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03/07/2021

181.

J’ai pas posé d’autres questions. Je l’ai emmenée jusque chez sa logeuse et je lui ai dit au revoir, en enlevant mon calot. Une autre femme, je lui aurais fait la totale et elle m’aurait pas laissé passer. Mais elle, je savais que si je voulais la revoir, il fallait que je la laisse tranquille, là. Gaston lui aurait parlé d’opéra, mais je suis pas Gaston et moi, j’ai pas cherché à la fuir, la guerre. Puisqu’elle m’avait mené jusqu’à Gabrielle, je pouvais pas dire qu’elle n’avait servi à rien. Je suis rentré à la caserne, j’ai graissé la patte au planton parce que j’avais une heure de retard. Ça m’a coûté dix cibiches, mais j’avais répondu à une question que je m’étais longtemps posée : c’est quoi la différence entre l’émotion et le sentiment ? Pas des questions qu’on pose à des bidasses ou des marins. Mais dans mon pajo, ce soir là, j’avais une réponse : le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.

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02/07/2021

1&2 07

Il était convenu, bien malgré moi, qu'il y aurait des ratés, dans cette année à l'envers. Voilà le deuxième.

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30/06/2021

184.

S'il m'est jubilatoire de fâcher mes ennemis, il m'est insupportable de savoir que des amis se sont sentis blessés par des propos que j'ai tenus et dont le sens aura échappé à l'un d'entre nous, au moins. À tous ceux-là, je demande pardon. Aux autres, non. Mais qu'ils patientent: la prophétie du misanthrope - et chercher sur la Terre un endroit écarté où d'être homme d'honneur on ait la liberté - n'aura jamais été aussi près de s'avérer, dans ma vie.

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29/06/2021

185.

J’ai trouvé dans le fond d’un verre de Manzanille

l’amertume des soirs passés à m’imprégner

des couleurs de la lune qui pour nous deux brillait

à distance légale d’émois partis en vrille ;

il ne me reste rien de cette cantilène,

c’est l’état d’abandon et puis de décalages,

une atrophie des sens, comme pour un retour d’âge,

la torpeur d’être en face d’une vie qui fut sienne

J’ai tant de souvenirs, ma mémoire en est pleine

sur l’écran Adèle H. rechausse ses lunettes :

je voudrais être en face d’une âme souveraine

délestée de tout ce qu’un beau soir on regrette

Plaza de España, j’ai attendu des heures

voir à Séville sombra prendre le pas sur sol,

fuyant tous les humains, réfutant les écoles,

priant pour que le temps concordât à mon cœur

Il me reste le vide, dans lequel je m’installe,

décidé à pallier toutes les parts manquantes

le vide est une vie dont on décore l’étal

[ un étal d’où dévale l’étendue d’eau régale

et qui parfois attire jusqu’au pas des passantes

J’ai tant de souvenirs, ma mémoire est espiègle,

 elle accole Adèle H. à mes amours défaites

bien qu’à la table rase plus que jamais je tienne,

qu’à l’issue de l’oubli lentement je m’apprête

Ici une lumière a recentré la ville,

tous ces lieux qui ravivent m’ont fait me retrouver

au fond du fond du verre glacé de Manzanille,

in fine du fino jaillit la vérité.

Va ! née sabéenne, ma reine est sévillane 

je griffonne une Ode sur le coin d’une table :

l’encre noire dessine sur le papier de sable

d’inédits aphorismes aux ambitions profanes

Alors à Triana je vais la rechercher,

 mon Adèle isolée du reste de sa vie,

près du Guadalquivir je vais déambuler

à mon bras une muse que jamais on ne vit

 

ad lib « Los balcones se cierran

Para enjaular los besos

!Oh cuanta estrella

cuanta estrella ! »*

*Federico Garcia Lorca « Ocaso de feria »,1921

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27/06/2021

187.

EED15FF9-1886-4F04-9FD1-D3E3F9B65093.jpegLibrairie Quartier Latin, à Saint-Etienne. La caverne d’Ali Baba littéraire, 20000 livres dans un espace restreint, plus de théâtre et de poésie que je n’en ai jamais vu ailleurs, de l’écriture de tous les pays du monde, des sciences humaines comme s’il en pleuvait, une table à l’entrée consacrée à Fata Morgana, quatre livres de Paul Nizan (j’ai compté), un exemplaire de Tébessa ressurgi de l’oubli et, au milieu, Aurelia et une Girafe.

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26/06/2021

188.

