14/11/2010
At the end of the day, it's only hide-and-go-seek!
A noter que je ne sais pas très bien ce que signifie "l'inspiration rock", mais je m'en accommoderai, Eric Hostettler aussi.
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13/11/2010
Blind Date
C’est ce soir, à la Casa Musicale – un lieu qui va finir par bien porter son nom au vu du nombre de fois où je m’y suis trouvé ces derniers temps et qui sait élégamment accueillir les écrivains, aussi ! - que j’étais censé découvrir en avant première le secret de « Bonne-Espérance ». Une histoire de secret, de monstres, de frère disparu, entre des enfants qui se courraient après dans la lande, mais pas celle, plate, du Berry, celle arpentée des terres d’Irlande ou d’Ecosse, avec ses légendes et sa mythologie. Dans des temps qui restent indéfinis, tant dans la narration que dans les insertions que celle-ci s’autorise : de quelle vie de ses deux personnages centraux parle-t-elle, cette aventure, celle qu’ils ont déjà vécue avant, celle qu’ils ont, l’un ou l’autre, l’un et l’autre, rêvée, une seule réminiscence ("dans une autre vie, dans un autre temps, nous nous sommes aimés avant") ? Le halo de mystère qui entoure le récit de Bonne-Espérance et de ses amours incestueuses est à la hauteur de la longue attente qu’il a fallu subir pour qu’on y ait accès. Et ce ne fut pas facile, pour moi qui m’y étais préparé, de comprendre que ce ne serait encore que par bribes, celles entendues à l’aveugle dans une salle de restauration extrêmement bruyante, celles distillées dans un récital acoustique forcément incomplet. Il me reste quinze jours, encore, pour avoir le texte sous les yeux : j’ai compris que la figure centrale de cette allégorie était, au bout du compte, un grand mur, récurrent, un de ceux qu’on imagine ne jamais pouvoir franchir avant qu’on le fasse par interdit, en bénéficiant d’une courte échelle. Un mur de silences, de damnations, un zeste de Festen dans un inceste, mais seulement dans ses répercussions, au village : les commérages, la mère devenue folle, le père (« il n’existe pas, c’est juste une invention de ma mère ») parti, le chien découvert éventré devant la maison, dans les entrailles duquel, pourtant, Bonne-Espérance – nommé ainsi puisque né à fond de cale d’un Clipper tel un Jean-Baptiste Grenouille éjecté devant l’étal de poissonnerie - lit que, contre vents et marées, avec elle il se mariera. Dans un de ces futurs gidiens ("Nathanaël, je t'enseignerai la ferveur") fréquemment utilisés qui donnent au récit des allures de prédication, et rappellent que l'unité reste à comprendre. Un B-E « mort hier », dit-il de lui, se retrouvant dans une taverne avec Edgar Allan Poe – qu’il congédie, puisqu’il a lui-même deux macchabées au fond du corbillard qui l’attendent - ou dans Hollywood Park sans qu’on sache, pour l’instant, si c’est le fruit de son « cerveau dérangé » et des « images qui (le) hantent » ou si ces projections-là appellent les différents temps de l’histoire d’amour qui le lie à Thélma. Sa sœur. Qu’il voudrait arracher des griffes de son mari, Ethan, quand lui-même, dans le même temps, dit à Maureen Mc Kenzie, qui fait partie de la « photo de famille », qu’elle peut bien se pencher par dessus la falaise, il sait qu’elle ne va pas sauter, parce que « l’héroïne, ce n’est pas elle ». Bonne-Espérance aime Thelma tellement qu’il tuerait pour elle, si elle le lui demandait. Ce qu’elle ne manque pas de faire, même si l’interrogation demeure sur ce qu’il va se passer, et surtout si ça s’est réellement passé, encore une fois. Parce que si la confusion des temps n’empêche pas le questionnement lucide de Thelma (« Mais que s’est-il passé, mon frère ?»), c’est aussi pour lui demander juste derrière pourquoi, un beau matin, ils se sont réveillés vieux…
Tout cela est bien sybillin, oui, mais c’est une œuvre qui sera majeure dans son exigence et dans sa portée romanesque. Que Stéphane Pétrier, puisque c’est de lui qu’on parle, assume donc désormais et avec maestria. Dans laquelle il a embarqué depuis trois ans son Voyage de Noz, qui s’est donc totalement remis en cause. Je n’ai pas d’autres repères d’albums comme celui-ci depuis « l’Imprudence » de Bashung, c’est dire. Et c’est une autre belle forme de permanence que je savoure, puisque je les avais laissés il y a longtemps persuadé – de façon péremptoire – que l'écriture de Pétrier était encore très en deça de là où elle se devait d’être. Là, c’est avec une simplicité apparente qu’il sert le complexe de la situation : à ce titre, « la Tempête » est réellement un chef-d’œuvre, à mon sens. Je vais attendre quinze jours, maintenant, pour voir, livret en main, s’il y a d’autres secrets derrière le mur. Et s’il est d’autres théorèmes que de savoir où s’en vont les gens qui s’aiment.
