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17/07/2021

167.

IMG_0207.jpgC’était bien de voir Joël Favreau, ce soir, dans le cadre du Centenaire Brassens, parce qu’il y a des rendez-vous que l’âge vous impose de ne pas rater. Le sien plus que le mien, en l’occurrence : à 82 ans, eût-il bon pied bon œil, il est possible qu’il ne multiplie pas les tournées pendant des décennies. Et il est quand même le dernier guitariste que Brassens ait eu, le premier à avoir enregistré les chansons que Georges n’a pas eu le temps de chanter. C’est sa légitimité, et sa sidération d’être là, encore, à témoigner d’une époque que tout le monde aurait voulu connaître mais que peu ont vécue. Alors il parle, beaucoup, entre les morceaux, dans la première partie du concert, pas seulement de Brassens mais de l’impact que Brassens a eu sur lui : il s’en excuse, c’est parfois un peu incommodant quand il évoque des aspects de sa vie (amoureuse, principalement), et l’on se sent de temps à autre étranger à ce qu’il raconte, mais on le regarde, il est bon camarade, il a un bon accordéoniste, à ses côtés, et quand il ne parle pas, il chante bien, d’une voix beaucoup plus claire que Georges (plus neutre, aussi), il a fait des arrangements sur des chansons, ne va pas vers le plus simple et c’est déjà bien. À mon regard, il faut attendre « les quatre bacheliers », sublime chanson sur l’amour d’un père qui ne juge pas son fils, même quand il est de la mauvaise herbe. « Les passantes » font leur effet, toujours, mais c’est difficile de vivre ce concert de Bruno Granier, qui ne m’a rien demandé mais que je considère comme le meilleur interprète de Brassens (et voilà comment on se fait 22 millions d’ennemis dans une ville), et qui doit se concentrer sur la Favino que sur la façon de chanter son grand cousin. Il n’empêche, sur les gradins casse-cul du Roquerols, quand on regarde les photos en arrière-plan, on se dit qu’on aimerait bien nous aussi être un petit vieux aussi fringant, et qu’on aimerait aussi pouvoir s’approprier une partie de l’héritage comme il le fait. Et quand les techniciens apportent un écran et qu’on projette la Supplique (Bobino 1966), qu’on revoit Pierre Nicolas à propos duquel je vous réserve une grosse surprise, pour bientôt, et que Joël fait la deuxième guitare, à côté des deux autres, eh bien on se dit que ce qu’on était venu chercher est juste là, dans le creux de la main : et c’est toujours la même chose, un rapport au temps qui se joue, 50 ans qui s’effacent, d’un coup. Pour un centenaire, ça n’est pas rien.

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16/07/2021

168.

"(...) Globa faisait peut-être allusion à Krause, tué par ses hommes près de Marseille. Ou à ceux qui, dans les environs du Mont Spin, en pleine offensive, se sont heurtés à des hommes qui ont retourné les armes contre eux. C’était explicite et ça conforta Vladislav dans son choix. Celui de l’humanité, toujours.

- Tu sais, Vladislav, le plus difficile, c’est d’imaginer mourir ici, alors que nous avons survécu au pire, là-bas. Mais je suis très fatigué, et je sais maintenant que personne ne nous accordera jamais rien, même après tout ce qu’on a fait. C’est dur, oui, d’être trompé à ce point.

- Allons, Camarade, tu le sais aussi bien que moi : la mort peut attendre. Et puis, Quand je serai mort, mettez-moi Dans le tertre qui sert de tombe Au milieu de la plaine immense

- Dans mon Ukraine bien-aimée, Pour que je voie les champs sans fin, Le Dniepr et ses rives abruptes Et que je l’entende mugir…

Vladislav ne jugea pas utile de rajouter que Chevtchenko lui-même avait perdu la foi, peu à peu, en une réconciliation inconciliable entre la seigneurie ukrainienne et ce qu’il nommait les frères moins grands. Globa savait que les siens, ici, ne le lâcheraient pas, et l’aveu de Vladislav le confortait dans l’idée. Il avait pensé à se rendre, mettre sa vie dans la balance, en échange du départ des siens. Mais on leur ferait payer leur refus d’obéir et leurs atermoiements, mis en évidence devant les Français, qui plus est. Au vu du nombre d’ultimatums déjà subis, il n’était même pas sûr que l’assaut se passe le lendemain, comme l’avait annoncé Belaïev : un nouveau contrordre, pour épuiser un peu plus le moral des insurgés, pouvait arriver à chaque seconde. (...)"

