21/06/2012
Evoluer en D3.
Je reçois ce message d’un de mes amis, écrivain reconnu, pour ne pas dire renommé. Il est édité dans une prestigieuse maison du Sud de la France, récemment, il était interviewé dans « les mots de minuit », a le soutien des Inrockuptibles. Il est – nous avons le même âge – l’auteur de trois romans – comme moi. J’appréhendais un peu son « retour », après qu’il est parti, le mois dernier, avec mes deux premiers ouvrages. Il m’a fait la sympathie d’une lecture et dans son courriel, il y a quelques réserves : la première, concernant Tébessa, sur un manque de matière, une trop grande retenue dans le développement de la situation, qu’il juge excellente, mais insuffisamment exploitée. Je me souviens que Brigitte Giraud m’avait dit qu’elle aurait approfondi le personnage de Richard, déjà. Pour « la partie de cache-cache », le reproche d’une trop grande maturité des enfants de 11 ans revient une nouvelle fois ; une nouvelle fois, j’assume le parti-pris, la quasi-certitude que l’âge adulte a oublié le sérieux – pour paraphraser Nietzsche, en exergue – dont on faisait preuve dans les jeux d’enfants… Mais l’essentiel n’est pas là. Je ne devrais pas m’auto-flageller, après tout, ces deux ouvrages ont été élus par des jurys de lecteurs et c’est bien là l’essentiel. Mais la remarque selon laquelle ces deux romans, en l’état, ne trouveraient sans doute pas preneur chez de plus grands éditeurs – en tout cas le sien, m’interpelle : est-ce un niveau dans l’écriture qu’il faut franchir, est-ce une limite que j’ai touchée ? Je ne me sers de son avis ni contre lui, ni contre moi. Mais la question se pose, en permanence, surtout dans le choix que j’ai fait d’écrire un roman vaste, fleuve et sans doute démesuré, au regard de mes moyens. Et si, au même titre du basketteur que j’ai été, je n’étais, au bout du compte, qu’un écrivain de seconde ou de troisième zone, primé et sélectionné sur un malentendu ? Je sais que le doute est moteur, mais il est parfois cruel.
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20/06/2012
La Ficelle.
Les petites vieilles du marché de la Croix-Rousse, indignées qu'on leur supprime le relais TCL, s'étaient organisées en cellule révolutionnaire. On retrouva le plénipotentiaire en loques, déchiqueté par la furie des canes. Le maire lui-même n'y put rien, les émeutières réclamant la présence de Louis Pradel, ou rien. Finalement, il fut décidé de réinstaurer la ficelle, le transport gratuit pour les plus de 65 ans et l'autorisation pour les chiens de déféquer à l'intérieur des wagons. Rien de tout cela ne se sut, le féminin de Canut étant, selon l'Académie, difficile à déterminer.
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19/06/2012
Gradation.
Je retrouve hier cet ami de trente ans, nous allons voir le même artiste interpréter l'album qui l'a fait connaître il y a vingt ans. Cela fait peut-être dix ans que nous nous promettons de nous revoir plus régulièrement, un an qu'il est venu au Tramway pour la présentation du PAL, un mois que - comme moi - il a acheté sa place, une heure que nous attendions de nous croiser sur les lieux. On n'est pas à une minute près, attendez une seconde!
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18/06/2012
Albertelli & moi.
Je vais travailler avec l’artiste-peintre Dominique Albertelli, pour la galerie du Réalgar – dirigée par Daniel Damart - et les éditions du même nom. Un petit livre d’artiste du style de celui que j’ai déjà fait avec Jean Frémiot & Jean-Louis Pujol, une variation sur un des thèmes que l’on retrouve dans le travail de Dominique – que je ne connais pas encore mais dont le quelque chose, rouge m’a enchanté. « Pour respirer, pour m’en sortir (...) pour dire le souffle, la vie », dit-elle de ce qui l’anime. Je suivrai, de mon côté, ses personnages déambulant, verrai ce qu’ils m’inspirent puis, quand j’en aurai une version aboutie, l’appellerai et lui demanderai de me laisser lui parler de son œuvre : on saura vite si les mots tombent juste.
NB: je tairai ici l'honneur de passer, dans la collection, juste après Pierre Jourde, ce qui ne met pas la pression. Du tout.
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17/06/2012
Band on the run.
