06/09/2021
116.
"C’est la vision du pousse-pousse qui les a surprises. Personne ne peut s’attendre, quand on intègre des champs d’horreur comme ceux-ci, à ce qu’une image fige votre attention, jusqu’à ce que l’infirmière-chef vous ramène sur terre, brutalement. Pas de place pour les rêveries, ici ! a-t-elle tonné, avant de reprendre ses gestes mécaniques. C’étaient les éclats d’obus qui dominaient, dans le camp médical : rien de propre, des plaies souillées, la gangrène gazeuse qui progressait tous les jours, avec son lot de morts en deuxième session, comme on les appelait là-bas. Juste après qu’ils aient échappé à la faucheuse, qu’elle ait fauché leur cothurne, le type avec qui ils s’entendaient bien. Dans le théâtre de la guerre il n’y a aucun premier rôle : c’est l’Histoire qui se charge de les désigner. Au front, il n’y a qu’un enchevêtrement de corps suppliciés, de râles constants et d’ordres froids, ceux des médecins, des infirmiers – professionnels ou bénévoles – des brancardiers et ceux des sections sanitaires automobiles qui enchaînaient. Sans que personne ne sache où on allait. Dans les premiers temps de cette guerre-éclair, les problèmes se posaient par strates : des blessures modernes dues à l'artillerie, au gaz ou aux balles des shrapnells, l’anarchie du ramassage des blessés, des bases fixes pour les services de santé, des établissements sanitaires montés à la hâte dans des lieux entre-temps tombés à l’ennemi… Rien de tout cela ne semblait réel aux yeux des trois filles plongées dans le bain dès leur descente du train et pourtant, tout incarnait la réalité la plus sordide de l’être humain."
Extrait de Aurelia Kreit, les jardins d'Ellington (janvier 2023)
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05/09/2021
117.
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04/09/2021
118.
Elle est une figure importante des dix dernières années de mon existence, me demande tout de go où j'en suis avec cette histoire russe qui m'accaparait, il y a quelques années encore: je sors le gros livre rouge, je lui offre, elle le soupèse, l'observe, elle y voit, elle, tout ce qui a failli me perdre et m'a simplement laissé exsangue. Il est là, dans ses mains, et je ne m'en lasse pas.
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02/09/2021
120.
Alceste, le vieux misanthrope, s’est défait de la frivolité de Célimène en trouvant son endroit écarté ; l’inverse est toujours possible parce que rien n’est jamais trop tard : à tout moment on peut choisir la vie, à condition de ne pas la rater.
13:51 Publié dans Blog | Lien permanent
01/09/2021
121.
Dans l'absurde de ce monde, la phrase entendue le plus, un jour de rentrée, reste : "Tu sors à quelle heure?".
07:47 Publié dans Blog | Lien permanent
31/08/2021
122.
09:17 Publié dans Blog | Lien permanent
28/08/2021
125.
Il y a cinq ans, dans cette chambre de Léon Bérard, je me suis demandé si j'avais le droit d'écrire là-dessus, et je me suis répondu que je le devais.
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26/08/2021
127.
Tu vois, parfois j’ai l’impression que je peins pour me venger, de ne pas avoir été assez aimé de ne pas être reconnu comme j’estime devoir l’être. Je me venge des échecs que j’ai moi-même construits par auto-destruction. Mépris de soi réactivé, tu te souviens de la chanson ? C’est comme avec les femmes, je vais m’éloigner de celles qui m’ont aimé justement parce que j’ai peur qu’elles aiment un autre en moi, celui que je ne suis pas. On a suffisamment dit de moi que j’étais un séducteur pour ne pas me reconnaître dans ce portrait-là : comme si j’avais besoin, jusqu’à la fin, de me chercher. Il y a un brin de paranoia, là-dessous, parce que je reste au centre d’un univers que ceux qui me voient pensent être le mien, mais qui m’échappe, que je ne m’approprie pas. Toi, j’ai l’impression que tu écris par damnation : pas la tienne, non, celle de ceux qui t’inspirent. Si tant est qu’ils se reconnaissent dans l’exercice, ils n’y échapperont pas. Ni le temps, ni l’idée que le livre soit livre ne leur permettront de s’en sortir. Oh, ils s’en convaincront, mais une petite part d’eux-mêmes sait qu’il n’y a pas d’issue. Je la comprends, Clara Ville, qui n’avait qu’une crainte, finir tuée dans un roman. Mais il y a pire, finalement : que le peintre tienne le portrait, que l’auteur le réussisse et le portraituré sera redevable, dans sa vie et dans ses choix, de ce qu’on a dit et fait de lui.
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