16/04/2021
260.
À mon âge, faire des plans?
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15/04/2021
261.
Je ne sais pas ce qui s’est passé entre la carpe et le lapin, mais je peux vous dire qu’entre la dorade et le chorizo, c’est l’amour fou.
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14/04/2021
262.
Lénine a lourdement chuté de vélo en coinçant sa roue dans le rail d'un tram, à Zurich, et est arrivé en retard, le sourcil coupé et l'oeil poché, au congrès de la ligue de la social-démocratie révolutionnaire russe à l'étranger. Ça se joue à rien, parfois.
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13/04/2021
263.
Tout recommencer à Jersey.
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12/04/2021
264.
Laurent Cachard n’a pas « fait l’Algérie» : ça, c’est fait ! C’est au moins le postulat que posent les 40 ans qu’il avait au moment de l’édition de « Tébessa, 1956 », en 2008. Une fois cette évidence énoncée, il reste la question de la matière,
à laquelle il n’échappe jamais, et répond patiemment. La genèse de son premier roman édité vient d’une histoire familiale dont seule a survécu une valise blanche en fer – « réglementaire, chacun la même, l’armée, c’est fait pour unifier ! ». Celle avec laquelle les plus chanceux des soldats revenaient, qui était renvoyée à la famille de ceux qui n’en avaient pas eue, de chance. Gérard Poncet, au patronyme qui rend compte de l’époque, est mort le 5 avril à Tébessa, dans le canton de Djeurf, alors même qu’il n’avait posé le pied sur le sol algérien que six petits mois plus tôt, en novembre 1955. En 55, on n’est pas encore dans la psychose d’un conflit qui s’enlise, il doit même y avoir des moments de joie sur le Ville d’Oran qui les a menés vers une terre qui n’était pas la leur mais qu’on leur demanderait bientôt de défendre comme si c’était la leur. De tirer « comme si votre vie en dépendait ! », disait Rivière, avant de mourir dans cette embuscade du 5 avril 1956 ; comme d’autres, comme Gérard, qui se doute qu’il n’en échappera pas et s’évade en pensée sur les pentes et le plateau de son quartier natal de la Croix- Rousse, à Lyon. Là où il les aurait « semés, les fells », là où il en retrouvait certains, peut-être, place Colbert, quand ils n’étaient alors que ses « voisins » de misère, dans un quartier où ouvriers et immigrés partageaient encore ce qu’ils avaient. C’est que la guerre, Gérard, plus encore que Bardamu, elle lui est tombée dessus sans qu’il y comprenne rien. L’apprenti-fleuriste de chez Beurrier, il aurait bien aimé qu’on le laisse à ses compositions fleurales et au doux sourire d’Elise, mais on a fait comme avec les autres, on ne lui a rien demandé. C’est l’oralité qu’a choisie Cachard pour redonner une voix à celui qui l’a perdue et c’était un piège : celui d’en revenir au Voyage, justement, celui de trahir une deuxième fois l’existence de quelqu’un. Etrangement, c’est Gérard lui-même qui lui vient en aide, par sa simplicité extrême, sa façon candide d’aborder, par petites touches, le contexte politique (« D’après Ballandras, qu’ils appelaient Lénine à la caserne : « si l’Algérie n’était pas un protectorat, c’était tout comme : il fallait reconnaître son indépendance » ») tout en répétant qu’il n’y comprenait rien. Gérard, dont la beauté d’âme n’est même pas ternie par les petits écarts (de bordel militaire) qu’il confesse en pensée, Gérard qui s’inquiète pour sa mère, ses deux soeurs et son chat Misou. Pas pour son père, qu’il rejette de son tableau de fin, reconstitué point par point. Gérard n’a pas le cynisme de Bardamu, « Tébessa, 1956 » est donc débarrassé de tout poids politique et psychologique. Et aborde l’Histoire en « mettant en récit » (l’expression est de Ricoeur) le fragment que Gérard lui sacrifie : la connaissance se construit, s’organise, se dote d’un sens, même si ce sens confine à l’absurde. Laurent Cachard, dans le débat qu’il a eu pour « l’Usage des mots » avec Eugène Durif sur ce « devoir de mémoire » dont ils ont tous deux réfuté l’injonction, a défendu la « juste mémoire » chère à l’auteur de « la
mémoire, l’histoire, l’oubli » et repris – sans le savoir – la conception heideggérienne de « l’avoir été » opposé au « n’être plus ». Une positivité de l’avoir été qui fournit, par le roman, une nouvelle sépulture à l’ex 2ème Classe PONCET
