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20/10/2021

72.

J'apprends par la bande virtuelle qu'Anne-Françoise Kavauvea est décédée. Elle laisse derrière elle un blog riche, pointu dans ses choix, de seuil en seuil

18:38 Publié dans Blog | Lien permanent

19/10/2021

73.

Dans la pâtisserie qui fait aussi dépôt de colis, le regard du patron s'éclaire quand je viens chercher un carton sur lequel il est indiqué "Double Base stand". Je dois jouer de diplomatie pour le convaincre que je suis un faussaire honnête, et exigeant.

19:54 Publié dans Blog | Lien permanent

18/10/2021

74.

Quand il a appris qu’un écrivain allait passer une nuit dans la Médiathèque François-Mitterrand, début décembre, pour en sortir une nouvelle éditée le lendemain, Théva Nadal, agent de sécurité chargé de surveiller, deux nuits durant, le matériel des Automn’Halles et la Médiathèque elle-même, a proposé à Céline Vidal de faire de même. Le texte qui suit en est la trace, la preuve vivante que l’écriture dépasse de très loin les statuts et les préjugés, que la langue n’est plus un obstacle pour qui a quelque chose à dire qui vienne du ventre, de l’estomac. C’est tel quel que le blog des Automn’Halles livre ce texte, qui donne envie d’en savoir plus sur son auteur. Et l’inviter, le temps d’un parcours, à un rendez-vous de l’association, qui sait ?
Merci à Théva de nous avoir donné l’autorisation de l’éditer ICI.

16:25 Publié dans Blog | Lien permanent

17/10/2021

75.

De voir, sur l'affiche, le logo de la ville, et son office du Tourisme oeuvrer pour la communication, me rappelle tristement que Lyon, en son temps, n'a rien fait pour défendre mes ouvrages, alors même que bien de ses édiles me l'avaient promis : c'est ainsi, nul n'est prophète, blah blah blah.

09:19 Publié dans Blog | Lien permanent

16/10/2021

76.

Je retrouve ce vieux CD, je voudrais l'écouter mais je n'ai plus de lecteur. C'est la bande-originale d'un film de Benoît Cohen, que j'ai adoré à sa sortie en 2006, vu plusieurs fois en VHS ou en DVD. Son titre : "Qui m'aime me suive". Problème: un autre film plus récent, avec des acteurs plus connus, l'a supplanté sur les moteurs de recherche, et globalement dans l'histoire cinématographique. Je pense à mes romans qui, bientôt, ne seront plus disponibles et, de facto, plus lus, lulu. On meurt en partie de son vivant.

20:03 Publié dans Blog | Lien permanent

15/10/2021

77.

Il a fallu briser la glace née de la fois d’avant, de la révélation douloureuse que ma banquière et moi n’étions pas un couple établi, que j’avais un rival et que, compte-tenu de la valeur de ses engagements, je ne m’en libérerais pas de sitôt. J’aurais pu, orgueilleux, chercher sur la Terre un endroit écarté où d’être sociétaire d’une autre banque on ait la liberté, mais je n’ai pas résisté. J’ai pris son mail professionnel pour un encouragement, me suis dit que dans décompte, il y avait, qui sait, l’idée que chaque jour passé sans nous écrire était pour elle une souffrance. Le dilemme inédit chez une banquière du choix qu’elle pourrait faire d’une vie inverse de celle qu’elle a menée jusque là. On troquerait le contrat HABITATION BQ 7116599 pour un voilier, on ferait le tour du monde, je lui achèterais de nouvelles robes de tennis vintage puisqu’il est acquis, depuis qu’on se connaît, que ses jupes sont courtes et ses jambes (très) longues. Tellement que quand elle croise les jambes, sur une chaise plutôt haute, ses genoux sont au niveau du mobilier et que…  J’essaie le coup de l’adresse, on n’habite pas rue Paul Valéry sans penser que, de ses lèvres avancées,
 La nourriture d'un baiser se prépare. Douceur d'être et de n'être pas. Bon, là, c’est plutôt n’être pas : elle me dit qu’on en a bientôt terminé, que mes souffrances vont bientôt s’abréger d’elles-mêmes. Elle ne pense qu’à mon aversion administrative, pas même, hélas, au fait que mes souffrances, elle les a créées elle-même le mois dernier. Alors même que je m’apprête, après avoir tout signé, à lui proposer de tout quitter, là, sur le champ, de partir au Népal et d’adopter des enfants forcément beaux puisque Népalais, elle me demande quels sont les objets de valeur que je possède, pour les assurer,  me parle, pour la première fois, d’intimité quand elle semble regretter de ne pas connaître mon intérieur pour en évaluer les richesses : mes livres, mes tableaux, j’essaie de me faire passer pour un richissime armateur qui collectionne pour blanchir de l’argent, mais je suis trahi par cette angoisse de ne pas pouvoir payer les traites : je ne choisis pas l’option offensive, je prends l’intermédiaire. Celle des bons pères de famille. D’ailleurs, vengeance ultime avant les adieux, c’est elle qui me parle de mon ex-femme, me rappelle qu’elle me sauve en me nommant conducteur occasionnel (et accompagnateur de notre fils, de fait) de sa voiture : sans cela, pour acheter mon scooter de quadra présidentiel, j’aurais dû passer par la phase jeune conducteur. C’en est trop, mais c’est classique : la voilà qui se fait détester pour que je m’éloigne d’elle. Son stratagème ne marche pas, sur moi : depuis qu’elle m’a fait promettre de rester son client, en échange d’un taux avantageux, je guette le moindre de ses messages. Le jour où elle me proposera une complémentaire retraite, je saurai qu’elle considère autrement ma proposition, jamais formulée, d’un exil commun sur mon île singulière.