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06/11/2010
IV- L’Impromptu de Florence
L’action se passe sous les arcades du Palais Pitti. Laurent de Médicis, qui n’a pas encore rencontré Clarisse Orsini, jouit d’une solide réputation de séducteur. Ippolita Maria, fille de Francesco Sforza, au mariage de laquelle il a assisté, l’aborde secrètement.*
Ippolita Maria Sforza
Vous m’intriguez, Monsieur, je ne sais si je dois
Vous demander des comptes sur un subit émoi
Laurent de Médicis
Que je vous inspirai ? Vous me flattez, Madame !
Ippolita Maria Sforza
Je vous prie de cesser de jouer de vos charmes !
Je ne vous parle pas de ce type d’émoi
Qui ne touche jamais qu’êtres de peu de foi !
Mais de la position que vous prenez, céans
Qui vous donne les traits d’un fieffé Don Juan
Dont on ne sait jamais quelles sont les humeurs
Ni de quelles régions sont les élans du cœur
Laurent de Médicis
Vous pensez me connaître sous ces attributs-là
Qui vous rassureront puisque ces entrelacs,
Il va sans dire, Madame, qu’ils ne sont pas les vôtres :
Vous n’êtes pas de celles qui rampent et se vautrent !
Ippolita Maria Sforza
Monsieur, vous m’outragez !
Laurent de Médicis
Il n’en est rien, Madame !
Ippolita Maria Sforza
Pourtant c’est outrancier !
Laurent de Médicis
Mais si loin de votre âme !
Puisque les Florentines tiennent de leur Cité
Le don de ne sortir jamais que maquillées
Des plus belles peintures qu’on ait jamais perçues
Vous n’avez pas le vice, Madame, mais la vertu !
Ippolita Maria Sforza
Vous savez bien flatter, mais savez moins répondre
Aux questions qu’on vous pose et pourtant sans encombres
N’y a-t-il pas ici quelques afféteries
A ne montrer de vous que cette face-ci ?
Laurent de Médicis
Pour la clarté, Madame, vous avez un époux !
S’il vous voyait ici, que dirait-il de vous ?
Ippolita Maria Sforza
Rien de ce qui m’attire ne peut m’être fatal
Quand le lien que j’ai pris est fidèle et moral
Laurent de Médicis
Et si je vous disais, Madame, que je l’envie
Cet être qui à vous un jour on a uni ?
Ippolita Maria Sforza
Je vous dirais, Monsieur, que vous pourriez aussi
Etre d’une ingénue le fidèle mari
Laurent de Médicis
Que je n’aimerais plus dès après qu’un regard
Se portera sur moi sans que j’y prenne gare ?
Non, non, je vous le dis, je n’aimerai personne
Que je ne puisse aimer sans peur du monotone
Je peux garder de vous le meilleur sans conquête
Il suffit qu’un sourire, une pensée s’y prête
Et si cet absolu dépasse l’Apennin
Je resterai là, seul, en maudit florentin !
Je préfère aimer plus que l’on m’aime en retour
Qu’on me condamne donc sans ultime recours :
On dira de ma vie qu’elle se fît dans l’errance
Mais on dira aussi qu’elle séduisit Florence.
* Il va sans dire qu’aucun historien sérieux n’a trouvé trace de cet épisode sulfureux.
09:05 Publié dans Blog | Lien permanent
05/11/2010
Un tramway nommé Jules & Jim!
Le salon de Lyon ayant été annulé par le type de précaution dont on se demande bien de quoi elle est censée nous protéger, et le Café littéraire de Pigny ne souhaitant visiblement pas m'accueillir pour d'autres obscures raisons, les rendez-vous autour de "la partie de cache-cache" se resserrent quelque peu, mais j'ai deux événements importants à annoncer à ceux qui ne le savent pas déjà.