Georgges (« ce que je voudrais, c’est qu’ils se trompent pas de prénom quand ils enverront le télégramme à mes parents » ) dont l’inventaire des effets est reproduit en épilogue de l’ouvrage. Gérard revit et avec lui une Croix-Rousse - puisque les deux récits de l’embuscade et de la promenade mentale sont enchâssés – ressuscitée, du « Paris Méditerranée » de la Vogue des Marrons aux cinémas « le Marly » ou « le Chanteclair », de l’Eglise Saint Bernard au Café des Ecoles. S’il y a présence de l’absence dans la mémoire et si cela entraine reconnaissance, alors on s’est tous reconnus dans ce personnage qui décide de ne pas se laisser dicter sa fin par l’absurde et de se construire, on l’a dit, son tableau de fin. Jusqu’à la vision finale, belle surprise pour un pépiniériste (« « Qui n’a jamais planté un arbre ne peut prétendre savoir ce qu’est la vie », c’est un dicton japonais, ils sont forts les japonais pour les jardins. ») qui l’autorise à lâcher prise parce que rien ne le retient dans un monde qui envoie « des hommes » - Laurent Mauvignier
reprendra les mêmes thèmes dans l’Après, le retour - perdre leur vie (« voilà, c’est la fin, maintenant, la vraie fin »)
dans des instants d’éternité pas si différents « des instants que j’ai voulu arrêter quand j’étais à la Croix-Rousse ».Ce sont les autres qui pleureront sur son sort et c’est ça qui l’embête le plus, Gérard, en plus des chrysanthèmes qu’on mettra sur sa tombe alors que « - pourvu que Maman ne m’entende pas ! – c’est quasiment un crime de les mettre dans les cimetières. » Il arrive que le « trop de mémoire » par ci, le « trop d’oubli ailleurs » - dit encore Ricoeur – produise, socialement, un spectacle indécent. La fiction est en charge, désormais, de dissocier, pour rester dans la philosophie, la mnémé, le souvenir qui affecte, de l’anamnésis, la mémoire qui compose. C’est pour cela que « Tébessa, 1956 » ne propose pas de fin, parce qu’elle est donnée au début et parce que le minimum était d’être aussi pudique que Gérard devant la Mort (« Si seulement je pouvais juste faire qu’Elise pense très fort à moi au moment où ça se passera, j’aurais une mort complète et soulagée »). Laurent Cachard dit l’ironie d’avoir redonné la voix à quelqu’un qui l’a perdue et de le laisser parler avec bonheur, sans tristesse rajoutée ; de voir aussi que Gérard lui survivra, nous survivra à tous. Comme restera le parfum du lilas blanc au mois d’avril quand nous serons partis. C’est aussi ça la transmission.
PH
pour « le Cheval de Troie », 2009
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11/04/2021
265.
Et au hasard d'une recherche, retrouver Camille, une seconde.
"Quand elles passèrent les grilles du camp, après une courte négociation avec les troupes amusées de voir une femme au volant, les trois filles de la Manu sentirent d’entrée que l’atmosphère avait changé. Les jeux de dupes et de jacobins du gouvernement provisoire ne semblaient plus faire effet sur les régiments de la 3e brigade. Elles traversèrent des barrages où, derrière le contrôle de soldats encore convaincus, se tenaient des conciliabules qui semblaient engagés. Des comités où officiers discutaient à part égale avec de simples soldats sur les principes démocratiques introduits dans l’armée. Sans insoumission comme à l’intérieur du camp, mais avec une tension qu’elles jugèrent palpable. La Dion-Bouton, libérée, aurait pu filer sur les petites routes du Limousin mais quand elles entrèrent à Saint-Martial-le-Vieux, Aurelia les fit stopper, déjà. Pour une minute, précisa-t-elle. Il lui en fallut cinq pour se faire indiquer, par une vieille assise sur le pas de sa porte, une maison à quelques mètres, qu’elle rejoignit à pied, suivie, comme par une patrouille, par le véhicule qui faisait ouvrir quelques rideaux, au passage. Aurelia frappa à la porte, une femme, jeune, belle et apprêtée lui ouvrit. Les deux filles auraient vendu leurs pères et mères pour entendre ce qu’Aurelia et elle se disaient, mais malgré leur insistance et leurs questions répétées, Aurelia ne leur dit rien de ce qu’elle avait échangé avec cette jeune femme. Il eût fallu leur parler des jardins d’Ellington et pour le coup, le train n’aurait pas attendu. Elles arrivèrent à la gare de Limoges, qui bruissait comme à Paris : on y voyait des unités – des bataillons de chasseurs à pied, venus de Bellac et de Tulle – converger vers les troupes de protection, des gradés venus renforcer un commandement déjà pléthorique, un fourmillement d’essaim d’abeilles qui ne préjugeait