17:46 Publié dans Blog | Lien permanent

14/10/2021

78.

V-

Il m’a semblé qu’elle savourait l’instant, ma banquière, quand elle m’a dit que pour notre prochain rendez-vous, il faudrait compter deux heures, au moins. Rajoutant, immédiatement, qu’elle savait à quel point ça me coûtait, sans rien savoir, bien sûr, des transports dans lesquels elles me mettaient, elle et son allure altière. Cette symbiose entre nous, depuis que je suis devenu quelqu’un d’intéressant, client à l’emprunt, bon payeur et fonctionnaire d’Etat. Mes revenus annexes l’auraient intéressée, s’ils avaient été pérennes, mais les droits d’auteur ou les cachets d’intervention ne rentrent que rarement dans cette catégorie. Mes spectacles sur tabouret haut et musiciens de rêve non plus. Dommage. Mais elle induit un nous, ma banquière, un avenir possible entre nous, quand elle me dit d’un air complice que nous sommes larges, par rapport à l’échéance, à l’offensive programmée du notaire. Elle sait déjà tout de l’endroit où je vais vivre, en sait moins que moi sur Paul Valéry, mais ça ne fait rien : dans les couples, chacun doit apprendre de l’autre, hein ? Elle en sait plus que moi, a contrario, sur tous les documents qu’il faut pour prétendre à la propriété. J’en étais resté à Rousseau, moi, le terrain enclos, l’appropriation, les gens simples pour le croire. Mais non, il va falloir que j’embauche un spéléologue pour retrouver les papiers afférents dans mon système de rangement. Mais elle en sourit, ma banquière : sans doute parce que nous sommes larges. Ou parce que les deux heures que nous allons passer ensemble, dans un mois, deux, je ne sais pas encore, compteront double, sans sa carrière et dans sa vie. En attendant, j’ai gagné 0,05% par rapport à ma dernière visite : j’ai proposé de revenir demain.

