23/03/2012
Les vieux basketteurs.
Ils étaient là, donc, ce matin, à l’heure où blanchit la Cathédrale St Jean. En un éclair, j’ai tout retrouvé. Hélas, dit Barbara. Les cheveux blanchis ou raréfiés, les silhouettes alourdies, ils étaient tous là, ces êtres dont, à l’époque, on connaissait davantage le premier pas, l’adresse à mi-distance, la main gauche ou le caractère atrabilaire. Ils étaient là, de toutes les équipes de la région, de toutes les couleurs. De tous les horizons dispersés depuis. On a échangé des mots, des sourires, des accolades, on s’est promis qu’on se reverrait, qu'on retournerait, vingt-cinq ans après, faire le tournoi d'Echirolles, celui où les jeunes femmes ravies qu'on leur ait offert des fleurs à la présentation des équipes ne savaient pas qu'on les avait dérobées une heure avant dans leur jardin. Tous mus par la même crainte d’être un jour celui vers qui on revient pour un dernier adieu. J’ai observé longuement le portait du désormais absent, tenté de retrouver une attitude, un trait vivant, mais non, je le disais hier, je ne l’ai pas reconnu parce que je ne le connaissais pas. Ce sont les autres que je suis allé voir, que j’ai voulus me voyant, aussi. Et puis le fils de l’absent est arrivé, spontanément, il a demandé au petit groupe que j’avais intégré qui ils étaient, pour son père. Et c’est là, dans les traits de ce jeune homme de vingt ans, aussi beau que son père l’était à son âge. A l’âge où je l’ai connu. Bref, comme il est convenu de dire de nos jours, j’ai enterré quelqu’un aujourd’hui, mais c’est un peu de notre jeunesse qui a ressurgi.
22:53 Publié dans Blog | Lien permanent
22/03/2012
L'adversaire.
Je n’ai de lui qu’une vieille image, pourtant obsédante : il est face à moi, il sait que mon seul point fort est de tirer à longue distance : rien de plus simple, dès lors, pour lui, mon adversaire direct, de m’en empêcher. On joue une partie amicale contre le club voisin, donc rival, il est une des figures dont me parlait ma sœur, qui jouait sous les couleurs de ce club-là, puisque le club de mon père, de mon frère et le mien n’avait pas d’équipes féminines. Ce n’est pas un additum au Poignet d’Alain Larrouquis que je vous livre là, c’est la réalité qui rattrape : au moment même où le PAL sortait, mon club disparaissait, faute d’une flamme entretenue et transmise. Au moment où j’écris ces lignes, j’apprends la disparition non d’un ami, mais d’un visage, d’un nom qui a traîné sur toutes les lèvres des basketteurs de la Région. Il a disparu en quinze jours d’une maladie fulgurante qui habituellement prend son temps. Il a mon âge, on n’en parlera plus qu’au passé et quelque chose me choque, même si, évidemment, on peut parler, ces jours-ci, de morts plus injustes encore. La mort n’est ni juste ni injuste, elle est arbitraire. L’ironie, c’est qu’après avoir porté les couleurs du club adverse, cet homme-là a porté celles d’un club que j’ai fait mien mais que j’ai quitté quand même. Demain matin, il y aura des retrouvailles devant le cercueil. Je ne dis même pas qu’il aurait aimé ça mais c’est bien tout ce que la vie peut faire pour lui.
18:38 Publié dans Blog | Lien permanent
21/03/2012
L'Oxford bleu.
Cette femme a tout consigné dans son petit cahier bleu d’écolier : son histoire, sa vie, les sentiments les plus profonds. Depuis une semaine qu’elle me l’a confié, elle ne respire plus : et si, comme tous ceux qu’elle a croisés depuis qu’elle a cru s’émanciper, je n’étais pas celui que je prétends être. Et si, redoublant de malveillance par rapport à ceux qui l’ont déjà flouée, je n’étais qu’un imposteur qui le lui déroberait pour s’en moquer ? La méfiance est aussi destructrice qu’elle est salvatrice : on ne peut en vivre seulement, mais c’est une arme dont il vaut mieux être doté. Qu’elle se rassure : le petit carnet bleu, je l’ai ouvert, lu, rangé précieusement et le lui restituerai comme prévu. Elle pourra se dire que l’Humanité n’est pas seulement pervertie. Que, comme Doubrovsky nous le disait déjà il y a longtemps, c’est souvent au moment du pire de l’homme qu’on a la chance d’en rencontrer le meilleur.