Il y a des limites physiques au grand cirque de l'intensité: on part le vendredi tôt après une trop courte nuit, on récupère un peu dans le train, puis une heure à l'hôtel avant de relancer la machine jusque tard dans la nuit, puis on dort, un peu, avant de retrouver les musiciens, de convenir d'en accompagner un jusque là où il doit jouer le lendemain et pour cela se lever (très) tôt. Et puis affronter, une fois rentré, le calme affolant d'un appartement vide. Mais le confort d'un lit douillet. Quitté en plein après-midi dans l'appréhension de ne plus y trouver le sommeil quand la nuit reviendra.
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16/06/2012
Et puis Meythet.
Journée très chargée, donc, hier, à Meythet, avec une rencontre programmée à la bibliothèque, en fin d'après-midi. Un horaire qui ne facilite pas,les déplacements en masse, à moins que ce ne soit l'absence de noms connus. Les organisateurs, me diront mes deux hôtes au déjeuner, sont de plus en plus confrontés à cette demande, la même qui produit l'offre unique en librairie. Ahmed Kalouaz a pourtant un sacré parcours d'écriture, en général comme en jeunesse, et sillonne le pays pour rencontrer, principalement, des collégiens, des lycéens et leurs enseignants, derniers passeurs, quand ils ne cèdent pas eux-mêmes à la facilité, du livre "alternatif", même si Claire Berest et son brûlot contre l'EN ne seront sans doute pas d'accord. La table ronde est menée, au pied levé, par Véronique et par l'animateur du jeu à suivre, l'animateur littéraire étant souffrant. La parole circule, personne ne l'accapare et l'accueil est chaleureux, différent aussi des autres endroits où je suis passé: ici, dans la perspective du TREQ, on connaît les livres en jeu dans les moindres détails. Ils ont été disséqués, littéralement, les équipes (de 3) se les sont appropriés, ont nommé une personne référente pour chacun des trois, chargée de ne pas faillir. On parle des livres, de leur visée, de l'intention qui les a générés. C'est toujours un peu compliqué de lier trois œuvres différentes, mais la discussion se crée: on parle de l'autobiographique, assumé ou déguisé, des livres qui nous échappent quand d'autres les prennent pour eux. Une dame me parle de Margot, j'en suis heureux. Des extraits sont lus avec chaleur, la discussion est fluide, Ahmed parle de religion, de dogmatismes, Claire, évanescente, paraît tout juste revenue de son road-movie musical. Elle a une présence silencieuse qui contraste un peu avec les deux bavards que nous sommes, Ahmed et moi, mais je la regarde et rêve, un instant, de l'entendre parler du regard dans Racine, si Alma, son héroïne, la laissait faire. Les animateurs sont un peu timides, j'aurais bien interrogé mes camarades sur la fonction du roman, puisque la lecture de leurs livres m'a poussé à en questionner la fonction. Ahmed répond en filigrane, on sent Claire déjà agacée par la réserve. Il est dix-huit hués, déjà, on se dirige vers la salle de spectacle du Rabelais où, sur la scène, sont disposés des pupitres et des livres recouverts, qui serviront de points. Le jeu commence, les équipes, dans la salle, sont armées de boîtiers électroniques, elles ont dix secondes à partir du top pour répondre à 3X10 questions sur les livres: on demande comment s'écrit un des villages traversés en mobylette par le personnage d'Une étoile aux cheveux noirs, la ville dans laquelle le concert de John et d'Alma est annulé, la marque des baskets avec lesquelles Paul Herfray a longtemps joué. Six équipes finalistes montent sur scène, d'autres questions sont posées, elles doivent répondre sur une ardoise, marquer cinq points pour être qualifiées. Dans le lot, il y a des habitué(e)s, des compétiteurs redoutables. Je galère moi-même pour me souvenir à quelle hauteur réglementaire le ballon doit être lancé pour un entre-deux... En finale, trois équipes s'affrontent et bénéficient de l'aide d'un des auteurs, qu'elles choisissent. Une aide toute relative tant il est évident que les candidats connaissent bien mieux l'œuvre, à ce moment-là de leur vie, que les auteurs. Mon équipe me choisit parce qu'elles m'ont entendu parler des autres livres, ce qui me donne un poids supplémentaire. Le jeu est tactique, en finale, chaque