VI-

Je m’étais apprêté, pour mon rendez-vous, aujourd’hui, avec ma banquière : elle m’avait bien précisé, la dernière fois, que celui-ci durerait longtemps, qu’il faudrait tout étudier, tout éplucher du compromis, des assurances du prêt, des conditions spéciales, en petits caractères, qui excluent le risque de guerre, de suicide, d’actes de terrorisme, de provocation d’émeutes ou de mouvements populaires : sans le savoir en amont, j’en ai donc terminé, le 21 avril de l’an deux-mille quinze, avec mon passé d’agitateur et de recordman de sauts en parachutes non homologués. Avec une pointe de nostalgie vite balayée par la présence irradiante, devant l’agence, de ma banquière en train de fumer une cigarette, avant de rentrer dans l’arène. Elle aussi a fait le grand jeu : une robe noire qui moule parfaitement ses formes longilignes, des bas dont la résille dessine la forme envoûtante d’un cobra de la place Jema El Fna. Ça tombe bien, pour la première fois, en prenant prétexte de mouvements périlleux sur mon compte-courant, liés aux tractations solides menées dans le zouk, elle me confie sa vision du Maroc, terre paternelle, son rapport au pays d’origine, ses mutations, les craintes et les espoirs inhérents . Mais bon, on n’est pas chez Imad, et ce sera 2,10, point final et sans thé à la menthe. En repenti de la phobie administrative, après avoir renversé mon appartement, j’ai apporté tous les documents qu’elle m’avait demandés la fois d’avant : j’en tire une fierté quasiment égale à celle éprouvée quand j’ai déposé le montant de ma bourse d’écriture. C’était il y a longtemps : notre histoire dure, déjà. On affine tout, ses doigts manucurés parcourent le clavier, elle utilise des expressions que je valide en hochant la tête, l’harmonie est partout, dans ce bureau, dont je sortirai anobli, potentiel propriétaire : un bon parti, en somme, encore potable physiquement, mystérieusement poivre et sel, écrivain à succès (au chocolat), bientôt marin… J’évoque l’assurance à venir de mon scooter sétois et là, c’est le drame : elle me parle de son fiancé, du stage de formation qu’il a dû suivre parce que son permis voiture était trop ancien… Je ne l’écoute pas, perdu dans les limbes de mon marasme. J’ai donc un rival, d’un coup, la bague scintillante qu’elle porte prend une autre signification. Je reste digne, quand elle aborde la question du PEP ou de l’attestation notariée, mais je n’y suis plus guère : elle n’a pas cillé quand j’ai augmenté mon apport, pour l’impressionner, je me dis que la distance qui va s’instaurer entre nous, même si elle m’a fait jurer de lui rester fidèle, risque de nous être fatale, si le champ est laissé libre à l’autre. Bah, dans toutes les tragédies, il faut un amant et un amoureux, un homme qui aime, un autre aimé en retour. En partant loin, je renforce mon mystère, ma légende. Au pire, je prorogerai ma garantie décès, et l’attendrai au-delà du 31 décembre de mon 85ème anniversaire, comme le stipule l’article 4-1 de l’assurance emprunteur des prêts immobiliers aux particuliers.

NB: merci de prononcer la composante du titre dans son latin d'origine, qu'on ne m'accuse pas de harcèlement.

16:28 Publié dans Blog | Lien permanent

13/10/2021

79.

III -

Ma banquière, désormais, me donne des rendez-vous cinq minutes avant la fermeture de l’agence, quand il n’y a plus, dans la place, que la femme de ménage, elle et moi. Elle vient à ma rencontre, aujourd’hui, elle a de formidables collants couleur chair à gros poids rouges. Un ensemble impeccable, taillé sur ses grandes mesures. Elle me prie de rentrer, je n’en ferais rien, bref, je passe devant, puis je la laisse passer. Il y a entre nous un manège de séduction tel que même la Banque de France ne pourrait pas s’interposer. D’un coup, sa vie devient signifiante, nous déambulons, main dans la main, sur les berges du Rhône, elle est en week-end, pense à une année de disponibilité pour que nous fassions, ensemble, le tour du monde… Monsieur Cachard? MONSIEUR CACHARD? Vous n’avez pas stipulé « lu et approuvé », au recto de votre « clé en mains ».

IV -

Ah, ça, ça a dû lui en boucher un coin, que je demande un rendez-vous pour un prêt immobilier, à ma banquière ! Que je sorte du champ des potaches distrayants au salaire minimal. Mais ça m’a aussi permis de la voir en pleine activité, se remuant les méninges pour m’offrir, comme dans un rêve, le meilleur taux, les remboursements les plus fiables, des perspectives à vingt ans, soit, globalement, le nombre d’années que les gouvernements qui se succèdent vont m’obliger à travailler. En bord de mer. Avec, comme cantine, un écailler qui va me demander si j’en veux six ou douze. Un Picpoul ou un pot, en fonction des cours de l’après-midi. Mais je me perds : ma banquière, Lady Cash-Cash, deuxième femme de ma vie imaginaire, scrute son écran, légèrement penchée, sa robe Courrèges un peu froissée, au niveau de l’épaule. Elle me demande si mes revenus d'écrivain Lettres-Frontière sont pérennes, j’ai envie de lui dire oui, mais quelque chose me dit qu’il est compliqué de mentir à l’établissement bancaire. J’opte pour un Goncourt potentiel, à la moitié de mon temps passé là-bas, quand j’aurai ressorti mon roman-monstre du tiroir, elle sourit, c’est toujours 0,3% de taux gagné. Elle garde le silence, quand je n’ai pas d’inepties à dire, l’espace se remplit de ses clics, puis elle se redresse, et dans un sourire immense, m’énonce la condition sine qua non pour que mon prêt soit validé, dans les meilleures conditions possibles : que je m’engage à ne pas changer d’agence, que je reste avec elle, en somme. Les comptes bancaires sont parfois de vrais comptes de fées.

12:42 Publié dans Blog | Lien permanent