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06/07/2021

178.

Les ruelles de Collioure sont d’étranges labyrinthes concentriques dans lesquels les badauds aiment à se croire perdus. Même à cinquante mètres de là où ils logent. Ça leur importe peu : s’ils sont là, à la frontière, entre deux cultures, c’est qu’ils veulent s’inscrire, dans le temps, les lieux, la durée. L’histoire, aussi, la leur, la grande. Si Machado – souviens-toi, est-il un homme pleinement satisfait de lui-même qui soit pleinement un homme – dort ici, c’est justement parce que le temps peut s’y arrêter, qu’on peut s’y promener comme s’il n’avait d’enjeu ni en amont ni en aval. Au-dessus des eaux et des plaines, si l’amitié s’est arrêtée, c’est sans doute à l’amour de reprendre le flambeau. Même si, là aussi, on en a peur, même si les retenues, les contraintes, les assurances trop tôt énoncées. À moins de cent mètres, à gauche, il y a la mer, de toute manière, celle qui retient tout et ne trompe jamais personne. Qui sait distinguer la réplique de l’absolu. Dans les mains croisées, les regards qui se perdent, il y a la crainte que tout recommence, à commencer par la lassitude, l’habitude, tout ce qui nous happe, au quotidien. Mais quand les couples, là-bas, n’ont pas de poussette, c’est qu’ils ont déjà vécu et qu’ils sont prévenus. Que tout peut se réinventer, sans que ça n’ait aucune commune mesure avec ce qu’ils ont déjà connu. Les enfants, souvent, jouent à « Cap ou pas Cap ? », mais ce sont eux, ces anciens gamins, ces parents aguerris, qui devraient jouer à retrouver leur innocence, le sérieux qu’ils mettaient dans leurs jeux d’enfants, disait l’autre. Collioure est une espèce de citadelle qui ne laisse personne ni entrer ni sortir indemne. On peut se contenter d’y avoir passé quelques jours, mais il y a d’autres enjeux, qui se vérifieront longtemps après, quelles que soient nos réticences à entendre parler de nous. Par les murs, les étoiles et les communautés d’âmes. Le Clair de lune n’a pas fini de les illuminer, les amants de Collioure.

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05/07/2021

179.

bababa.jpgC’était une bonne idée, malgré le froid et le vent, de s’extirper, hier soir, de ma Thébaïde pour aller voir Martine Bousquet chanter Barbara chante Brassens. Un exercice de style fondé sur le deuxième album de la dame brune, enregistré en1960 – Grand Prix de l’Académie Charles Cros l’année d’après – qui aménage des standards à sa tonalité, se permettant même de changer quelques vers, ci et là, histoire de féminiser le tout. Martine Bousquet chante très bien Barbara, dans sa tessiture, mais là, elle retrouvait - pour la première d’un spectacle qui aurait mérité le cabaret à l’intérieur plutôt que l’inconfort des chaises à l’extérieur – la fragilité des essais, celle qui lui va mieux, à mon sens, que la maîtrise et le transfert. On a entendu la vraie voix de Barbara dire que Brassens n’avait pas du tout aimé qu’elle le chante, et qu’ils s’étaient, elle la première, réservé quelques amabilités avant de se rabibocher, lui le premier. Puis on a entendu la voix de Martine chanter Barbara qui chantait Brassens, de la Complainte des filles de joie jusqu’à la Marche Nuptiale en passant par l’Oncle Archibald ou le Pauvre Martin. Et bien d’autres, en duo, parfois, avec Herve Tirefort, excellent chansonnier, beaucoup mieux préparé et sonorisé qu’il le fut un jour, en rattrapage, salle de la Macaronade… Le propre du spectacle, c’est de rapprocher deux univers tout aussi mythiques, et entendre, encore, des chansons qui font partie du patrimoine. À chaque fois, le luxe de réentendre la Petite Cantate ou Dis, quand reviendras-tu, chantée à la guitare, le pied gauche posé sur la chaise, à la Brassens, se fait prégnant, et bouscule les tonnes de souvenir que j’ai de Mogador, de Fourvière ou du Chatelet. C’est beau, c’est réussi, ça chante plus que ça parle et tant mieux : il y a un temps pour tout et la conférence était avant le concert. Le binôme fonctionne très bien, la voix d’Hervé Tirefort se prêtant à toutes les modulations possibles : on ne chante pas Trénet ou Lapointe comme ça. Là, c’était Brassens et Barbara, et c’est bien, aussi, de ne pas tomber dans la fausse binarité des reprises qui font taper des mains. La femme d’Hector, en vocalises, faute d’avoir retenu les paroles, se mêle à Monsieur Victor, les mignons rattrapent la supposée misogynie du barde sétois – oui, la misandrie existe, même si on en parle moins – et la première est réussie. J’en arrive même à devoir reconnaître qu’Aragon n’est pas qu’une fieffée crapule (même si) et qu’Il n’y a pas d’amour heureux est quand même un texte sublime, surtout chanté à nu, comme ça. Un duo Georges & Patachou clôt le tout, même si le mot de la fin est pour le Bois de St Amand, la dernière demeure souhaitée par la dame en noir. Que j’ai retrouvée, hier soir, l’espace d’un instant. Invitée par Georges, comme si l’histoire recommençait.

