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31/08/2015

Water everywhere.

Emmanuelle Pagano dénoue l’écheveau des histoires personnelles et familiales dans le premier volume d’une trilogie à venir sur l’eau, celle qui coule de source ou celle qui tourmente et, quoi qu’il arrive, donne la matière du moulinier dont sont extraits les tissus, les fils qui cousent, décousent, filent et renouent : on le voit, la matière lexicale est riche dans cette première histoire, Ligne & Fils, Ligne étant, à la fois, le nom de famille (vite ramené, localement, à Chante-Merle), celui de l’usine que l’arrière grand-père de la narratrice a fondée, parti de rien (fils abandonné à la naissance, aux dates aléatoires, au parcours social remarquable mais douloureux) et le nom de la rivière, aussi, qui donnent aux ouvrières du moulinier du travail et de la peine. On est dans une reconstitution pointilliste de la fin du XIX°s, mais les touches sont liquides, comme le livre, dans son acception réelle et poétique. Emmanuelle, dont les l semblent s’étirer, Pagano donne au lecteur un récit court et croisé entre deux histoires, la grande (la fresque) et la petite, celle de la narratrice qui a laissé son fils mourir de soif à la naissance, acte inconscient mais fondateur d’une fuite au fil de l’eau et des éléments. L’enfant a été sauvé, mais l’histoire se reproduit quand, à seize ans, il est hospitalisé, de nouveau, pour un coma éthylique. Dans « Ligne & Fils », doux patronyme du patronage, Emmanuelle Pagano dépeint les impossibilités des êtres de se défaire vraiment des liens qu’ils ont tissés, touche au cœur quand la narratrice se voit elle-même dans l’incapacité d’être mère, et offre une promenade sur les rivages des rivières d’Ardèche, les secrets de famille épousant ceux des lieux, l’enquête devient topologique. le lecteur jubile de mots retrouvés, de métiers disparus, de filatures et des histoires des lavandières autant que  de la thérapie du Béal. L’analogie fils/fils, psychanalytique, date de 1977, elle est de Doubrovsky et ouvrait le champ de l’autofiction. Emmanuelle Pagano était trop petite et bien lui en a pris : cette mélancolie d’un temps révolu, cette belle façon de jouer entre les époques, leurs analogies (le fils musicien reproduit les sons de la nature, l’arrière grand-mère tenait elle-même un journal de l’eau, la narratrice cherche dans la photographie le moyen de fixer ses émotions) et leurs différences, est une petite merveille. Qui en annonce deux autres.

"Ligne & Fils", POL, 15€

19:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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