, se demandant sans rien dire si j’étais Vincent. Le mari.
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27/05/2010
Deuce [S]ex machina
Il y a toujours un côté potache chez les rockers, surtout quand ils approchent de la cinquantaine et qu'ils sont plus vivants que morts: je n'en veux pas à l'Inoxydable de m'avoir piqué ce titre, à partir de la construction du Dom Juan. J'avais parlé, il y a quelques mois, de cet échange que Christophe Simplex et moi-même avons eu autour d'une machine à laver, portée sur deux ou trois étages, je ne sais plus. L'Inoxydable, qui m'a offert de participer à l'écriture de ce qui allait devenir, quelques mois plus tard, davantage qu'un projet: le premier album, à l'ère où l'on n'en fait plus, de Deuce, un groupe qui s'assume dans le rock français, fût-il rescapé des ruines de Starshooter ou de Bijou. L'album est sous presse mais Christophe m'offre ce titre, "Je connais mes limites", qui ose placer les enthymèmes sur le terrain du power-pop. C'est une petite merveille, réhaussée, dans sa version finale, de la voix de Stéphane Pétrier, vers qui ce blog lançait également, il y a un an, une offre publique d'emploi (non rémunéré!) à laquelle, jusque là, il n'a pas encore dit non. L'actualité n'est pas là, mais pour moi, c'est un vrai bonheur. Que je vous donne ici avant de partir dans le Berry y ramener ma "partie de cache-cache" quasi définitive, maintenant.
Chronique de l'album dès que je l'aurai écouté. Faites vivre les artistes, achetez leurs disques!
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Redite
Christian Chavassieux, 50 ans, ne s'accommode pas des petits arrangements du quotidien. Il les dézingue.
L'INTERMINABLE DEPLAISIR DE VIVRE
Christian Chavassieux n’est pas Bernie, que les choses soient clairement énoncées. D’abord parce qu’on ne commettra pas l’erreur de confondre les personnages de son « Psychopompe » avec l’auteur du roman, ensuite parce que Croizan n’est pas Roanne, où il habite et écrit. Il n’est pas Bernie même si une des scènes les plus remarquables de ce polar protéiforme se situe quand Nathan Charon - éminent rédacteur de nécrologies le journal local et misanthrope notoire, à qui l’on pardonne les outrances pour la simple perspective de voir sa célébrité, fût-elle locale, « certifiée par sa mort » sous sa plume – menace un adolescent récalcitrant « sur un ton didactique et neutre », en décrivant, dans la solitude d’une cabane de jardin la façon dont la bêche pourrait, « si je la posais sur ta gorge (…) et que je donne l’impulsion nécessaire » lui enlever la vie sans que celle-ci ait à faire, par la suite, aux différents passeurs d’âme que sont les moineaux, certains chevaux, qui « permettaient à l’âme de gagner le royaume des morts ». Ni Chavassieux ni Charon ne sont Bernie, non, parce que si certains crimes que l’auteur d’un dictionnaire des illustres – mais disparus, condition sine qua non – croiziens veut ériger en œuvre absolue ne manquent pas de burlesque, on est toujours, dans ce roman, dans une sociologie du spectacle meurtrier qui fait sens : Charon tue parce qu’il considère que la mort de ses contemporains vaut davantage que leur vie, qu’elle éclaire de nouveau une existence qu’ils ont, comme tout un chacun, vouée à la concession et au moyen terme. On peut croire, au début du roman, à un jugement péremptoire, jusqu’à ce que Charon lui-même confie à quel point il considère son existence, ses amours, ses amitiés comme autant d’échecs, jusqu’à ce que l’éditeur lui confie cette anthologie de ses meilleurs nécro, qu’il va donc itérer de quelques unes des morts dont il accepte de se charger. On dézingue, chez Chavassieux, tout ce que l’être humain contient de facilités et de renoncements : il tue le bellâtre à qui tout réussit parce qu’il s’est commis avec la jolie fille qui partage son bureau. Il le tue parce que juste avant, il a tué le chien de sa femme, Bezef, et qu’il a habilement maquillé le crime : rien de morbide, juste une fascination pour du vivant qui se révèle par la mort. Il tue la procureure, parce qu’elle confond les inepties de Paulo Coelho avec les véritables enseignements philosophiques ou, simplement, méditatifs.
