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02/06/2023

Murat & I (3/10)

MuratGrtbaise.jpegQuand Jean-Louis Murat écrit « Quand femme rêve » pour Julien Clerc, et qu’il situe la chanson sur l’île d’Ouessant, il y a clairement dépassement de soi : le paysan d’Orcival, bien ancré dans la terre d’Auvergne, n’a aucune vocation à la mythologie des marins et c’est aussi pour ça que la chanson fonctionne, doublement. Il fallait, comme Roda-Gill avant lui, dépasser le côté bellâtre de l’interprète, emmener l’auditeur ailleurs, et si possible le plus loin qu’on puisse. Ça tombe bien, Ouessant est au bout de la fin de la terre, littéralement, et c’est une île dont il est plus facile de repartir que de l’atteindre, si les éléments ne veulent pas. Gervaise, dont j’ai beaucoup parlé ici, a voulu exprimer la perte par son art*, et la superposition d’un Jean-Louis éthéré et des micaschistes de l’île - sur lesquelles viennent se fracasser les vagues et les illusions – dit l’essentiel de ce qu’il faut encore atteindre quand on est revenu de tout. Il est dans ses nouvelles tonalités de l’encre de Chine, il y a autant de fracas et de noirceur que de présence et de chamanisme, dans ces moments de concert où Jean-Louis Murat s’abandonne, attend que vienne, que vienne à (s)a bouche A Woman, ceux qui savent savent.

Je ne sais pas si Jean-Louis Murat est déjà allé à Ouessant, j’y suis déjà allé, en revanche, et la dernière fois avec Gervaise. On en a tiré, et sans se concerter, des dessins qui ont orné la Girafe lymphatique, et un poème qui renvoyait au diptyque présence/absence de celui qui l’avait incarnée, jusque-là, et qui continuera. Gervaise a voulu lier les deux impétuosités, et la damnation inhérente de l’île. Si vous ne vous y êtes pas échoué, vous serez livré au charme, et à la perte : du prisonnier dont on extrait la moëlle des oscomme fait busard au louveteauelle boira votre sang comme l’eau. C’est aussi en cela que Ouessant, la magnifique, accueille les âmes perdues ailleurs.

Toujours nous emmènera le goéland vers Ouessant, encre de Chine, 30 x 40cm, 30 mai 2023. À noter le lapsus dans le titre, qui renverra à la distinction entre échouage et échouement...

 

13:10 Publié dans Blog | Lien permanent

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