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17/03/2012

Etat de Muratologie avancé.

Image 1.pngIl fallait mériter Jean-Louis Murat, hier. Passer l’obstacle d’une sortie de Lyon compliquée et d’une attente au péage en compagnie de skieurs en nombre. Se perdre, également, sur des chemins de terre et tomber sur des pompiers nous indiquant que non, ma p’tite dame, ça fait bien longtemps qu’il n’y a plus d’abattoirs à Bourgoin-Jailleu. Les Abattoirs, justement, une fois retrouvés, m’ont permis, dans leur configuration de salle de spectacle, de revivre ce que l’on ne peut faire qu’en mode fan au Ninkazi ou ailleurs, un concert de Jean-Louis Murat à trois mètres de lui, avec toute la palette des expressions de son visage, ses agacements quand le retour n’est pas suffisant, ses regards attendris, toujours, vers son historique, maintenant, de batteur, quand une de ses caisses, descellée, ira brinqueballant tout le long du concert. Il fallait mériter Jean-Louis et pour cela attendre 22h, le temps, une fois de plus, qu’une première partie perde conscience et se sente habité par une mission que ni son jeu de guitare ni la variété de ses compositions ne justifiait. Jean-Louis Murat aux Abattoirs pour la tournée de son superbe « Grand Lièvre », que cela pouvait-il donner après le très bon concert du Ninkazi, il y a quelques mois ? Guère plus, c’était certain. Mais différent, ça l’était aussi, puisque Murat a cette qualité immense d’être toujours surprenant. Je l’ai donc retrouvé avec un bassiste différent, puisque Fred Jimenez, que je croyais pourtant indissociable de Stéphane Reynaud, a paraît-il été appelé par Johnny. Tant que ce n’est pas Clo-Clo, l’honneur est sauf. Et le « petit nouveau », à la coupe afro-cubaine qui rendrait jaloux Raoul Paz et Robert Herbin réunis, s’en est bien tiré, avec un jeu de main droite curieux, alternant sur deux micros de sa Fender. Mais le Murat classique est là : une section rytmique lourde et ronde, la mélodie rappelée constamment par le clavier de Slim "Sioux" Batteux et la guitare du maître. Cette configuration, je l’ai dit, déjà, est la meilleure pour lui. C’en est touchant, même, de voir à quel point, sur le plan de scène, les trois musiciens forment un arc de cercle tout entier tourné vers Jean-Louis qui n’aime rien de mieux, une fois le chant passé, que de s’approcher d’eux et de jouer avec, plus Neil Young que jamais. Le son est spectral, les morceaux sont posés et c’est à l’intérieur qu’ils les rejouent chaque fois différemment. Avec une intention plus rock, plus rapide, hier, dès les premiers morceaux, « La lettre de la Pampa », « les rouges souliers », « le champion espagnol », « Haut-Arverne »… Vous trouverez des compte-rendus circonstanciés ailleurs, mais par rapport au Ninkazi, première surprise, la disparition, en entrée, du fabuleux « Qu’est-ce que ça veut dire ? » . Qu’on retrouvera évidemment plus tard, soigné, allongé, comme un morceau après lequel on peut sortir de scène en remerciant le public. Murat, sous mes yeux, pose son visage fermé, tendu, il entre dans son concert, sa voix est sublime, toujours, tout est là. Il offre rapidement une nouvelle chanson, « je ne cesse de penser à toi », sans doute, sur des amours mortes, promises sur un tombeau. Promet de la musique de chambre pour jouer « Alexandrie ». Lance une deuxième nouveauté avant le premier break, une de ces petites merveilles ciselées qu’il lançait sur le Net il y a longtemps et qu’on a déjà envie de retrouver : le refrain rime sur Belle, la mélodie est prégnante, il est question du corps de Jeanne… Une chanson qui n’a pas encore de titre, répond-il à l’homme qui l’interpelle dans le public. Un public qu’il n’aura pas eu à conquérir par autre chose que ses chansons : à 60 ans, le bonhomme n’a jamais été aussi pudique sur scène, autant qu’il pratique l’enflure en promo. C’est une donnée connue et secondaire : quand Murat envoie la batterie lourde pour la deuxième heure du concert, quand s’enchaînent, justement « Vendre les prés »,« Qu’est-ce que ça veut dire » sans les chœurs mais avec des mimiques qui frisent le prix d’interprétation et un « 16h qu’est-ce que tu fais ? » dont le seul défaut est d’avoir le même premier riff de guitare que « Jim », qui ne sera pas joué. Mais sur 16h, Murat expérimente de nouveaux effets voix, mécaniques, répète à l’infini et en accélérant, dans un exercice de diction surréaliste, «Tes yeux m’auront blessé, je redeviens puceau », on se dit que rien que pour ça, ça valait la peine d’aller jusqu’à Bourgoin. « Alcaline », la Christopho-Bashungerie en deuxième rappel puis, pile à l’heure de l’attendu – et espéré – « examen de minuit », la seule vieillerie de la soirée, le truc qui reste en tête toute la nuit, un « Si je devais manquer de toi » à rallonge, passé à la moulinette du quatuor, avec reprise instrumentale. Je m’en vais vite, je sais qu’il vient dédicacer après le concert, mais c’est justement là où je n’ai pas envie d’être. « Vous voulez chacun un morceau, mais qu’est-ce que ça veut dire ? » a-t-il bougonné à l’hystérique abreuvé de bière qui hurlait qu’il voulait « la jalousie » comme pour montrer qu’il connaissait bien son Murat et qui, défait, a hurlé « Clermont » pour bien justifier que oui, les imbéciles heureux sont nés quelque part. On a chacun son Murat. Ça fera vingt ans l’an prochain que je vais voir cet homme jouer son art sur scène et je suis toujours surpris, jamais déçu. Même si hier, j’ai repensé à Sylvain Vanot : une première partie qui a du talent mais en doute en permanence. C’est mieux dans ce sens.

09:01 Publié dans Blog | Lien permanent

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