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27/05/2021

218.

Je fatigue et je n'ai plus d'inspiration sur ce terrain ; je voudrais laisser tomber ce compte à rebours s'il ne m'obligeait pas à rester en vie pour attaquer le gros oeuvre qu'il me reste à faire : m'attaquer au bloc d'écriture que j'ai commis pour en tirer la finesse de la sculpture, je connais ça, j'y suis déjà passé. Peut-être seront-ils là, les sept mois qui me séparent de la fin du décompte, auxquels je devrai rajouter deux (bons) mois de polissage, avant que d'autres prennent le relais. Tout ça m'amènera aux débuts de 2023, si nous sommes encore debout. J'approcherai de l'âge où je pourrai me séparer de l'écriture pour ne plus faire que vivre.

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26/05/2021

219.

"Quand j’y suis retourné, quand au débarcadère,

J’ai quitté le bateau qui m’y a ramené

C’est de tout son sourire que j’étais habité

C’est en sa compagnie que je mis pied à terre

Sur cette île d’Ouessant qu’il avait sublimée

De sa voix chaude et lourde, j’ai fait mes premiers pas

Fébriles, hésitants, hébétés d’être là

Bien des années après, et d’âpres destinées"

Ouessant 21 - à paraître

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25/05/2021

220.

DRAZEN.jpgVlade fait 2,17m. Un 7’ feet tall, disent les américains. Il n’est jamais passé inaperçu dans les petites ruelles de Prijepolje, sa ville natale, ni dans les rues de Belgrade où il commence une carrière de basketteur qui le mènera au sommet. Dans les années 80, il fréquente toutes les sélections de jeunes de son pays, la Yougoslavie, et écrit avec ses camarades les pages les plus inoubliables de l’histoire de ce sport : jeu collectif, passes redoublées, adresse, tout y est. Pour ceux qui ont déjà pratiqué, il faut imaginer des moments où, jamais, le ballon ne touche le sol, un jeu qui rend fous d’impuissance les adversaires. Vlade se lie d’amitié, tout de suite, avec Drazen, qu’on appelle déjà le petit Mozart. Lui réinvente le jeu, tutoie les Dieux : on dit qu’il a marqué 120 points dans un seul match. Vlade, Drazen sont inséparables, montent un à un les escaliers de la gloire : leurs copains de sélection se mettent au diapason, le Yugoplastika Split domine l’Europe, le Partizan de Belgrade n’est pas loin, le Cibona de Drazen écœure, encore, ses adversaires. Drazen est mis au repos lors d’un match présumé facile contre l’Equipe de France, qui mène au repos à la surprise générale. Il rentre à la mi-temps, met trente points, les trente qu’il y aura d’écart, au final. En 1990, arrivent les championnats du monde, alors que les premiers bruits de l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie sourdent, que les nationalismes s’affûtent. La Yougoslavie écrase tous ses adversaires, jusqu’au titre final, c’est la liesse sur le terrain, envahi. Un spectateur brandit avec orgueil un drapeau croate. Vlade, qui voit d’un mauvais œil cette manifestation déplacée, s’en saisit, le jette à terre, puis retourne fêter avec ses amis le titre mondial au cri de « Yugoslavia, Yugoslavia ! ». Pour lui, l’incident est clos, oublié, sans doute, déjà. Mais au retour, dans un pays qui commence à ne plus exister, son geste a été récupéré : on dit de lui qu’il est un nationaliste serbe, qu’il a craché sur le drapeau, qu’il n’en est pas à sa première intimidation. Tout cela est faux, mais grandit : une rumeur peut dépasser en taille le plus puissant des Big Men… Drazen, qui n’a rien su de l’incident sur le moment, se laisse sans doute raconter plus qu’il n’en faut. Quand ils rejoignent tous les deux les Etats-Unis pour le championnat professionnel, Vlade sent bien qu’il se passe quelque chose, ne dit rien, fait comme si. Mais l’amitié a été bombardée : il n’y aura plus d’appels quotidiens, d’embrassades fraternelles. Divac est devenu, pour les Croates, l’homme à abattre. Ses anciens coéquipiers lui tournent le dos, la famille de Drazen s’écarte de lui : il est la Grande Serbie à lui seul et la haine est profonde.
Vlade voit sa vie s’écrouler, la guerre arrive, inexorablement. Sur les terrains américains, il croise quelquefois Drazen, mais rien ne se passe. Il voudrait qu’ils se posent tous les deux, autour d’un café, qu’ils en parlent. Mais il n’ose pas lui demander. Il comprend qu’une amitié met une vie à se construire, qu’il suffit d’une seconde pour la détruire. Il suit la carrière de son « frère » en filigrane, mène la sienne. Ils ne joueront pas ensemble les Jeux Olympiques de Barcelone, face à la Dream Team d’une Amérique décidée à reconquérir sa suprématie, verra la Croatie se hisser en finale mais ne rien pouvoir faire. Il sait que la Yougoslavie unifiée aurait pu, l’aurait fait. La Serbie est au ban des instances internationales, ce qui n’arrangera rien par la suite. Lui regarde Drazen à la télévision avec un pincement au cœur, se dit qu’il va vraiment falloir parler, qu’ils ne peuvent pas en rester là. Après tout, si Drazen est le joyau de la nouvelle Croatie, son père était serbe, ce qui montre bien que tout est relatif. Après les Jeux, se promet-il, aux Etats-Unis, il le rappellera, ils parleront… Une année s’écoulera sans qu’il le fasse et, en juin 93, parce qu’il décide au dernier moment de rejoindre l’Allemagne en voiture plutôt qu’en avion avec ses coéquipiers, Drazen se tue sur la route. Vlade est en vacances aux Caraïbes avec sa famille, il apprend la nouvelle par une chaine d’informations continue, il s’écroule de ses 2,17m. La blessure ne se refermera jamais.
Des années ont passé, de ces années où l’on se demande ce qui a bien pu entrainer tout cela. Vlade traîne une carcasse devenue lourde dans des rues dans lesquelles il se serait fait tuer vingt ans plus tôt. Il raconte toute cette histoire d’une voix triste mais décidée. Ses anciens coéquipiers reconnaissent que l’Histoire lui a fait porter un poids injuste. Lui a renoué, revient sur les lieux de leur gloire insouciante, retrouve la maman de Drazen et son frère, leur montre une photo d’eux deux enlacés. Il ira la déposer seul sur le mausolée qu’un pays tout entier a dressé à son idole. Sur cette tombe, alors qu’elle pleurait un fils disparu, un homme a morigéné la mère du petit Mozart : vous l’avez mis au monde, mais il nous appartient à tous, lui a-t-il dit. Elle raconte au grand Vlade combien il comptait pour son fils, ils rient de savoir qu’il est parti dans sa splendeur alors que eux connaissent les marques du temps. Vlade, au cimetière, met fin à ce mauvais rêve de la fin du siècle dernier. Il est un peu gauche, le Big Man. Il lui dit juste ces mots qui vont rester : « c’est bon de te revoir, mon ami. »