0587986A-FAE3-4C50-86A0-960A0077BDD3.jpegIl y a plusieurs façons d’éprouver la diffraction du temps. Parler d’Aurelia avec un des membres du groupe dans un train, au risque de rater l’arrivée, retrouver l’Inoxydable pour une soirée digne de nos plus jeunes années, revenir à la Casa où les immuables Lyne et Éric nous accueillent au punch et rougail-saucisse. Le souvenir affleure, mais on n’a pas le temps d’y penser, parce que le privilège domine: la soixantaine de personnes réunies - jauge oblige - assistera au tout premier concert des Noz autour de leur dernier album, « Il semblerait que l’amour fut », ci-dénommé ISQLAF. Les vinyles sont arrivés, tout frais tout beaux, Patricia les veille, le temps qu’à l’étage, où la réminiscence est forte, le groupe se lance dans le vide d’une répétition géante, aux allures de casse-gueule, disent-ils. Le Maestro Xavier Desprat est aux manettes du son, il est attendu, aussi, pour avoir créé un spectre dont lui seul est capable. Et dès le premier titre, éponyme, on sait qu’on ne sortira pas indemne, une fois de plus, d’un concert de ce groupe qui aurait pu, aurait dû jouer devant un public multiplié par mille, à chaque fois. Égoïstement, on en profite, on retrouve cette section rythmique de folie, qui permet aux autres de se lâcher. J’ai déjà tout dit sur les performances de Stéphane Petrier comme chanteur, cet (autre) iguane en plein transfert, qui livre son histoire onirique, allégorie du couple et de la fuite, cheveux au vent dans une pièce qui manque d’air. Les titres défilent, dans un ordre narratif. Comme il y a dix ans, pour « Bonne Espérance », ils ne joueront que ceux du dernier album, au grand dam, en rappel, de fans dont on se demande s’ils ont compris ce qui se tramait hier. Porter un tel projet sur scène est une gageure, et la première est aussi réussie que le rougail-saucisse, c’est un repère. Comme les Noz ont occupé trente ans de la vie des gens présents hier, on s’étonne encore qu’ils nous surprennent, mais ça marche à chaque fois. La puissance du son, les envolées lyriques de Marc, le guitariste, qui joue devant Manu, son historique prédécesseur, derrière les masques, on voit les paroles déjà pénétrer l’esprit et la mémoire des spectateurs, et c’est très bien ainsi: ISQLAF, écrivais-je, est un album qui ne se livre pas tout de suite, qu’il faudra apprivoiser. Son propos, c’est de réhabiliter l’amour (bordel!), parce qu’il n’y a pas de plan B. Que je sois monté, au matin, dans la voiture 8 du Train, pour retrouver Muriel et faire la jonction entre 35 ans écoulés et deux à venir avant que nos Aurelia se croisent à nouveau était un indicateur solide, déjà. Les Noz, que chacun vit a sa façon, c’est le lien qui relie tous ceux qui, a un moment, se sont reconnus dans l’entreprise énorme d’arrêter le temps, où de le déjouer. C’est une vraie responsabilité qu’ils tiennent depuis si longtemps. Ça justifie, à chaque fois, un aller-retour de mon exil singulier. Pour voir Thabouret manquer de chuter du tabouret, dans une mise en abyme. Pour retrouver ceux qui m’aiment pour ce que je suis et parfois m’incombent ce que je ne suis pas, c’est ainsi. Et refaire le concert, longtemps après, dans la nuit. Il y a une vie après l’amour.

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25/06/2021

189.

Sara colle des heures de colle
Sara fraichit les années folles
Sara, gaillarde, dit, que l'école
Ça rajeunit quand ça rigole
Sara court, si, des marathons
Ça râle un peu quand ses garçons
Saraléo, Sarakaria
Rapiècent un peu du pantalon .
Mais quand elle sourit, Sara
Ça rappelle des souvenirs
Ça ravive bien des désirs
Ça rassérène, Sara, la Reine
Sara porte la voix du Nord
Sara jolie languit, dès lors
Que l'amoureux que Sara bande
En retour pour elle lui rende
Ça rallume et ça ramone
Ça rabaisse, oh! la friponne
Ça ravit les vits et les vies
Sara dit que c'est l'Eclaircie.
Mais quand elle sourit, Sara
Ça rappelle des souvenirs
Ça ravive bien des désirs
Ça rassérène, Sara, la Reine
Sara quarante et Sara qui
Rameute et caracole ici
Sara dit au logis, aussi
Sara corde et sans raccroc
Qu'on ne sera jamais de trop
Pour faire partie de ses amis
Sara dote, sans dot, sans fard
Sans passer pour Sarah Bernhardt
LC, 2013

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24/06/2021

190.

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