30/06/2012
Auto-citation immodeste.
J’ai pas posé d’autres questions. Je l’ai emmenée jusque chez sa logeuse et je lui ai dit au revoir, en enlevant mon calot. Une autre femme, je lui aurais fait la totale et elle m’aurait pas laissé passer. Mais elle, je savais que si je voulais la revoir, il fallait que je la laisse tranquille, là. Gaston lui aurait parlé d’opéra, mais je suis pas Gaston et moi, j’ai pas cherché à la fuir, la guerre. Puisqu’elle m’avait mené jusqu’à Gabrielle, je pouvais pas dire qu’elle n’avait servi à rien. Je suis rentré à la caserne, j’ai graissé la patte au planton parce que j’avais une heure de retard. Ça m’a coûté dix cibiches, mais j’avais répondu à une question que je m’étais longtemps posée : c’est quoi la différence entre l’émotion et le sentiment ? Pas des questions qu’on pose à des bidasses ou des marins. Mais dans mon pajo, ce soir là, j’avais une réponse : le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.
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29/06/2012
Un amour de Soie.
Amusant, au moment où la communication sur les réseaux sociaux atteint son sommet d’inanité, chacun renvoyant l’autre à sa propre image de soi, je suis dans le regret de vous annoncer que demain après-midi, dans le cadre de l’exposition « Carrés de soi au Carré de Soie », je vais présenter quoi ? Mon PAL dont tout le monde se fout à peu près, mon prix de Grignan qui devrait me rapporter autant de retombées que m’en a apporté la sélection de Lettres Frontière ? Autant dire que demain, dans cette grande librairie de catégorie 1 qu’est Decitre, la rencontre devrait me rappeler ma toute première en librairie, quand seul le libraire, de temps en temps, par compassion, venait me parler. Depuis, j’en ai vu, des gens, partout où je suis passé, je n’ai pas à me plaindre. Mais demain, c’est à partir de 16h30 et si vous êtes dans le coin, c’est à Vaulx-en-Velin, au Carré de Soie. L’expo est superbe, c’est déjà ça. Après, je ferai vœu de silence et de travail : pas de blog cet été, je ne veux pas tourner en rond. Je ferme après Springsteen à Bercy. Mais d’ores et déjà, en octobre, j’annonce un Never Ending PAL Tour en compagnie d’Eric et de Gérard, à l’invitation de Guillo, sur ses terres et celles d’Alain Larrouquis, qui sont les mêmes : si tout se déroule bien, une médiathèque à Pau, un concert privé chez Guillo le vendredi, le salon à la Moutète le samedi, un bar à Orthez le soir, retour (900km quand même !) le dimanche. De bons moments en prévision, un monde parallèle, alternatif, sans la pression du résultat, des 6000 visiteurs mensuels de cet espace. Et puis après on verra.
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28/06/2012
De la Beyle ouvrage.
