04/10/2021
88.
Les courriers et jardiniers des salles de théâtre dans lesquelles se produisit Georges Brassens n’eurent guère à se soucier des contraintes techniques liées à ses récitals tant ils étaient basiques. Côté cour, le « bon maître » officiait, pied sur un tabouret ou une chaise selon ce que l’on avait sous la main. Côté jardin, en fond de scène, le contrebassiste donnait le tempo, chuchotait de bons mots entre deux chansons tout en encourageant celui qui avait rendu célèbre l’impasse Florimont, dans laquelle pourtant, il naquit quarante et un jours avant le Sétois un certain 11 septembre 1921. Lui aussi avait un père maçon et adorait Charles Trenet. Lui aussi portait la moustache et bouffait du curé. Il était aussi costaud que « le gros ». Et même s’il œuvra dans son ombre durant près de trente ans, Pierre Nicolas donna ses lettres de noblesse à ce bel instrument chéri par Charlie Mingus ou François Rabbath, au « volume étonnant » et au galbe érotique, auquel il voua un « culte véritable ». Son morceau de bravoure : le sublime coup d’archet issu de sa formation de violoniste qui lui permit d’alterner les graves et les aigus tout au long des Passantes.
Laurent Cachard, dramaturge à ses heures, nous a canonisé la contrebasse dans cet impromptu de haute volée. Ce monologue, dit pour la première fois par l’auteur soi-même sur la scène cabaret du Roquerols, marqua cette année centennale en replaçant sur le devant de la scène celui qui dut se contenter du dos des vedettes durant toute sa carrière. Il eut tout de même quelques satisfactions comme celle d’admirer « l’endroit où le dos ressemble à la lune » des danseuses brésiliennes qu’il accompagnait dans leurs folles sambas au théâtre du Châtelet.
L’auréole qu’a posée Laurent Cachard sur la quatre cordes rêvée des luthiers est sublimée par cette mélancolique élégie finale à la Mi La Ré Sol.
Postface de Bernard Lonjon, Directeur scientifique du Centenaire Brassens, à "Contrebrassensiste", sortie 26.10.2021
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03/10/2021
89.
C’est l’histoire de quelqu’un qui s’est demandé pourquoi on avait dit de Marie-Pauline P., née en 1863 de parents inconnus, qu’elle était sans doute péripathéticienne quand on l’a pourtant déclarée domestique, en même temps qu’indigente, le jour où l’on a déposé le fils qu’elle venait d’avoir à l’Assistance Publique. C’est l’accoucheuse - Hélène N., qui a mis au monde le jeune Louis-Marius P - qui fait cette déclaration, alors même que Marie-Pauline est employée chez elle, rue Duquesne, dans le 6ème arrondissement de Lyon. Drame bourgeois - bien qu’anticonformiste, puisque Hélène N. et Louis L. n’étaient pas mariés - amours ancillaires? Monsieur L., restaurateur, aurait-il fauté avec la servante, laquelle s’est quand même acquittée de sa tâche en mettant l’enfant au monde, puis en prenant en charge les procédures d’abandon ? Ou Madame N. tenait-elle elle-même une de ces maisons closes dans lesquelles on suivait les filles à qui la contraception avait échappé ? Toujours est-il que le jeune Louis-Marius, après avoir connu trois familles d’accueil, rencontrera un jour Marthe P., qui mettra au monde Edouard, lequel donnera naissance à celui qui cherchera à en savoir plus sur Marie-Pauline. Qui découvrira des choses curieuses, comme le fait qu’elle était l’enfant naturelle de Adèle P., lingère de son état. Que le père, déjà, était inconnu, ce qui en fait deux sur deux générations… Qu’Adèle P. habitait Impasse Monsieur – ce qui ne s’invente pas, toujours dans le 6ème, que cette impasse s’appelle maintenant Impasse Molière. Que Marie-Pauline P. retournera vivre dans le Jura où, alors qu’elle est déjà âgée de 46 ans, un âge respectable à l’époque, elle prendra pour époux un homme de quatorze ans son cadet, sabotier, portant le nom de Marie-Alphonse M. Ce jour-là, le maire, Isidore M., lui attribue la qualité inédite de lingère.… Un mariage qui ne durera que six ans, puisque Marie-Pauline mourra le 24 juin de 1916, en l'absence de son époux vraisemblablement mobilisé. Pour quelles raisons Marie-Pauline s’est-elle réfugiée dans des terres qui désormais abritent vingt-deux habitants du même nom sur une zone restreinte de trois communes ? Que faisait l’homme qui l’a recueillie, était-il veuf, libre-penseur, recueillait-il une de ses anciennes amours au crépuscule d’une dure existence ? Il n’aura évidemment pas d’enfant avec elle, mais la vie qu’ils ont terminé de mener ne sera donc pas restée vaine.