Extrait de AKII, travail en cours.

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14/07/2021

170.

Le rêve de la nuit est atroce et complexe : un chanteur que j'admire est assassiné, le jour de son mariage, par une fan dérangée - et je m'y connais - qui défenestre son cadavre devant la foule horrifiée. Dans le même temps, choquée au plus haut point, une personne âgée de ma famille fait une crise cardiaque, et meurt dans mes bras, alors qu'un ancien élève révèle que la meurtrière est sa mère et que justice est faite! Le tout dans un jardin de Toscane, des décors shakespeariens d'un Songe d'une nuit d'été. Il est temps que j'arrête d'écouter cet homme, ça risque de lui porter la poisse.

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11/07/2021

173.

La mélancolie, c’est comme la mort dans les campagnes: on n’en parle pas parce qu’on a peur que ça la fasse venir.

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08/07/2021

176.

82EAF6BD-5B61-4FF5-93BF-0E9202C0B217.jpegIl y a quelque chose d’initiatique dans le fait, comme je l’ai toujours fait, d’aller voir des artistes tout au long de leur carrière, parfois plus de vingt fois (Eicher, Kent, Murat, le Voyage de Noz), parfois un peu moins, à peine (Barbara, U2, Springsteen, d’autres). Il y a des groupes qu’on voit une fois tous les 30 ans (Aurelia Kreit) et puis il y a des artistes qu’on a vu émerger et qui nous ramènent, toujours, à l’endroit où on les a entendus pour la première fois. J’aurai toujours le souvenir des Cerfs-volants, entendus à Kergaradec-Ar-Gor, de cet album d’un petit génie qui, disait-on, se prenait pour Gainsbourg. On a d’ailleurs toujours trop parlé de Benjamin Biolay sans aller le voir là où il donne sa pleine mesure, sur scène. Biolay à Fourvière, en régional de  l’étape, ça n’était pas la première fois, et rien ne vaudra - pour lui comme pour moi - le soir de 2008 où, en première partie de Cat Power, il avait foulé les planches juste en-dessous du Conservatoire qui l’avait mené là, avec émotion et une scène partagée - déjà touche à tout doué en rien, comme il dit - entre formation rock, quatuor à cordes et quatuor à cuivres. Depuis, de l’eau a coulé entre Saône et Rhône, et le petit Benjamin est devenu une pointure, au public conquis d’avance, à 98,7% féminin (j’ai compté), qui n’a rien contre un peu de bruelisation dans le jeu de scène et les adresses. Il est toujours touchant, Biolay, quand il cache sa pudeur derrière des attitudes et des blousons de bad-boy, et toujours juste quand il est au plus intime, dans le sublime « Ton héritage » ou dans l’hommage, permanent, à son mentor Hubert Mounier (« Voyager léger »). À Lyon, BB peut se faire lever un amphithéâtre a le seconde sur « Lyon Presqu’île », c’est cabotin mais ça fonctionne. La set-list est variée, et va jusqu’à Palermo Hollywood, propose une variante électro du mythique Cerfs-volants, faiblit un peu sur deux trois morceaux dispensables ou mal exécutés (Papillon noir, Duel au soleil). Tout le monde s’en fiche, entre deux scrolls de leur FB ou des conversations insignes tentant de recouvrir la musique, les filles s’ébaudissent et leurs mecs tentent de danser pour attirer leur attention. Le public est WASP, CSP+ (à ce prix-là, c’est obligatoire) et BB déroule, visiblement heureux d’être là, et on le comprend. Adé, d’ex-Thérapie Taxi, vient chanter « Parc fermé » avec lui, et c’est ce qui rendra le concert inoubliable, pour moi. Parce que le final, après un « Comment est ta peine » version disco assez démentiel mais plutôt attendu, les deux derniers morceaux, dont l’ultime rappel, sont moyens, et surtout remplacent « Ma route » (vas-y, demande à ta mère), que j’aurais attendu en vain. Mais c’est du délit d’initié, ça, il faut voir repartir ces quinqua remontés comme des coucous pour se réjouir aussi, apprécier la fin des mesures sanitaires, remercier l’organisation d’avoir permis de jouer quatre minutes après minuit. C’était un bon concert, pas dans mon Panthéon (le Transbordeur 2009, pour « la Superbe » - joué hier, qui fit croire que -  est inatteignable), mais marquant par l’impression que cet homme peut désormais faire ce qu’il veut quand il veut, sur scène. Une impression à double tranchant. J’attends de le croiser de nouveau devant Monoprix à Sète pour lui en toucher deux mots. Padam pam pam.