équipe peut répondre si l'autre n'a pas su le faire: il faut donc ne pas trop en dire si on n'est pas sûr. On aura ainsi donné un point à nos adversaires en complétant le titre du seul livre que Herfray amène en Espagne de sa dédicace alors qu'elle a fait l'objet, dix minutes après, d'une question à part. Les questions sur le texte d'Ahmed sont plus complexes et son apport quasi-nul mais drôle et décalé. Et la victoire bascule sur un coup du sort, comme dans le PAL: j'avais fait deux coups d'esbroufe, l'un en disant que je venais pour gagner, l'autre en disant à Claire, angoissée de ne pas savoir répondre à des questions sur son livre, qu'elle allait craquer sur scène. Ce qu'elle a fait, son équipe ayant la balle de match. Il fallait qu'elle donne la première phrase de la chanson russe qu'Alma se remémore à la fin du roman, elle a douté, a pensé "temps des cerises" là où il fallait penser "temps du muguet". Mes redoutables partenaires ont fait le reste, et on a gagné le TREQ. Et le droit de charrier les autres. La soirée s'est terminée au restaurant, dans lequel ma troupe s'était installée, le temps du jeu. Éric, Fred et Gérard, comme au Tramway, comme à la Casa Musicale, à Bellegarde et ailleurs, ont joué les trois chansons liées aux romans. Pas dans les meilleures conditions d'écoute, mais "l'Embuscade" a quand même suscité une attention particulière... Puis trois autres, entre la poire et le fromage, tardifs. J'espère, je crois que ça a plu. Moi, toujours, ça me comble d'aise. Me rappelle, en plus pro, les bons moments de Lettres-Frontière, dont une des organisatrices s'est rappelée hier à mon souvenir, et avec qui j'ai eu une discussion intéressante sur la sélection et ses lendemains. Au restaurant, j'ai eu tous les types de conversation sur le livre: une dame est venue me remercier parce qu'elle est née à Gujan-Mestras et que sa grand-mère s'appelait Margot! Une autre m'a interrogé sur la sexualité débridée de Soléne. D'autres, plus pointus sur le basket, m'ont confirmé que ce n'était pas à Alain Larrouquis de le prendre, ce dernier tir. Je sais que ça lui fera plaisir, lui,que j'ai encore eu au téléphone hier, dans le train.
Ahmed Kalouaz a fait éditer un recueil de ses compte-rendus de rencontres en bibliothèque, écrits en temps réel. Je crois pouvoir dire que je ne suis pas mal non plus sur ce terrain. Merci à Véronique et Elisabeth pour l'accueil, à tous les autres pour l'organisation. À celles qui ne sont pas venues, en voisines. À cette figure qui m'a replongé dans des temps anciens, de ceux dont on se demande justement pourquoi ils sont si lointains. À Philippe, pour le détour. Les chambres d'hôtel paraissent moins vides au lendemain de journées comme celle-ci.
NB: en gage de la psychopathie des candidats du TREQ, les pages de notes sur le roman d'une des membres de l'équipe finaliste (malheureuse, niark, niark...)
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15/06/2012
A room in a heartbreak hotel.
Dans un quart d'heure, une voiture m'attendra en bas de l'hôtel, pour m'emmener à Meythet, pour la table ronde autour des trois romans choisis et du fameux jeu dont je suis impatient de connaître les subtilités. Dans le train qui m'a mené à Annecy, ce matin, j'ai discuté avec Alain Larrouquis, pris rendez-vous, avec curiosité, pour la rentrée. La vie des auteurs, même méconnus, n'est pas toujours un îlot de souffrance... CR demain, comme d'hab'.
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14/06/2012
Y'a mieux à faire.
Les avocats et les notaires, ces figures balzaciennes qui tripotent leur bouton de manchette d'un air repu, en se demandant, à la mine que vous faites, s'ils vont vous sortir les honoraires spéciaux: 500€ le sourire, 1000 la poignée de main. Je sais, c'est primaire - et injuste, vis à vis de pénalistes que je connais - mais ça fait du bien. Je n'en peux plus, ouvertement, de l'absurde d'une telle société qui met l'essentiel en souffrance pour que la comédie humaine profite. C'est une question de place: j'aurais voulu être garde-barrières et connaître la fin de mon métier, pour être une fois confronté à la question de savoir ce qu'il reste de ce que je suis quand je ne suis plus ce que j'étais.
17:57 Publié dans Blog | Lien permanent