Le samedi 20 novembre, à 18h, je suis l'invité de la "Librairie du Tramway" avec d'autant plus de plaisir qu'il s'agit de "ma" librairie, d'en-bas-de-chez-moi. Eric Hostettler m'accompagnera et je souhaite qu'il y ait du monde pour ma première "vraie" réception sur Lyon.
Le vendredi d'après, le 26, à 19h, je serai chez "Jules & Jim", en Haute-Savoie, avec, je le souhaite, tous ceux de Lettres-Frontière qui attendent de me revoir. Pas de musique ce soir-là, mais - forcément - un petit impromptu autour de J&J, mon oeuvre fétiche. Enfin une des.
Pour fêter ça, il fallait bien une affiche, et des tracts autres qu'appelant au retrait de la réforme des retraites. Isabelle & Régis Grève-Vaillon, que je remercie ici, s'en sont chargé. A noter que "la Valse" m'accompagne et que c'est tout un symbole.
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30/10/2010
Résidents du philharmonique
Je poursuis mon voyage dans l’Art des autres, en ce moment : il faut bien s’enrichir et je m’inquiéterais de mon absence de goût pour la lecture si je n’avais pas lu Sartre et si je ne me savais pas dans la phase écriture, que je dissocie comme lui de l’acte de lire, ce qui nous autorise le double d’angoisse, la peur de ne plus lire un temps, la peur de ne plus écrire un autre… Bref. Ce soir, j’ai retrouvé une Casa Musicale que j’avais quittée conquise, dans toutes les acceptions du terme, par des Deuce qui ne connaissent pas leurs limites (contrairement à ce qu'ils veulent faire croire), pour un récital d’un tout autre genre puisque Valeria Pacella et ses musiciens y ont posé leurs instruments pour une résidence de quatre jours ponctuée, donc, d’un concert final pour lequel on espérait peut-être plus de monde que la quinzaine de personnes présentes. La résidence d’artiste, c’est une excellente idée d’Eric Martin, le maître des lieux, ça donne une tournure intime et familiale, l’envie, également, de se dépasser. Valeria Pacella comptait visiblement sur ce concert pour donner l’élan que tout artiste émergent espère donner à son projet : un album est en cours, il est prévu pour fin décembre, la souscription qui va avec trouvera, je l’espère, l’écho qui devrait être le sien dans un univers pourtant bien encombré. VP en concert, ce sont trois musiciens issus du classique qui font part d’une maîtrise et d’un équilibre impressionnants : la patronne, tout en bras nus fins et musclés, joue de ses guitares comme une concertiste debout, le manche relevé, les arpèges affutés ; de chaque côté d’elle, ses hommes – dirait Barbara – la suivent, chacun dans le monde de son instrument. Fred D., par ailleurs excellent auteur-compositeur-interprète lui-même, créateur d’un « l'âme » qui m’a impressionné récemment, roule de sa corde de basse, soutient le morceau, lui donne du corps. Olivier Gailly, en violoncelliste lunaire, lui répond par vagues, quand ses archets donnent à un « Funny smile » la dimension tragique que son titre ne sous-entend pas. Chez Valeria Pacella, qui chante en anglais douze fois sur treize, les champs d’inspiration sont classiques, également, pour le peu que j’aie pu retenir d’une première écoute, en dehors des titres disponibles sur la toile : tout n’est pas matière au suicide, heureusement, il y a, comme chez tout le monde, des chansons qui sont d’amour et d’autres qui n’en sont pas. Un texte sur un auteur qui bloque à la 21ème page, ce qui n’est pas beaucoup, convenons-en. Il y a surtout une voix d’une clarté qui mélange, je l’ai déjà écrit, Anne Clark avec Suzanne Vega, ce qui n’est pas rien, le tout teinté, programmations et quelques samples de humming obligent, d’un peu de Claudia Brücken, la chanteuse d’un Propaganda ressurgi du néant le temps d’une interrogation. C’est élégant, c’est subtil, ça manque sans doute d’un peu de rythme et d’enchaînements : entre le bois qui travaille et la courte durée des morceaux – pourquoi pas de reprise instrumentale interminable, avec une telle formation ? - on a un peu plus entendu les silences que la musique. Même si le silence qui suit une chanson de Valeria, c’est encore… Enfin, la chanson, vous la connaissez.
Valeria Pacella - "Funny Smile", Casa Musicale, 29.10.10
envoyé par cachardl. - Regardez plus de clips, en HD !