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07/07/2021

177.

ak.jpgQuand j'ai compris, au Salon du livre d'Orthez, en 2012, que c'est Axel Kahn qui remettrait les prix aux différents récipiendaires, je me suis dit qu'il serait de bon ton que je me serve de mes notes retenues des Etats généraux de la Bioéthique, auxquels j'avais assisté, quelques mois auparavant, accompagné de ma collègue de biologie. Et voilà que je me mets, dans mon discours, à adapter la thématique de l'échec à celle du champ électique de la question éthique. C'était un peu capilliculté , j'avoue, mais les cheveux longs d'Alain Larrouquis le méritaient, à l'époque, et puis celui-ci ne m'a-t-il pas dit, des années après, qu'il ne regrettait pas d'avoir raté ce tir décisif, que sa vie, autrement, n'aurait pas été celle qu'il avait décidé de mener? L'inconscient n'a-t-il, dès lors, pas choisi de rater? Pour le coup, je n'ai pas dû trop m'emberlificoter, puisqu'Axel Kahn m'a chaleureusement donné l'accolade, quand - fierté imbécile - il n'avait fait que serrer la main des précédents. Je lui ai offert un Tébessa, sa mère, de mémoire, étant née en Algérie, et j'ai osé l'inviter à intervenir au Lycée horticole de Dardilly: il m'en a fait la promesse, l'a tenue. Trois jeunes filles doivent encore se souvenir avoir eu 20 à leur oral de philosophie, passé devant lui, sur le thème de l'annonce et du don d'organes. Lui-même s'est étonné qu'on pût être aussi brillant dans ces sections-là. La conférence sur les âges de la vie, dans l'amphithéâtre bondé, le soir, tous les exemplaires vendus, le dîner à l'Ouest qui a suivi, ce sont des moments privilégiés, qui m'ont permis de le solliciter, encore, pour qu'il vienne aux Automn'Halles, au cours desquelles je l'ai interviewé, en ayant beaucoup (beaucoup) travaillé avant, ce qu'un homme de sa trempe apprécie au plus haut point. Bêtement, encore, je me souviens d'un commentaire laissé sur FB disant que tous les auteurs devraient être interrogés par Laurent Cachard. J'en ai fait un credo, auprès de l'équipe que je préside, désormais. De fil en aiguille, j'ai suivi son parcours, sa traversée de la France, son action auprès de la Ligue contre le Cancer et puis, ces derniers mois, sa maladie, la façon dont il a voulu - les mots sont d'Oscar Wilde - faire de sa mort un spectacle. Et le reflet de la vie - juste ou pas, on est toujours dans l'éthique - qu'on a vécue. Dans la mienne, les tonnes d'erreurs que j'ai commises ne m'empêcheront pas de me dire que j'essaie de suivre la ligne, et que j'ai rencontré quelques contemporains capitaux. Dont lui.

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06/07/2021

178.

