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07/09/2021

115.

Je me souviens de cette jeune et brillante étudiante en philosophie, dont l'ambition était de construire son propre système de pensée. Par assimilation, je me demande si la mienne n'est pas, désormais, de le défaire, entièrement.

14:38 Publié dans Blog | Lien permanent

06/09/2021

116.

"C’est la vision du pousse-pousse qui les a surprises. Personne ne peut s’attendre, quand on intègre des champs d’horreur comme ceux-ci, à ce qu’une image fige votre attention, jusqu’à ce que l’infirmière-chef vous ramène sur terre, brutalement. Pas de place pour les rêveries, ici ! a-t-elle tonné, avant de reprendre ses gestes mécaniques. C’étaient les éclats d’obus qui dominaient, dans le camp médical : rien de propre, des plaies souillées, la gangrène gazeuse qui progressait tous les jours, avec son lot de morts en deuxième session, comme on les appelait là-bas. Juste après qu’ils aient échappé à la faucheuse, qu’elle ait fauché leur cothurne, le type avec qui ils s’entendaient bien. Dans le théâtre de la guerre il n’y a aucun premier rôle : c’est l’Histoire qui se charge de les désigner. Au front, il n’y a qu’un enchevêtrement de corps suppliciés, de râles constants et d’ordres froids, ceux des médecins, des infirmiers – professionnels ou bénévoles – des brancardiers et ceux des sections sanitaires automobiles qui enchaînaient. Sans que personne ne sache où on allait. Dans les premiers temps de cette guerre-éclair, les problèmes se posaient par strates : des blessures modernes dues à l'artillerie, au gaz ou aux balles des shrapnells, l’anarchie du ramassage des blessés, des bases fixes pour les services de santé, des établissements sanitaires montés à la hâte dans des lieux entre-temps tombés à l’ennemi… Rien de tout cela ne semblait réel aux yeux des trois filles plongées dans le bain dès leur descente du train et pourtant, tout incarnait la réalité la plus sordide de l’être humain."

Extrait de Aurelia Kreit, les jardins d'Ellington (janvier 2023)

07:29 Publié dans Blog | Lien permanent

05/09/2021

117.

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16:03 Publié dans Blog | Lien permanent

04/09/2021

118.

Elle est une figure importante des dix dernières années de mon existence, me demande tout de go où j'en suis avec cette histoire russe qui m'accaparait, il y a quelques années encore: je sors le gros livre rouge, je lui offre, elle le soupèse, l'observe, elle y voit, elle, tout ce qui a failli me perdre et m'a simplement laissé exsangue. Il est là, dans ses mains, et je ne m'en lasse pas.

11:06 Publié dans Blog | Lien permanent

02/09/2021

120.

Alceste, le vieux misanthrope, s’est défait de la frivolité de Célimène en trouvant son endroit écarté ; l’inverse est toujours possible parce que rien n’est jamais trop tard : à tout moment on peut choisir la vie, à condition de ne pas la rater. 

13:51 Publié dans Blog | Lien permanent

01/09/2021

121.

Dans l'absurde de ce monde, la phrase entendue le plus, un jour de rentrée, reste : "Tu sors à quelle heure?".

07:47 Publié dans Blog | Lien permanent

31/08/2021

122.

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09:17 Publié dans Blog | Lien permanent

28/08/2021

125.

Il y a cinq ans, dans cette chambre de Léon Bérard, je me suis demandé si j'avais le droit d'écrire là-dessus, et je me suis répondu que je le devais.

Les mêmes gestes, les mêmes décors, jusqu'à l'absurde. Vingt jours (d'été) après que son grand frère a rendu l'âme, Régis s'éteint doucement dans une chambre d'hôpital, entouré des siens, ses enfants, sa femme, leurs cinquante-deux ans de mariage et de fidélité. Un mois et demi après avoir fêté son soixante-quatorzième anniversaire, à Sète, chez le plus jeune de ses fils (j'y tiens). Il a lutté un temps contre ce que lui-même appelait une "courte et rigolote maladie", mais l'infection l'a emporté, à moins que ce ne fussent les dizaines d'opérations que sa carcasse et son coeur fatigué ont subies durant les dernières années d'une existence bien remplie et bien complexe. Une vie passée à dire qu'il fallait bien "mourir de quelque chose" en allumant une énième de ses Gauloises et en se resservant un whisky. Une vie marquée par les deuils, ceux qu'on tait et ceux qu'on vit, une vie sacrifiée au boulot avant qu'arrivent les bonheurs d'une deuxième partie de vie, les petits-enfants, les parties de campagne en famille et ses grandes tablées. La maladie tombe toujours mal, mais elle lui a permis d'en dire plus, de confier ses peurs et ses joies, toujours avec cette forme de dérision un peu brute qui cache l'inquiétude de n'être bientôt plus là, de ne pas savoir ce que ses ouailles deviendront. Mais s'il devait partir avec une certitude, ce serait celle que, sur ce terrain, il a déjà gagné, déjà légué, déjà transmis. Qu'on gardera son éducation, ses assiettes dans lesquelles il reste deux euros à terminer, et son récent: "mort ou pas mort, enterrement demain matin". Ça et sa voix de stentor, son port altier et une réputation de valseur invétéré. Sûr que ses copains du basket vont se trouver dépourvus, eux qui en ont déjà vu partir plusieurs. Que ceux qui ne l'ont pas vu depuis longtemps ne vont pas croire à son départ anticipé. Que ceux des Pentes de la Croix-Rousse, qu'ils ont quittées il y a longtemps, vont voir défiler leur jeunesse, leurs pantalons courts (lui qui nous a tant reproché les nôtres!), leurs Vespa et les soirées au Palais d'hiver. Les petites que l'on drague et celles avec qui on passe toute une vie. Accessoirement, voir partir son père, c'est rompre le lien avec sa jeunesse, se placer à son tour sur la ligne, aléatoire, de départ. Mais ça importe peu. Ce dernier souffle, qu'on attend, c'est celui de la vie qui nous a donné la nôtre. Ces forces qui s'épuisent, ce sont celles, également, qui nous régénèrent et nous donnent envie de poursuivre ce qu'il était. D'en revendiquer la fierté et le bonheur. Il y a des larmes, mais aussi des rires dans cette chambre d'hôpital: la mort est annoncée, certes, mais elle ne vaincra pas. On n'a qu'un père, je perds le mien, mais j'ai un fils, des neveux et nièces et Papé sera toujours parmi nous, dans nos rires, nos excès, nos pensées vers ceux et celles qui sont loin mais qui sont avec nous en esprit. Les jours prochains seront durs et beaux à la fois, c'est certain.
NB: un mot pour le personnel hospitalier de Léon Bérard, dans lequel il n'aura fait qu'un court séjour mais dont les membres auront respecté ses volontés jusqu'au bout. Un personnel jeune, qualifié et très humain. Dans l'empathie, le service et la gentillesse, de la femme de ménage jusqu'à l'interne. Quand on pense que des politiques pensent qu'on peut faire l'économie de ça...

05:15 Publié dans Blog | Lien permanent