J’ai suffisamment d’intérêt pour l’exercice biographique pour ne pas avoir attendu impatiemment - jusqu'à hier - le dernier opus de mon ami l’Inoxydable et ses Deuce. « 33, place bellecour », puisque c’est ainsi qu’il s’intitule, reconstitue musicalement les aventures d’un illustre inconnu dont Christophe Simplex a exhumé le parcours en fouillant, enfant, dans le grenier du lieu sus-dit. Douze chansons en reprennent les thèmes : les colonies, la guerre, les femmes, le frère ennemi… Déjà – puisque je sais qu’il me guette – il y a trois chefs-d’œuvre dans cet album, c’est énorme : « Un air de fandango » est ce qu’il a écrit et chanté de mieux, à mon sens. Peut-être parce que le texte est moins dense et plus perceptible que dans d’autres chansons, parce qu’on est dans le périple initiatique (ah, ces mesures asiatiques !) en même temps que le personnage. « La débandade » est une sublime chanson, que Stéphane Pétrier a offerte au groupe et que le groupe n’a pas galvaudée, loin de là: Simplex pousse la voix jusqu'à la rupture. Pétrier a dirigé l’enregistrement et c’est un gage de qualité, dans les choeurs, le duo, jusque dans les derniers mixages. La troisième, dans l’ordre de mes préférences, c’est « Fort-Crampel», qui reprend la démarche biographique, renvoie à Bangui où, comme à Blida et Miliana, Marius fit le joli-cœur dans les tours de chant. De quoi donner du grain à moudre à Christophe, qui a amené son groupe dans un exercice d’identification, costumes d’époque et barbichette à l’appui. Les morceaux s’enchaînent, on retrouve des samples de marches militaires, des canonnades, une rengaine populaire de l’époque (« la sérénade du pavé ») chantée comme au bistrot, accordéon et commentaires absinthinés à l’appui. L’exercice gainsbourien – ton et débit, entre Melody Nelson et homme à la tête de chou - assumé dès le premier morceau, « Beylissime », on suit les mémoires beyliennes du début à la fin sans se lasser, les morceaux étant différents, chacun, avec plus ou moins de réussite – ou de dérision, pour « Sirocco » ? – de place accordée aux guitares saturées ou d’entrées de basse, puisqu’on reste dans le rock. C’est difficile de faire du rock en français, de dire quelque chose en même temps qu’en faisant du bruit, parfois beaucoup. En insérant des instruments inhabituels (sanzas, violon, accordéon, contrebasse) dans un combo wreukenroll, Deuce a passé un cap et s’offre même, après le rap de Marius et Gaston, un joyeux bordel final, avec « 1892 ».
Deuce est un groupe à découvrir sur scène : ils ont encore impressionné hier, sous une chaleur étouffante, pour la présentation de « 33, place Bellecour ». Le 19 octobre, ils se produiront au Blogg avec le Voyage de Noz du Sieur Pétrier qui, deux ans avant eux, avait aussi ravivé la vie de Bonne Espérance, chroniquée ici. Dans l’attente, le disque se commande là : avec un peu de chance (ou pas), il restera quelques-unes de la nouvelle écrite pour l’occasion (très bel objet de collection). En attendant que la ville de Chanas leur remette les clés, pour avoir fait rechanter Marius. L’historien de l’inutile a encore frappé.
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27/06/2012
Obsession.
Dans « Un homme à la mer » de Jacques Doillon, un homme ne se résout ni à concéder ni à choisir et laisse la vie décider pour lui. Plus de représentation, de reproduction, pas d’exclusivité, de promesses ni de serments. Au risque, à courir, d’être seul ou confronté aux regards qu’on a laissé passer. Une vie d’absolu, un petit rocher. Qui croire, de ceux qui vous disent que ce n’est pas possible – tout en en rêvant fortement – et ceux qui vous assurent que la vie est là, mais renoncent, au premier obstacle ? Et doit-on croire, obligatoirement ?
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26/06/2012
A demain, Marius Beyle!
Jamais compris les embusqués qui bandaient une demi-patate sur leur cheville pour qu’elle soit gonflée le lendemain. Ou ceux qui se logeaient eux-mêmes une abeille dans la main. Pas dupes, qu’ils étaient, les infirmiers, mais s’ils en avaient balancé un au caporal, ils y seraient pas revenus, ces lâches. Je ne sais pas ce qui leur prend, de se défiler, alors que les copains ont besoin de nous et qu’après tout, quand on y est, c’est un truc qui vous prend aux tripes. Au sens large comme au figuré. Pas de bol pour ceux qui y restent, mais je suis sûr qu’en y survivant, on gagne plus qu’en y échappant. C’est pour ça que je supporte pas d’être ici à attendre alors qu’on sait que là-bas, ça canarde à tour de bras, que quand les canons de l’arrière se seront tus, on attendra tous le bruit du sifflet du capitaine pour y aller. J’ai toujours cherché ça, l’adrénaline, quand j’y repense : jamais pu rester en place, ni à la Communale, où j'ai fait que passer, ni dans mes premiers boulots. Un patron, ça vous colle au cul toute la sainte journée alors qu'un cabot, quand il sait que vous êtes bon, il aurait plutôt tendance à vous laisser passer devant. Quand ça chauffe, Mazard, il a beau donner les ordres, on sait bien qu'il fait dans son falzar et qu'il se planque derrière les gros du mortier. Mais on ne lui a jamais rien dit parce qu’on se serait mangé du Conseil de Guerre et qu’on aurait fini alignés contre le mur du cimetière. Pluvinage, le gars des Vosges, il a rien compris le mois dernier quand on l'a mené au peloton juste parce qu'il a voulu ramasser son cothurne tombé devant lui. Retrait volontaire devant l'ennemi, qu'on lui a dit et boum, six balles dans le buffet, et tirées par des potes, je veux!
