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19/06/2021

195.

POCHETTE-ISQLAF-1024x1024.jpgIl faut (il faudra) du temps pour aborder le nouvel opus du Voyage de Noz, son deuxième roman musical en dix ans : Il semblerait que l’amour fut (ISQLF) est un double album de 18 chansons, 18 pièces musicales plutôt, tant le format classique de la chanson est bousculé. ISQLF reprend le thème dystopique de l’album précédent, et le file tout le long d’un opéra-rock qu’il faut aborder, nous dit l’auteur (Pétrier) dans le combi Volkswagen jaune de Little Miss Sunshine. Lui est plus vieux que Dwayne, l’ado nihiliste du film et son t-shirt de Nietzsche, et la dernière histoire qu’il raconte n’est pas plus optimiste : dans la société qu’il décrit – qui ressemble de très près à la nôtre – l’ennemi public, dans un principe d’inversion des valeurs, c’est l’amour, tout ce qui peut rapprocher les êtres. On le décrit, dans le titre éponyme, comme la marque disparue d’une civilisation antérieure, dont le quinquagénaire se fait l’archéologue (il faut admettre que l’amour soit un concept dépassé), en en remontant les symptômes (dans le Patient zéro) et les manifestations dans les villes du monde entier, de la Garde-Adhémar jusqu’à Addis-Abeba, pour ne retenir que les allitérations et les assonances. L’amour, donc, désigné par les autorités comme le virus à combattre, et que des résistants (ces gens inconscients qui continuent à s’aimer) vont défendre, rejoignant la zone libre, disent-ils. Libre d’aimer et de se souvenir, de faire le bilan mathématique (moderne), additionnant, soustrayant, jusqu’à arriver au résultat (dividendes, divisions), ce bilan humain fait de petites victoires et de misérables secrets. Pétrier, qui parle en son nom pour mieux déjouer l’autobiographique, parle mieux que quiconque de ces échecs et de ces constats, de l’annonce d’un corps complètement pourri de l’intérieur, mais pas mort (tout juste), d’un être si vivant, encore, presque heureux, souffle-t-il dans le sublime « Train ». Il est beaucoup question de fuite et de frontières dans ISQLF, mais de celles qu’on se choisit quand ce qui nous entoure ne nous convient plus :  l’éternelle partie de cache-cacheavec soi-même… La résistance est active, et en soi, et l’humanisme ressort rapidement, même devant la mort d’un Jedi dans une chambre d’hôtes : ce qui fut peut revenir, c’est le credo qu’il défendait déjà dans le début, la fin, le début. Là, son âme nous fait voyager jusqu’aux civilisations pré-incas, sur les lignes de Nazca. C’est toujours la même chanson, depuis le début, dit-il, après plus d’une heure d’écoute, avant d’annoncer qu’il ne chanterait plus, et de se déjuger immédiatement, derrière, en présentant (toutes) ses excuses.

Depuis 30 ans qu’il ponctue nos vies de ses albums, le Voyage de Noz arrive toujours à surprendre, ici par le format et l’omniprésence de guitares presque chamaniques, très Led Zep, devant une session rythmique toujours impeccable. La place donnée dans le chant et les chœurs à Nathalie Pétrier incarne, littéralement, l’idée, que les femmes sont les dernières garantes de l’amour, quand les hommes n’en gardent que des souvenirs (Christine) ou des marques. Eux ne l’éprouvent, le plus souvent, que quand ils l’ont perdu, en font des ouvrages, ou des chansons : « Le plan A, c’était de s’aimer à en crever, il n’y a jamais eu de plan B ».

. C’est sans doute la question sous-jacente de ISQLF, qui ne livrera ses secrets qu’après des années d’écoute, sans doute, au même titre qu’on n’a pas fini de relever les références cinématographiques (« Thomas, vous avez triché », c’est fait, déjà) et les éternels tributes de Pétrier, de Jarmusch à Montagné (Gilbert). En attendant, il faut vivre pleinement l’anachronisme que nous propose ISQLF : poser un vinyle sur la platine, écouter une histoire complète, dans l’ordre, et se rappeler qu’il n’y a que deux choses – si je fais les comptes moi-même – qui restent, à la fin : l’amour, et la façon de le dire. Let it be.

05:15 Publié dans Blog | Lien permanent

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