21/04/2015
Ma banquière (sexies).
Je m’étais apprêté, pour mon rendez-vous, aujourd’hui, avec ma banquière : elle m’avait bien précisé, la dernière fois, que celui-ci durerait longtemps, qu’il faudrait tout étudier, tout éplucher du compromis, des assurances du prêt, des conditions spéciales, en petits caractères, qui excluent le risque de guerre, de suicide, d’actes de terrorisme, de provocation d’émeutes ou de mouvements populaires : sans le savoir en amont, j’en ai donc terminé, le 21 avril de l’an deux-mille quinze, avec mon passé d’agitateur et de recordman de sauts en parachutes non homologués. Avec une pointe de nostalgie vite balayée par la présence irradiante, devant l’agence, de ma banquière en train de fumer une cigarette, avant de rentrer dans l’arène. Elle aussi a fait le grand jeu : une robe noire qui moule parfaitement ses formes longilignes, des bas dont la résille dessine la forme envoûtante d’un cobra de la place Jema El Fna. Ça tombe bien, pour la première fois, en prenant prétexte de mouvements périlleux sur mon compte-courant, liés aux tractations solides menées dans le zouk, elle me confie sa vision du Maroc, terre paternelle, son rapport au pays d’origine, ses mutations, les craintes et les espoirs inhérents . Mais bon, on n’est pas chez Imad, et ce sera 2,10, point final et sans thé à la menthe. En repenti de la phobie administrative, après avoir renversé mon appartement, j’ai apporté tous les documents qu’elle m’avait demandés la fois d’avant : j’en tire une fierté quasiment égale à celle éprouvée quand j’ai déposé le montant de ma bourse d’écriture. C’était il y a longtemps : notre histoire dure, déjà. On affine tout, ses doigts manucurés parcourent le clavier, elle utilise des expressions que je valide en hochant la tête, l’harmonie est partout, dans ce bureau, dont je sortirai anobli, potentiel propriétaire : un bon parti, en somme, encore potable physiquement, mystérieusement poivre et sel, écrivain à succès (au chocolat), bientôt marin… J’évoque l’assurance à venir de mon scooter sétois et là, c’est le drame : elle me parle de son fiancé, du stage de formation qu’il a dû suivre parce que son permis voiture était trop ancien… Je ne l’écoute pas, perdu dans les limbes de mon marasme. J’ai donc un rival, d’un coup, la bague scintillante qu’elle porte prend une autre signification. Je reste digne, quand elle aborde la question du PEP ou de l’attestation notariée, mais je n’y suis plus guère : elle n’a pas cillé quand j’ai augmenté mon apport, pour l’impressionner, je me dis que la distance qui va s’instaurer entre nous, même si elle m’a fait jurer de lui rester fidèle, risque de nous être fatale, si le champ est laissé libre à l’autre. Bah, dans toutes les tragédies, il faut un amant et un amoureux, un homme qui aime, un autre aimé en retour. En partant loin, je renforce mon mystère, ma légende. Au pire, je prorogerai ma garantie décès, et l’attendrai au-delà du 31 décembre de mon 85ème anniversaire, comme le stipule l’article 4-1 de l’assurance emprunteur des prêts immobiliers aux particuliers.
NB: merci de prononcer la composante du titre dans son latin d'origine, qu'on ne m'accuse pas de harcèlement.
12:52 Publié dans Blog | Lien permanent
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