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04/07/2021

180.

En co-errance.

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03/07/2021

181.

J’ai pas posé d’autres questions. Je l’ai emmenée jusque chez sa logeuse et je lui ai dit au revoir, en enlevant mon calot. Une autre femme, je lui aurais fait la totale et elle m’aurait pas laissé passer. Mais elle, je savais que si je voulais la revoir, il fallait que je la laisse tranquille, là. Gaston lui aurait parlé d’opéra, mais je suis pas Gaston et moi, j’ai pas cherché à la fuir, la guerre. Puisqu’elle m’avait mené jusqu’à Gabrielle, je pouvais pas dire qu’elle n’avait servi à rien. Je suis rentré à la caserne, j’ai graissé la patte au planton parce que j’avais une heure de retard. Ça m’a coûté dix cibiches, mais j’avais répondu à une question que je m’étais longtemps posée : c’est quoi la différence entre l’émotion et le sentiment ? Pas des questions qu’on pose à des bidasses ou des marins. Mais dans mon pajo, ce soir là, j’avais une réponse : le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.

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02/07/2021

1&2 07

Il était convenu, bien malgré moi, qu'il y aurait des ratés, dans cette année à l'envers. Voilà le deuxième.

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30/06/2021

184.

S'il m'est jubilatoire de fâcher mes ennemis, il m'est insupportable de savoir que des amis se sont sentis blessés par des propos que j'ai tenus et dont le sens aura échappé à l'un d'entre nous, au moins. À tous ceux-là, je demande pardon. Aux autres, non. Mais qu'ils patientent: la prophétie du misanthrope - et chercher sur la Terre un endroit écarté où d'être homme d'honneur on ait la liberté - n'aura jamais été aussi près de s'avérer, dans ma vie.

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29/06/2021

185.

J’ai trouvé dans le fond d’un verre de Manzanille

l’amertume des soirs passés à m’imprégner

des couleurs de la lune qui pour nous deux brillait

à distance légale d’émois partis en vrille ;

il ne me reste rien de cette cantilène,

c’est l’état d’abandon et puis de décalages,

une atrophie des sens, comme pour un retour d’âge,

la torpeur d’être en face d’une vie qui fut sienne

J’ai tant de souvenirs, ma mémoire en est pleine

sur l’écran Adèle H. rechausse ses lunettes :

je voudrais être en face d’une âme souveraine

délestée de tout ce qu’un beau soir on regrette

Plaza de España, j’ai attendu des heures

voir à Séville sombra prendre le pas sur sol,

fuyant tous les humains, réfutant les écoles,

priant pour que le temps concordât à mon cœur

Il me reste le vide, dans lequel je m’installe,

décidé à pallier toutes les parts manquantes

le vide est une vie dont on décore l’étal

[ un étal d’où dévale l’étendue d’eau régale

et qui parfois attire jusqu’au pas des passantes

J’ai tant de souvenirs, ma mémoire est espiègle,

 elle accole Adèle H. à mes amours défaites

bien qu’à la table rase plus que jamais je tienne,

qu’à l’issue de l’oubli lentement je m’apprête

Ici une lumière a recentré la ville,

tous ces lieux qui ravivent m’ont fait me retrouver

au fond du fond du verre glacé de Manzanille,

in fine du fino jaillit la vérité.

Va ! née sabéenne, ma reine est sévillane 

je griffonne une Ode sur le coin d’une table :

l’encre noire dessine sur le papier de sable

d’inédits aphorismes aux ambitions profanes

Alors à Triana je vais la rechercher,

 mon Adèle isolée du reste de sa vie,

près du Guadalquivir je vais déambuler

à mon bras une muse que jamais on ne vit

 

ad lib « Los balcones se cierran

Para enjaular los besos

!Oh cuanta estrella

cuanta estrella ! »*

*Federico Garcia Lorca « Ocaso de feria »,1921

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27/06/2021

187.

EED15FF9-1886-4F04-9FD1-D3E3F9B65093.jpegLibrairie Quartier Latin, à Saint-Etienne. La caverne d’Ali Baba littéraire, 20000 livres dans un espace restreint, plus de théâtre et de poésie que je n’en ai jamais vu ailleurs, de l’écriture de tous les pays du monde, des sciences humaines comme s’il en pleuvait, une table à l’entrée consacrée à Fata Morgana, quatre livres de Paul Nizan (j’ai compté), un exemplaire de Tébessa ressurgi de l’oubli et, au milieu, Aurelia et une Girafe.

08:54 Publié dans Blog | Lien permanent