16:43 Publié dans Blog | Lien permanent
20/03/2012
Note at all.
Il faudrait pouvoir séparer la vie entre ceux qui n’éprouvent pas la nécessité de la vivre pleinement et ceux qui en espèrent le maximum, jusqu’au bout. Rien n’est plus désarmant qu’un acte de violence gratuit – ou presque, puisque aucune cause ne saurait justifier une telle sauvagerie. Ce n’est pas de faire taire les enfants une minute qui les amènera à comprendre, au contraire. C’est d’en parler et d’asséner, infatigablement, qu’il n’y a que la civilisation à opposer à la barbarie.
16:09 Publié dans Blog | Lien permanent
19/03/2012
Une autre histoire vraie.
Quand David Lynch filmait, dans « Une histoire vraie », un homme allant de l’Iowa au Wisconsin en tondeuse à gazon, c’était pour adapter à notre époque les mérites, contemplatifs, du voyage initiatique. De ceux dont, de Homère à Kundera en passant par Hugo, on a vanté les bienfaits : métaphysique accrue par la lenteur, temps donné à la rencontre, importance donnée à la quête elle-même, pas forcément à sa fin. Dans « Une étoile aux cheveux noirs », d’Ahmed Kalouaz, l’auteur-narrateur prend une drôle de décision initiale : c’est en 103SP, une Mobylette bleue du modèle de celle qu’avait son père, qu’il va traverser la France en diagonale, de la Bretagne qui l’a accueilli jusqu’à Grenoble, où il va retrouver sa mère, dépitée par l’âge, la mémoire qui flanche et surtout par un déménagement à prévoir, puisque la barre HLM dans laquelle elle vivait encore après que les douze autres sont partis, va être démolie. Une démolition n’est jamais anodine, un reclassement non plus. La mère, cette étoile algérienne qui a connu l’exil et les regards haineux, n’accepte pas la décision, fait comme si rien n’allait se passer. A cette mère qui va « entrer dans la nuit en vieillissant », Kalouaz écrit une ode, qui s’adresse directement à elle : c’est par le tutoiement qu’il lui parle, même par le biais du livre. C’est par ses yeux qu’il traduit son évolution, son rapport à la Foi et au voile, qu’il lui reproche avec indulgence ce changement tardif et sectaire. Qu’il ne voit pas pourquoi elle tient à retourner à la Mecque, elle qui y est déjà allée. A travers lui, Kalouaz parle aussi des écrivains et des années noires qu’a connues l’Algérie. Il revendique la laïcité, la France de Ferrat, qu’il fredonne au guidon de son destrier bleu. Il raconte l’enfance heureuse, le pain perdu et rattrapé, retrouve « les mots pudiques des gens simples » pour parler de cette femme restée « à la porte de l’Ecole ». Il raconte les fins de mois difficiles, la solidarité d’une époque et, en filigrane, dessine la vie brisée des exilés, ces étranges étrangers arrivés nulle part et rejetés partout. Kalouaz parle d’une mère qu’il lui semble n’avoir connue qu’adulte : aucune photo d’elle, dit-il, jeune. Sans doute parce que sa jeunesse lui a été prise, qu’elle a été de tous les combats pour exister dans ce pays qui l’a accueillie par défauts : combats contre les administrations, les idées reçues, le racisme et les révisions de l’Histoire. Le narrateur de « Une étoile aux cheveux noirs » ponctue son épopée d’étapes, pas d’épreuves : dans des ports, dans des bars, où, buvant