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28/10/2010
Paroles & Musique
Je suis chez Hostettler, je l'entends gratter la guitare en haut. Je ne reconnais pas ce qu'il chante, mais l'air m'interpelle: je dois le dire ici, autant par curiosité que par jalousie, puisque si je ne reconnais pas, c'est peut-être parce que ce n'est pas de moi. Voilà, le moment de honte est déjà passé. Je monte, j'ai mon ordinateur avec moi, je m'assieds à la table du bureau, il continue de chercher, un accord, une harmonie. C'est le moment où je me sollicite, je me dis que des mots DOIVENT venir, pour autant je sais qu'ils ne répondent pas plus que moi aux impératifs. Je voudrais moi aussi être laborieux et ce n'est pas une provocation: je sais depuis longtemps que je ne peux pas travailler longtemps sur un texte - même si un texte chez moi peut s'installer dans la durée - mais que le texte surgit violemment, après que mon cerveau a dangereusement chauffé. Je crains, à mon âge, un accident cérébral qui me paraît inévitable au regard de ce qui se passe dans mon for intérieur : j'espère juste qu'il surviendra une fois que j'aurai terminé ce que j'ai à faire, seulement. Les mots sont donc sortis, je ne sais pas ce qu'ils valent, je me dois de les laisser à Eric puisque j'en ai d'autres à gérer, des plus compliqués, des qui demandent davantage encore. Il est temps, maintenant que ma nouvelle esquisse des émotions est terminée, que j'en termine avec mon Dîner, dont je sais que certains, ici, attendent le dénouement. Que je n'en sache rien moi-même leur importe peu: c'est la règle du je.
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27/10/2010
Nouvelle esquisse d'une théorie des émotions en vingt-sept pages.
(Extrait)
I- Abordage & dévoilement
C’est une idée qui grandit, qu’on veut chasser parce qu’on en connaît les limites ; on sollicite à peu près tout, la raison, la morale, les impossibilités : on se rassure, on se rappelle, mais tout de suite après vient le « on se racole » de « Happe » et là, d’un coup, tout s’écroule de nouveau. On sait pourtant bien comment elle fonctionne, la cristallisation : il suffit, ponctuellement, de retourner sur les lieux où elle a frappé pour que le souvenir revienne, avec une exactitude provocatrice : tu pensais que tu aurais pu m’oublier, sourit-elle en ramenant tout à la surface. Alors, en amont, quand on pense encore contrôler, on évite, on élude, on s’empêche, littéralement, d’aller chercher dans les yeux de celle-ci ce qu’on a déjà trouvé, ou cru trouver chez d’autres. Un mécanisme, après tout, ça s’explique, ça peut aussi s’anticiper : il suffit de prendre l’élan contraire pour que le mouvement s’annihile. Mais si l’on savait faire ça, isoler le génome de l’émotion, on vivrait plus calmement, sans doute, mais moins, de fait. Alors on s’abandonne, on se dit que l’instant est fait pour ça, que c’est sa fugacité qui se rappellera à nous, qui règlera l’impact et l’incidence de ce qui surgit. On sait également que le premier obstacle, le langage, va tout ramener au premier plan : on ne peut pas laisser les regards parler d’eux-mêmes plus longtemps, il va falloir entamer la conversation. Celle qui va nous situer bien en deçà de là où on s’est imaginé, déjà. Rien n’est plus anodin que ce qui est dit entre deux êtres quand ils ne décident pas, d’eux-mêmes, de se dire tout dès le premier instant. Ce qui n’arrive jamais. On cherchera donc le métalangage, l’état du dessus, celui qui signifie. Il y a bien des codes de lecture des situations, les corps qui expriment, les gestes qui trahissent, mais le silence entre les mots est souvent le plus éloquent : tu me dis ça, j’entends ce que tu ne me dis pas, on risque le malentendu, à chaque instant. Les 27 pages qui s’imposeront derrière. Mais l’émotion est là, parfois porteuse d’évidence, ce qui n’est jamais bon non plus : y a-t-il moins évident qu’une évidence portée par l’émotion, le rationnel répondra non, mais le temps qu’il démontre, la passion aura passé son chemin, se sera emparée d’une autre histoire. Eprise de quelqu’un d’autre. Tiens, éprise, mot central d’une autre confidence, une de celles qui, au contraire de celle-ci, ne s’est pas étalée : je la rappelle, ici, parce que des années après, elle est toujours source de stupéfaction chez celui qui l’a créée. L’aphorisme était régulé, il n’avait que vingt secondes pour exister et faire sens :
« Il faut que je te fasse un aveu : à aucun moment, je ne me suis senti aussi proche de quelqu’un que je me sens proche de toi en ce moment ; nos vies se rapprochent, c’est limpide : on peut lutter, c’est sûr, mais ça ne servirait à rien. Je suis tellement épris de toi.*»
* Confidences Indistinctes (Cachard/Frémiot)
12:51 Publié dans Blog | Lien permanent
25/10/2010
Ce n'est pas le dictionnaire qui va porter plainte, hein?