« Dans ce théâtre des « hommes abîmés », Charon se fait démiurge, décide de l’ordonnancement des assassinats en fonction du besoin de son dictionnaire. »
Qu’elle n’a même pas ouvert, par contre, « Trois jours sans soleil », le livre qu’il a lui-même écrit et qui lui a procuré le fameux succès d’estime, à la fois pas assez et suffisamment pour savoir que ceux qui l’ont constaté n’en ont au final rien eu à faire. Charon passe, dans le roman, de Dionysos à Hades, mais comme dans la mythologie, on n’établit guère de frontières entre les deux : ses crimes sont des sacrifices qu’il fait à ceux qui en sont victimes. En les tuant, il leur offre la rédemption et, plus encore, la postérité qu’ils n’auront fait qu’effleurer. Dans ce théâtre des « hommes abîmés », Charon se fait démiurge, il décide de l’ordonnancement des assassinats en fonction du besoin de son dictionnaire. Il revit, sort de sa torpeur alcoolique de « misanthrope résigné », « déjà absent », redevient, par l’action d’écrire et de construire ses écrits, un analyste critique de « la grande nécrologie du monde » qu’il a donc entreprise. Exeunt les crises d’agoraphobie qu’il subissait dans un vernissage ou dans le hall lugubre d’un commissariat, Charon est méthodique, efficace et esthétique dans ses mises à mort, auxquelles il ne refuse pas, néanmoins, la dose d’improvisation qui leur donne du panache. On rêve, en lisant Chavassieux, de pouvoir se débarrasser de ses ennemis comme ça puis, en repensant au « Baiser de la nourrice », son précédent roman, on se souvient que c’est dans la logique destructrice que l’humanité tire son (dys)fonctionnement. Qu’on n’a pas encore passé le cap de Charon, qu’on n’a pas encore tenu « le temps des remords » et renoncé à la vanité de soi. Dans la nourrice, Chavassieux tenait le lecteur en asphyxie 157 pages durant ; dans le Psychopompe, l’écriture est alerte, raffinée, limpide à force de labeur. Les chapitres sont courts, l’action est construite, progresse, tient en haleine selon les règles classiques du polar. Mais ce roman offre une réflexion politique sur les ressorts spectaculaires de notre société et propose sa propre métaphysique, dans la confrontation finale de Gizant (sic) et Charon. Deux visions distinctes d’une même rédemption, fondée sur des livres différents. Car c’est bel et bien une religion du livre à laquelle nous convie Chavassieux : dans les entrelacements des récits (Magma, l’autofiction jamais écrite du personnage principal, les inénarrables bluettes du Guillaume Musso local, l’Ancien et le Nouveau Testament, le journal intime de Gizant), dans les variations d’énonciation comme dans la condamnation sans appel des réunions Tupperware, c’est pour sa paroisse qu’il prêche, en érigeant l’exigence comme la solution pour que nos morts ne soient pas plus belles que nos vies. Pour ne plus s’ennuyer face à une femme qu’on désirait l’instant d’avant. Son « héros sans héroïsme » se complète avec le Bogart sans charme qu’il croisera sur un banc public avant que celui-ci ne le devine dans le cadre du commissariat, puis le précède dans le dénouement : l’un joue aux échecs, l’autre voudrait les doigts fins du premier, qui siéraient davantage à son rang. Ces croisements, « le Psychopompe » ne les impose pas au lecteur, pas plus – c’est noté – qu’il ne peut offrir de mode d’emploi à sa lecture. On en sort juste un peu hagard, comme si une menace pesait désormais sur l’écheveau de nos petites vanités. Pas encore un bloc de ciel posé sur le ventre, mais… Ils auraient dû se méfier, les membres du Rotary de Croizan sur Loire, ne pas en mépriser la « mémoire vivante » ; en retour, ils n’ont récolté que la prédiction du conservateur : « Margaritas ante porcos » Ea pleine tête. Ehé.
17:47 Publié dans Blog | Lien permanent
26/05/2010
Big Brother can't read you.
C'est la deuxième fois en peu de temps qu'on me dit qu'une de mes notes - ici la critique du Chavassieux après celle du Belletto - n'est pas lisible, alors même que certains peuvent la lire dans le même temps sans problèmes. C'est embêtant: il ne manquerait plus que j'écrive pour rien. Je supprime la photo de la très belle couverture de Franck Perrot, retoucherai la mise en page s'il le faut. Inoxydable et Jacques sont concernés en premier lieu: par pur égoïsme, j'aimerais assez que ça vienne de leurs ordinateurs, pas du site. Mais tout cela est bien irrationnel.
21:49 Publié dans Blog | Lien permanent
24/05/2010
C'est non.