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25/06/2012
Lexicologie.
J’ai travaillé un court texte, aujourd’hui, pour Dominique Albertelli et les éditions du Réalgar. J’attends sa réaction, je sais, pour l’avoir déjà fait dans mon Berry d’adoption, que l’exercice est difficile et que la déception peut affleurer. Mais enfin, c’est (presque) fait, et je me suis offert de vrais plaisirs lexicaux, avec mon Bescherelle en quatre volumes de 1899 et mon Grand Robert, de quatre-vingt dix ans son benjamin. L’occasion d’annoncer ici la parution, donc, de deux (petits) opus, mon « Marius Beyle » en édition très très limitée et gratuite, en accompagnement du « 33, place Bellecour », l’album des Deuce de mes amis, et ce « Quelque chose, rouge », alors, qui sera disponible à la Galerie du Réalgar (et sur commande), à St Etienne. Deux petits plaisirs avant, je l’espère, le recueil de nouvelles, puis, dans fort fort longtemps, le roman sur lequel je vais m’escrimer cet été.
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24/06/2012
Billet de fatigue.
On me fait la remarque, aujourd’hui, que j’ai vécu la quasi-moitié de ma vie à proximité d’une gare. Sans jamais – réellement – partir. Je non-pars, souvent, mais ne m’attarde pas. Il n’empêche, même à 8h à St Romain de Popey, la gare a quelque chose de déchirant. On est là et l’instant d’après, on n’y est plus. Drôle d’allégorie.
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22/06/2012
Une petite Cantat.
Torturé, vraiment, le destin de Bertrand C. Pas plus que celui de Marie T., me direz-vous, et ça nous ferait repartir sur des polémiques stériles. Mais hier, alors que le « Non Solvable Tour » de Guillo, Vitas & Fergessen m’a amené à sortir de la tannière dans laquelle je me terre tous les 21 juin, ré-entendre « Lazy » et l’inouïe – si on veut bien la réécouter – « le vent nous portera » m’a replongé dans ces moments où, comme le monde autour de nous, on pensait qu’on irait vers le mieux, et tous ensemble. Et puis. Je sais qu’il travaille, qu’il a composé pour le théâtre, avec Wadji Mouawad, mais le lien avec Althusser, fait le jour du drame, est toujours prégnant. Sans savoir que chez lui, les tragédies se succéderaient. On peut être vivant et laisser l’œuvre faire croire que vous êtes mort. En 2001, en été, à Fourvière, C. et son N.D avaient chanté trois fois (dont une a capella, une fois les techniciens partis) cette fausse bluette qui annonçait tant et que personne, encore, ne connaissait. Ça reste un de mes plus beaux souvenirs de concert. Un de mes plus beaux souvenirs tout court.
* à noter qu'habituellement, je guette sur Internet les pires reprises de Noir Désir, le groupe le plus massacré du 21 juin, maintenant que les amateurs de Téléphone ne sortent plus. Mais Fergessen, un groupe qui m'a impressionné hier, pour "Lazy" et Guillo - dont j'ai déjà dit tout le bien que je pensais de lui ici - pour "le vent" ont remis les choses à leur place.
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