Je ne suis pas un bon client pour le comique. Ni un bon juge, d’ailleurs : je vais au café-théâtre une fois par décennie et encore, parce que j’ai une réelle aversion pour les one-men show de plus grande envergure. C’est dire que c’est simplement la curiosité qui m’a poussé voir Palandri en spectacle, ainsi qu’une réelle interrogation sur mon inaptitude à rire aux mêmes places que mes contemporains. Il y a dix ans, c’est « Arrête de pleurer, Pénélope » que je suis allé voir dans un de ces bouges consacrés au comique que la place lyonnaise adore, et j’ai dû dire quelque chose en sortant comme : « si ces filles là font carrière, je veux bien être pendu », soit, sans le savoir alors, ce que Georges Pérec avait dit de Johnny Hallyday passant en vedette américaine de Raymond Devos à Bobino*. Palandri, qu’on le dise d’entrée, est un très bon comédien, il a aussi l’avantage énormissime de savoir ne pas rire de ses propres traits, une habitude ruquierienne pour moi rédhibitoire. Il sait aussi jongler de l’air du temps et ses saillies font penser qu’un homme comme lui invité à un barbecue l’été doit être irrespirable. D’autant que l’homme a des références, ou alors des coïncidences troublantes : on trouve dans son « Palandri is not Dead » des emprunts à Desproges, à Coluche, à Dupontel. Pas dans les textes, même si la mise en abyme et le résumé du spectacle sonnent desprogiens et que la bonhomie, quand elle ne va pas vers De Funès, est coluchienne en diable : question de ventre et d’intonations, sans doute. Qu’est-ce qui fait, alors, que je n’arrive pas à rire en même temps que ceux qui, à mes côtés, se tordent de douleur tant la seule situation leur paraît hilarante ? Les quelques effets qui font qu’un bon mot est souvent répété, comme si l’on ne l’avait pas compris, ce qui en anéantit, pour moi, la portée ? Les petites facilités qui font qu’on va en territoire conquis – par gestes, par récurrences – quand il en est d’autres qui sont effleurés, frôlant une indécence – sur le cancer, sans rien dévoiler – qu’on aimerait plus mordante encore ? Mon comique de la décennie ne m’a ni lassé, ni déçu, je suis même heureux de savoir de qui je parle, maintenant : ses sorties sur les conventionnels du rang, de Mimie Matty à Vincent Lagaf en passant par les talents littéraires supposés de Patrick Poivre d’Arvor et de Claire Chazal, m’ont convaincu de sa légitimité. Tout en lui est drôlerie, de la façon dont il occupe la scène jusqu’aux failles qu’il arrive à créer chez le spectateur, cette empathie qui ne noue alors même que tout est artifice comique. Pourquoi, alors, sinon à cause de moi ? Les lieux, la promiscuité, l’obligation de rire peut-être. Un public peut être plus gras que l’artiste qui se produit devant lui. Ce doit être ça, oui, et la pensée que j’ai eue, pendant le spectacle, des concerts de Pierre Perret qui, à chaque fois qu’il annonce « la Corinne », entend des murmures de réprobation de personnes qui, en fait, n’attendent que ça, qu’il la chante. J’en suis là : ça ne s’arrange pas, moi. Je vais devoir attendre cet été, qui sait, pour partager avec Palandri (nous avons beaucoup d’amis communs mais ne nous connaissons pas), le temps d’un barbecue, notre dépendance assumée au lobby des bouchers-charcutiers : peut-être, à ce moment, aurai-je libéré un peu plus du potentiel zygomatique nécessaire à l’exercice. En attendant, ce n’est pas parce que je ne sais pas faire qu’il faut vous empêcher d’aller rire en le voyant. Puisque je vous dis qu’il est bon.
* « Je me souviens » n°181
23:37 Publié dans Blog | Lien permanent