Les ruelles de Collioure sont d’étranges labyrinthes concentriques dans lesquels les badauds aiment à se croire perdus. Même à cinquante mètres de là où ils logent. Ça leur importe peu : s’ils sont là, à la frontière, entre deux cultures, c’est qu’ils veulent s’inscrire, dans le temps, les lieux, la durée. L’histoire, aussi, la leur, la grande. Si Machado – souviens-toi, est-il un homme pleinement satisfait de lui-même qui soit pleinement un homme – dort ici, c’est justement parce que le temps peut s’y arrêter, qu’on peut s’y promener comme s’il n’avait d’enjeu ni en amont ni en aval. Au-dessus des eaux et des plaines, si l’amitié s’est arrêtée, c’est sans doute à l’amour de reprendre le flambeau. Même si, là aussi, on en a peur, même si les retenues, les contraintes, les assurances trop tôt énoncées. À moins de cent mètres, à gauche, il y a la mer, de toute manière, celle qui retient tout et ne trompe jamais personne. Qui sait distinguer la réplique de l’absolu. Dans les mains croisées, les regards qui se perdent, il y a la crainte que tout recommence, à commencer par la lassitude, l’habitude, tout ce qui nous happe, au quotidien. Mais quand les couples, là-bas, n’ont pas de poussette, c’est qu’ils ont déjà vécu et qu’ils sont prévenus. Que tout peut se réinventer, sans que ça n’ait aucune commune mesure avec ce qu’ils ont déjà connu. Les enfants, souvent, jouent à « Cap ou pas Cap ? », mais ce sont eux, ces anciens gamins, ces parents aguerris, qui devraient jouer à retrouver leur innocence, le sérieux qu’ils mettaient dans leurs jeux d’enfants, disait l’autre. Collioure est une espèce de citadelle qui ne laisse personne ni entrer ni sortir indemne. On peut se contenter d’y avoir passé quelques jours, mais il y a d’autres enjeux, qui se vérifieront longtemps après, quelles que soient nos réticences à entendre parler de nous. Par les murs, les étoiles et les communautés d’âmes. Le Clair de lune n’a pas fini de les illuminer, les amants de Collioure.

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05/07/2021

179.

bababa.jpgC’était une bonne idée, malgré le froid et le vent, de s’extirper, hier soir, de ma Thébaïde pour aller voir Martine Bousquet chanter Barbara chante Brassens. Un exercice de style fondé sur le deuxième album de la dame brune, enregistré en1960 – Grand Prix de l’Académie Charles Cros l’année d’après – qui aménage des standards à sa tonalité, se permettant même de changer quelques vers, ci et là, histoire de féminiser le tout. Martine Bousquet chante très bien Barbara, dans sa tessiture, mais là, elle retrouvait - pour la première d’un spectacle qui aurait mérité le cabaret à l’intérieur plutôt que l’inconfort des chaises à l’extérieur – la fragilité des essais, celle qui lui va mieux, à mon sens, que la maîtrise et le transfert. On a entendu la vraie voix de Barbara dire que Brassens n’avait pas du tout aimé qu’elle le chante, et qu’ils s’étaient, elle la première, réservé quelques amabilités avant de se rabibocher, lui le premier. Puis on a entendu la voix de Martine chanter Barbara qui chantait Brassens, de la Complainte des filles de joie jusqu’à la Marche Nuptiale en passant par l’Oncle Archibald ou le Pauvre Martin. Et bien d’autres, en duo, parfois, avec Herve Tirefort, excellent chansonnier, beaucoup mieux préparé et sonorisé qu’il le fut un jour, en rattrapage, salle de la Macaronade… Le propre du spectacle, c’est de rapprocher deux univers tout aussi mythiques, et entendre, encore, des chansons qui font partie du patrimoine. À chaque fois, le luxe de réentendre la Petite Cantate ou Dis, quand reviendras-tu, chantée à la guitare, le pied gauche posé sur la chaise, à la Brassens, se fait prégnant, et bouscule les tonnes de souvenir que j’ai de Mogador, de Fourvière ou du Chatelet. C’est beau, c’est réussi, ça chante plus que ça parle et tant mieux : il y a un temps pour tout et la conférence était avant le concert. Le binôme fonctionne très bien, la voix d’Hervé Tirefort se prêtant à toutes les modulations possibles : on ne chante pas Trénet ou Lapointe comme ça. Là, c’était Brassens et Barbara, et c’est bien, aussi, de ne pas tomber dans la fausse binarité des reprises qui font taper des mains. La femme d’Hector, en vocalises, faute d’avoir retenu les paroles, se mêle à Monsieur Victor, les mignons rattrapent la supposée misogynie du barde sétois – oui, la misandrie existe, même si on en parle moins – et la première est réussie. J’en arrive même à devoir reconnaître qu’Aragon n’est pas qu’une fieffée crapule (même si) et qu’Il n’y a pas d’amour heureux est quand même un texte sublime, surtout chanté à nu, comme ça. Un duo Georges & Patachou clôt le tout, même si le mot de la fin est pour le Bois de St Amand, la dernière demeure souhaitée par la dame en noir. Que j’ai retrouvée, hier soir, l’espace d’un instant. Invitée par Georges, comme si l’histoire recommençait.

07:49 Publié dans Blog | Lien permanent