son chocolat chaud, il croise des Bretons un peu plus aguerris à l’alcool, sans les juger. Qui le voient repartir avec envie, comme si eux-mêmes reconnaissaient, à cet instant, que ce voyage-là, ils ne l’ont jamais entrepris. Qui ponctuent leurs remarques d’épisodes récents, signes que le temps que Kalouaz va retrouver est, et il le sait, bel et bien perdu : la pêche n’est plus aussi fructueuse depuis la marée noire de 2008 et oui, la belle époque où ils rentraient au bled en « exilés parvenus » est derrière lui. Najma bi Chaârin assouad*, comme un juif rapatrié d’Algérie l’a nommée un jour, c’est par petites touches que l’auteur nous en dresse le portait : dans l’amour et la protection qu’elle a portés à ses enfants, main de Fatma opposée au el hein, le Mal et aux djouns, les mauvais esprits. Il dit en retenant, avouant qu’en dehors de la cuisine – dignité absolue des pauvres – et des tâches ménagères, il ne sait pas grand chose d’elle, au bout du compte. Sinon que le Mektoub, le destin, l’a menée là où elle terminera et qu’il se doit d’aller la retrouver, une dernière fois. Kalouaz égrène ses étapes, de tables d’hôte en camping municipal, on apprécie l’humanisme de celui qui sait où il va – la scène du palefrenier qui répare la mobylette est superbe - on appréhende avec lui, tout au long de cette lettre ouverte, l’état dans lequel il va retrouver sa mère. Sa mort à venir, inéluctable. Les souvenirs qui affluent, ceux qu’il lui imagine, les rêves de retour, de propriété, les villages-dortoirs des immigrés et des ouvriers, souvent les mêmes. La prose change un moment, c’est la mère qui écrit, qui reproche à ses enfants de ne pas l’avoir aidée à comprendre plus vite : des griefs qu’elle n’aura jamais formulés mais dont on saisit qu’ils sont ce que l’auteur se reproche lui-même. Puis c’est l’arrivée - dans ce qui fut une Cité-jardin et qui n’est plus, pour l’auteur, quarante ans après, qu’un constat d’échec sociétal - au bout de la toute petite centaine de pages que fait ce livre-là (une page pour dix kilomètres), un autre « livre de ma mère » avec la même force, sinon la même origine, puisqu’il faut bien se jouer du mot avant qu’il ne le fasse.
* le titre du roman en arabe.
19:21 Publié dans Blog | Lien permanent
18/03/2012
Les choses se font.
La pugnacité a ses avantages. Je rentre d’une session d’enregistrement de « Camille » avec le chanteur que, dans ces colonnes, je recrutai sauvagement, sans le connaître, il y a quelques années, déjà. Depuis, nous nous sommes rencontrés, appréciés, je l’ai entendu chanter, déjà, quelques-uns de mes mots en back vocals sur le Deus Sex Machina des Deuce dont il va diriger l’enregistrement du prochain album, sur lequel j’interviens en tiré à part. Camille est dans la boîte donc, j’enverrai les fichiers dès que possible à son compositeur, qui lui donnera sa forme définitive. Une fois le dossier déposé à la SACEM, j’enverrai aux éditeurs ciblés ce travail d’une autre vie, bouclée aujourd’hui par l’action d’une voix merveilleuse. Celle que je voulais, le temps d’une infidélité à Eric. Le temps d’un moment suspendu, aussi, un de plus.
19:25 Publié dans Blog | Lien permanent
17/03/2012
Etat de Muratologie avancé.