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02/10/2021
90.
Les éditions l’An Demain, à Sète, se chargeront de la publication de Contrebrassensiste, ce texte que je meurs de trouille d’impatience de vous présenter sur la belle scène du Cabaret du Roquerols, le 26 octobre.
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30/09/2021
92.
Il faudra que je questionne mon athéisme, déjà mis à mal par la vue, écrivais-je un jour, d'une violoncelliste. Mais là, cette paire de lunettes neuve, réapparue alors même que j'en avais fait le deuil (administratif compris, avec le refus habituel d'une assurance qui n'assure jamais), je suis sûr que c'est un des Dieux de la Grèce antique qui les a fait revenir là où, pourtant, mon regard scrutateur s'était porté trois jours durant.
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29/09/2021
93.
Il y a deux ans, une photo de moi, prise subrepticement, et cette légende, immortelle : "L'auteur rejoint les artistes. Aurelia Kreit. Live in RLP."
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28/09/2021
94.
Reprise du travail.
"Aurelia avait le temps d’avance que son père et Nikolaï avaient jadis érigé en règle. Et aucune envie de s’abandonner aux superstitions que son père avait fini par ramener à la surface, en se ramollissant : s’ils avaient eu le temps, geignait-il, de s’asseoir tous pendant une minute dans la maison qu’ils allaient quitter, si sa mère, pour en rajouter, avait eu la bonne idée de briser un plat, sans doute tout cela ne leur serait-il pas arrivé. Anton confondait, depuis qu’ils avaient atteint leur but, l’élan initial et ses incidences, minimisait la raison pour laquelle ils devaient partir, celle pour laquelle ils l’ont fait. À compter du moment où l’objectif est atteint, traduisait sa fille, on meurt de ne pas se réinventer. Le sien était triple et ne constituait qu’un début pour elle : retrouver son frère, le ramener et faire retrouver un semblant d’équilibre à l’attelage, qui partait à vau-l’eau. Elle en serait le guide naturel, en l’absence de Vladisvav et même, vraisemblablement, quand il sera revenu : c’était sa nature, son fatum. Ce à quoi sa mère, comme disait Anton, l’avait préparée, depuis sa naissance jusqu’à l’heure de sa mort à elle. Elle qui lui avait appris que le nom même de son pays venait d’un mot slave qui signifiait frontière, qu’elle aurait à les définir elle-même, entre les strates de son origine et de ses identités multiples. Elle, encore, qui avait placé sa fille sous le signe de la réparation du monde, singulière, courageuse, solitaire et difficile, puisque sans espoir de reconnaissance. Ce qui dans le cas d’Aurelia, n’était pas tout à fait vrai puisque ses amies l’avaient suivie et – bien qu’elle fût la plus jeune d’entre elles – avaient fondé de grands espoirs sur elle. Sans savoir pourquoi mais sans se poser la question non plus."
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27/09/2021
95.
Cet homme si hautain, capricieux et autocentré comme personne encore ne s'est jamais montré, qui se métamorphose devant son public pour incarner la sagesse, l'humilité et la sympathie, ça n'est pas nouveau, mais ça surprend toujours!
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26/09/2021
97&96.
Deuxième raté, hier, dans mon année à l'envers: il fallait bien que ça arrive (encore). Une journée pleine, des émotions partout, une panne de batterie (plus prosaïque) et un petit brin d'oubli. Mais deux rencontres notables avec Antoine Choplin et Isabelle Flaten, dont il faudra reparler.
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