rien de bon, dans une telle bourgade. Aurelia sourit à l’image d’une plaque fraichement apposée, que ni Vladislav ni elle n’avaient repérée, à l’aller : on annonçait le projet d’une ligne entre Bordeaux et… Odessa, via Limoges et Lyon, et les ambassadeurs n’étaient autres qu’Edouard Herriot, le maire de Lyon, et Paul Claudel, le frère de l’artiste ayant vécu une relation sulfureuse avec Rodin, le sculpteur dont l’atelier se situait à l’hôtel Biron, rue de Varenne, là où l’attelage avait débarqué, à Paris, là où sa mère s’était éteinte sans avoir pu visiter l’antre du maître, comme elle en avait l’intention. Parfois la vie offre des rappels, pensa-t-elle, mais ça non plus, elle ne l’expliqua pas à Suzanne et à Catalina. Un Locotracteur Schneider type LG vint atteler des wagons dans lesquels elle ferait le long trajet entre Limoges et Bordeaux, en espérant un modèle plus rapide entre Bordeaux et Lyon. Mais elle s’en moquait, Aurelia, de ce temps-là : elle avait du sommeil à rattraper, et le besoin de se poser pour établir son plan d’attaque. Elle somma ses deux comparses de ne pas attendre que le train s’ébroue : entre les retardataires et l’organisation interne des wagons, elles ne feraient que retarder maladroitement le moment de se quitter. Une dernière embrassade, deux femmes qui font volte-face sur un quai et qui s’éloignent, inexorablement : toutes les séparations relèvent du même cliché. Imitant les pioupious qui cachaient leur trouille – eux feraient Bordeaux-Paris et le front de Somme – Aurelia s’allongea à même le sol du premier wagon, sur sa vareuse, la tête calée dans le paletot, et s’endormit illico, sans sommations." LCAKIILJDE
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10/04/2021
266.
Littérature, Hérault, Frontignan
"Laurent Cachard était à la librairie associative Prose café, ce samedi, pour une séance de présentation et de dédicace de son dernier ouvrage Aurélia Kreit. L’écrivain, par ailleurs président des Automn’Halles – le festival littéraire de la rentrée, sur l’Île singulière, s’est emparé d’un personnage fictif qui est le nom d’un groupe de New wave lyonnais et lui a donné vie. Celle-ci commence au début du siècle dernier en Russie et la fin du livre – et nom de l’existence de l’héroïne – s’achève à Saint-Étienne. Mais le romancier a aussi et surtout évoqué, à partir des questions posées par Béatrice et les auditeurs, sa passion pour l’écriture, un "métier à plein temps, au moins 4 ou 5 heures par jour", pour la rédaction de ce "roman Russe" sur "l’identité et l’exil" considéré comme un aboutissement, ainsi que son opposition assez vive face au genre de l’autofiction. Il ne cacha pas qu’Aurélia Kreit est "aussi le fruit de nombreuses recherches historiques, et fut l’occasion d’un voyage sur les traces d’Aurélia »
Enfin, il confia que l’histoire n’était pas terminée, qu’Aurélia avait décidé qu’elle devait se poursuivre, ainsi les deux tiers d’un deuxième tome sont-ils déjà accomplis. »
Philippe Malric, "Midi libre", le 07/04/2021
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09/04/2021
267.
C’est ce qu’il faut avoir en tête quand on joue Aranjuez, plus que n’importe quelle partition : plus on se fond dans l’élément, plus il parvient à l’auditeur. C’est l’eau, la terre et le sang qu’il faut lui rendre, l’Espagne et rien d’autre. Le crescendo de l’orchestre est la base dramatique, la guitare qu’on m’a demandée, la poétique. Deux pans d’une même entité, la complexité d’un homme et de son œuvre : lire la musique ne suffit pas, la jouer non plus, s’y perdre est essentiel. Le premier mouvement est la pointe du jour, la lumière qui recouvre la terre, l’idée de la naissance et du monde à conquérir ; le deuxième, l’après-midi qui se prélasse, la lumière qui s’adoucit et se prête à la flânerie, à la séduction : c’est l’âge d’homme. Le troisième, une analepse, le zénith, le soleil de midi, la lumière qui écrase, l’idée absurde que l’existence est essentielle. Jouer cette œuvre, c’est être un homme complet, avec ses failles, ses fulgurances, tout entiers contenus dans un morceau de bois. J’aurai fait parler le bois, en menuisier de la confidence. Pour cela, certains diront que je ne mourrai jamais. C’est l’absence de moi qui validera l’idée que je ne suis plus là, mais rien de tout ça n’est grave, maintenant. Là où je vais, je vois Lucía. Et tout recommence.
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