J'avais postulé à une résidence d'écrivain en Nouvelle-Zélande, on pouvait difficilement faire plus loin. Cinq mois qui m'auraient permis de couper un moment avec les contraintes, grandissantes, de ma vie professionnelle et de travailler à l'élaboration de mon roman russe à moi. Je n'ai pas été pris. Depuis ce matin, je tourne ce courriel reçu dans la nuit, sa formulation, ce qu'il ne dit pas, surtout: qui a été pris, et pourquoi? Il va falloir continuer à avancer sans ce minimum de notoriété qui ouvre les quelques portes qui s'obstinent à rester fermées sans jamais donner les raisons du refus. Ce sont de vrais thèmes de réflexion, dans notre société. Pas seulement un renvoi à l'amour propre. D'après Martin Veyron, d'ailleurs, celui-ci ne le reste jamais très longtemps.
11:49 Publié dans Blog | Lien permanent
22/05/2010
Massacre à la tronçonneuse
Il y a des moments dans l'écriture où la honte de vous-même vous submerge. J'ai souvent parlé, lors des rencontres Lettres-Frontière, de ce "livre-monstre" écrit dans la douleur entre mes dix-sept et mes vingt-quatre ans, qui voulait révolutionner la littérature mais qui n'était, sans que je le susse alors, qu'une logorrhée prétentieuse, déjection interminable d'un amour de soi que seul le conditionnement subi autour de l'autofiction doubrovskienne, dans mon adolescence, peut encore excuser. Je garde une grande affection pour ce manuscrit qui m'empêche, ai-je répété, de ne pas reproduire les erreurs passées. Du moins le pensais-je jusqu'il y a peu. Parce que la relecture de ma "partie de cache-cache" m'a obligé à dresser le même réquisitoire : incohérences narratives, digressions permanentes, psychologie à la Barbara Cartland, approximations structurelles, j'ai tout retrouvé (hélas!). "Dom Juan" - et ses imperfections - aurait dû, déjà, me ramener à ma condition d'auteur laborieux mais non, passer le cap, terrible, de la deuxième partie n'a fait qu'ouvrir, plus encore, les vannes de la facilité. Que j'ai eu le tort de valider au 15 mars, pour des questions, dérisoires et terriblement honteuses désormais, de possibilité d'une plus grande diffusion... J'aurais pu tout envoyer paître, laisser l'écrit à ceux qui savent faire, mais, après cette période d'hébétude, je me suis accroché et j'ai fait comme tout le monde: j'ai travaillé. J'ai biffé, condamné, raturé, reconstruit. J'ai fait des calculs (si, si...), à partir d'une date donnée, j'ai restructuré, sorti la machine à points, rayé les derniers adverbes qui restaient (merci, Christelle, encore), détruit les "je crois", "je pense", blah blah blah. Mon manuscrit a subi une cure d'amincissement dont je rêverais moi-même d'en connaître la moitié: les statistiques que j'ai publiées dans ces pages il y a quelques temps n'ont aucune commune mesure avec celles que je n'ai même pas pris soin de consulter après ma séance d'hier, dix heures d'un stretching littéraire ininterrompu. J'ai arrêté de m'écouter écrire, je l'espère définitivement. Et voilà que cet exercice prend la forme que Tébessa a connue, voilà que, sans prévenir, un mouvement s'enclenche, une affection aussi. Je me remets à trouver belle une histoire que j'avais enlaidie. Je ne sais pas si celle-ci, néanmoins, gagnera la foi de l'éditeur, à qui j'ai demandé, hier, deux faveurs: la première, c'est de détruire, physiquement et mentalement, le manuscrit envoyé il y a deux mois; la seconde, c'est de renoncer au contrat que nous avons signé s'il juge que ce roman, simplement, n'en vaut pas la peine. Chleuasme? Je crois qu'il la vaut, désormais, qu'il saura déranger sainement, sans agresser par la façon dont il est écrit, au moins. L'annulation de St Maurice m'aura permis ça, ironie du sort: au prix d'un mal de dos tenace et d'une migraine atroce, je me serai attaché à mon fauteuil et j'aurai travaillé, point. Dans l'ordre chaotique de ma vie, je vais écrire, maintenant, une variation poétique sur la chouette de Dijon, me nourrir de vrais écrivains à Roanne et à Saint-Etienne, redoubler de rigueur à la relecture de la comédie musicale lycéenne, travailler sur "l'insecte et le sacré", avec Jean Frémiot. Il sera temps, après, de voir si l'automne m'a apporté tout ce que je lui ai demandé. Et de commencer un "Aurélia Kreit" qui m'a déjà prévenu qu'il ne supporterait aucune approximation. Me voilà averti.
PS: image non contractuelle, comme on dit dans les milieux autorisés.
09:17 Publié dans Blog | Lien permanent