Il fallait mériter Jean-Louis Murat, hier. Passer l’obstacle d’une sortie de Lyon compliquée et d’une attente au péage en compagnie de skieurs en nombre. Se perdre, également, sur des chemins de terre et tomber sur des pompiers nous indiquant que non, ma p’tite dame, ça fait bien longtemps qu’il n’y a plus d’abattoirs à Bourgoin-Jailleu. Les Abattoirs, justement, une fois retrouvés, m’ont permis, dans leur configuration de salle de spectacle, de revivre ce que l’on ne peut faire qu’en mode fan au Ninkazi ou ailleurs, un concert de Jean-Louis Murat à trois mètres de lui, avec toute la palette des expressions de son visage, ses agacements quand le retour n’est pas suffisant, ses regards attendris, toujours, vers son historique, maintenant, de batteur, quand une de ses caisses, descellée, ira brinqueballant tout le long du concert. Il fallait mériter Jean-Louis et pour cela attendre 22h, le temps, une fois de plus, qu’une première partie perde conscience et se sente habité par une mission que ni son jeu de guitare ni la variété de ses compositions ne justifiait. Jean-Louis Murat aux Abattoirs pour la tournée de son superbe « Grand Lièvre », que cela pouvait-il donner après le très bon concert du Ninkazi, il y a quelques mois ? Guère plus, c’était certain. Mais différent, ça l’était aussi, puisque Murat a cette qualité immense d’être toujours surprenant. Je l’ai donc retrouvé avec un bassiste différent, puisque Fred Jimenez, que je croyais pourtant indissociable de Stéphane Reynaud, a paraît-il été appelé par Johnny. Tant que ce n’est pas Clo-Clo, l’honneur est sauf. Et le « petit nouveau », à la coupe afro-cubaine qui rendrait jaloux Raoul Paz et Robert Herbin réunis, s’en est bien tiré, avec un jeu de main droite curieux, alternant sur deux micros de sa Fender. Mais le Murat classique est là : une section rytmique lourde et ronde, la mélodie rappelée constamment par le clavier de Slim "Sioux" Batteux et la guitare du maître. Cette configuration, je l’ai dit, déjà, est la meilleure pour lui. C’en est touchant, même, de voir à quel point, sur le plan de scène, les trois musiciens forment un arc de cercle tout entier tourné vers Jean-Louis qui n’aime rien de mieux, une fois le chant passé, que de s’approcher d’eux et de jouer avec, plus Neil Young que jamais. Le son est spectral, les morceaux sont posés et c’est à l’intérieur qu’ils les rejouent chaque fois différemment. Avec une intention plus rock, plus rapide, hier, dès les premiers morceaux, « La lettre de la Pampa », « les rouges souliers », « le champion espagnol », « Haut-Arverne »… Vous trouverez des compte-rendus circonstanciés ailleurs, mais par rapport au Ninkazi, première surprise, la disparition, en entrée, du fabuleux « Qu’est-ce que ça veut dire ? » . Qu’on retrouvera évidemment plus tard, soigné, allongé, comme un morceau après lequel on peut sortir de scène en remerciant le public. Murat, sous mes yeux, pose son visage fermé, tendu, il entre dans son concert, sa voix est sublime, toujours, tout est là. Il offre rapidement une nouvelle chanson, « je ne cesse de penser à toi », sans doute, sur des amours mortes, promises sur un tombeau. Promet de la musique de chambre pour jouer « Alexandrie ». Lance une deuxième nouveauté avant le premier break, une de ces petites merveilles ciselées qu’il lançait sur le Net il y a longtemps et qu’on a déjà envie de retrouver : le refrain rime sur Belle, la mélodie est prégnante, il est question du corps de Jeanne… Une chanson qui n’a pas encore de titre, répond-il à l’homme qui l’interpelle dans le public. Un public qu’il n’aura pas eu à conquérir par autre chose que ses chansons : à 60 ans, le bonhomme n’a jamais été aussi pudique sur scène, autant qu’il pratique l’enflure en promo. C’est une donnée connue et secondaire : quand Murat envoie la batterie lourde pour la deuxième heure du concert, quand s’enchaînent, justement « Vendre les prés »,« Qu’est-ce que ça veut dire » sans les chœurs mais avec des mimiques qui frisent le prix d’interprétation et un « 16h qu’est-ce que tu fais ? » dont le seul défaut est d’avoir le même premier riff de guitare que « Jim », qui ne sera pas joué. Mais sur 16h, Murat expérimente de nouveaux effets voix, mécaniques, répète à l’infini et en accélérant, dans un exercice de diction surréaliste, «Tes yeux m’auront blessé, je redeviens puceau », on se dit que rien que pour ça, ça valait la peine d’aller jusqu’à Bourgoin. « Alcaline », la Christopho-Bashungerie en deuxième rappel puis, pile à l’heure de l’attendu – et espéré – « examen de minuit », la seule vieillerie de la soirée, le truc qui reste en tête toute la nuit, un « Si je devais manquer de toi » à rallonge, passé à la moulinette du quatuor, avec reprise instrumentale. Je m’en vais vite, je sais qu’il vient dédicacer après le concert, mais c’est justement là où je n’ai pas envie d’être. « Vous voulez chacun un morceau, mais qu’est-ce que ça veut dire ? » a-t-il bougonné à l’hystérique abreuvé de bière qui hurlait qu’il voulait « la jalousie » comme pour montrer qu’il connaissait bien son Murat et qui, défait, a hurlé « Clermont » pour bien justifier que oui, les imbéciles heureux sont nés quelque part. On a chacun son Murat. Ça fera vingt ans l’an prochain que je vais voir cet homme jouer son art sur scène et je suis toujours surpris, jamais déçu. Même si hier, j’ai repensé à Sylvain Vanot : une première partie qui a du talent mais en doute en permanence. C’est mieux dans ce sens.