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24/05/2021

221.

À 53 ans ou presque, le seul succès que je me reconnaisse est que mes soirées s'apparentent aux hebdomadaires de Maritie & Gilbert Carpentier.

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23/05/2021

222.

Il me faudra me souvenir que j'ai un travail à terminer.

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22/05/2021

223.

Dans cette maison, la cuisine était remplie de conserves de grande contenance, des produits pour les collectivités. La boîte de haricots, vidée, servait de vase pour les fleurs posées sur l'autel improvisé, le dimanche, pour la messe qui disait le père Vey (oui, c'était la totale) : que les haricots fussent de la marque Jésus n'a choqué personne, à part moi.

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21/05/2021

224.

Pendant les dix-sept premières années de ma vie, j'ai passé le week-end de la Pentecôte au Col St André, près de Modane, dans une colonie de vacances que mes parents et leurs amis louaient pour rien à la paroisse du quartier. Il y avait le dortoir des enfants et celui des adultes, et on se demandait qui des parents descendrait nous demander de faire moins de bruit et de les laisser dormir. Les spéculations menaient bon train, on n'avait peur que de deux d'entre eux, les autres feraient chou blanc, récolteraient des fous-rires à peine la porte refermée. Récemment, je me suis dit que j'étais devenu un de ces adultes qu'on craignait. Et ça m'arrange.

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20/05/2021

225.

Je me demande au nom de quoi on autorise encore les coiffeurs à dégrader leurs clientes.

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