09:01 Publié dans Blog | Lien permanent
16/03/2012
L'Enfance (toujours) éternelle.
Denis Lecarme est un vieux gaulois dégingandé. A l’envers, dégingandé de par sa taille et par le corps qu’il anime comme un automate sur la scène d’Agend’Arts. Gaulois, inévitablement, par la moustache et par l’œil pétillant de celui qui sait qu’il va pouvoir raconter ses petites histoires de résistance à la médiocrité envahissante. Vieux, et ce n’est en rien péjoratif, parce qu’il est sorti de l’Enfance Eternelle, ce groupe mythique dont les pochoirs sur les murs de Lyon, dans les 80’s, ont contribué à la fantasmagorie qui l’a entouré. On parlait de messe noire et de sacrifices d’animaux là où il n’y a toujours eu que mise en scène, costumes excentriques, crêtes et guitares saturées. L’imagerie post-punk de l’Enfance Eternelle, la pochette du « Jour des fous », la fidélité de leur public, les émissions sur FR3 Régions de l’époque, tout cela a fait qu’on n’a jamais autorisé à ces Peter Pan de l’époque de vieillir sous peine de prendre nous les trente ans qu’on n’a pas voulu voir passer. Sur ce blog, pour le coup, on n’est pas loin du morpion : je compte parmi les gens que j’admire et avec qui j’ai la chance de travailler le chanteur du Voyage de Noz, arrivé quelques années plus tard mais seul survivant de cette scène lyonnaise de l’époque, j’écris l’histoire d’Aurelia Kreit qui m’a été soufflée un jour de 1986. Et j’ai donc vu, hier, Denis Lecarme reprendre, au milieu de ses nouvelles compositions, un morceau de l’époque réaménagé mais reconnaissable par ses programmations de guitares new-wave. Denis joue sur scène avec Fred Dubois, qui a orchestré l’enregistrement de « Trop Pas ! », qui lance les pistes midi et couvre le morceau de sa basse ronde et sourde. Apporte au chant les chœurs qui soulignent. Denis, c’est Modiano sur scène : à peu près aussi fulgurant dans ce qu’il chante qu’éthéré dans ce qu’il veut en dire entre deux morceaux. On en sourit dans le public, ce n’est pas grave, on a compris : voilà un homme qui veut nous parler de ce qui est absolument essentiel, une vue par la fenêtre, un être de moins d’un mètre chez lui, la part de fatalitas propre à l’existence (« qui c’est c’ui qu’y’a dit : les chiens font pas des chats ? ») mais aussi le métissage des couleurs et des cultures qui l’a rendu heureux. Un homme qui parle couramment et ponctue ses chansons de l’Italien et du Douala de Lyon. Un homme qui trouve le sens dans les choses les plus simples et qui, par pointillisme, se créé un univers, refait le lien. On est pas si loin de l’enfance éternelle, à la différence près que, l’espace d’une heure, comme avec un autre poète, on l’a retrouvée, l’éternité.
Photo Tom Phototom
17:43 Publié dans Blog | Lien permanent