05/12/2025
Le cap de la quarantaine.
J’imagine que les fans de la première heure, ou plutôt de la seconde, ceux qui ont fêté les 20 ans (et des poussières) du Voyage de Noz au Rail théâtre en auront eu pour leur argent, ce soir, au (grand) Radiant de Caluire, dans une salle copieusement garnie qui a rappelé que c’est le même groupe qui a un jour rempli le Transbordeur, en 1989. Pour fêter les 40 ans de la formation du combo - Lady Winter qui devint vite le Voyage de Noz - pour rappeler que deux des membres initiaux étaient encore là, le chanteur et le batteur, pour signifier également que les musiciens qui ont un jour quitté le navire se retrouvent vite et de nouveau embarqués en moins de temps qu’il en faut pour épeler le nom d’un groupe qui a longtemps été raillé, à Lyon, mais qui n’aura eu, au bout du compte, aucun équivalent dans sa façon de se réinventer et de raconter des histoires. Folles, démesurées, emphatiques, souvent, très littéraires, dès le début, dans ses emprunts à Lautréamont puis plus libérées, une fois les chimères du succès de masse effacées, toutes empreintes de l’imaginaire de Stéphane Pétrier. J’ai plus de soixante notes de blog qui leur sont consacrées, un livre, récent, qui a brillé par son absence sur les étals du marchandisage sans que le groupe ni moi-même n’en soient responsables. Bref. Hier soir, on a vu la grosse cinquantaine d’habitués se décupler pour remplir une grande salle, avec scène, éclairages et son idoines, et la capacité pour le groupe de s’ébrouer à … 14. Avec des musiciens qui se sont interchangés avec fluidité, avec la bonne idée qu’a eue Stéphane de ne pas les présenter à leur arrivée sur scène, pour ne pas alourdir les transitions. Il a peu parlé, de toute manière, parce que le jeu, c’était de présenter 2h30 de chansons, sur quatre décennies. La question du choix a dû être douloureuse, celle de l’organisation aussi: que faire, respecter une chronologie, piocher indifféremment dans toutes les périodes? Ils arrivent, le chanteur a troqué son, habituel t-shirt contre une veste élégante, il est classe, un peu tendu, le premier morceau - la mer monte? - se joue dans une pénombre organisée, un film défilant en arrière-plan de toutes ces années passées; on les voit jeunes, proches, complices, soit ce qu’on retrouvera pendant le show, avec quelques rides de plus, quelques cheveux en moins. Pas Stéphane, ni Henri; ni les filles - Carole, Samuèle, Nathalie - restées jeunes et belles. Ni Marco, l’éternel dernier arrivé. Ni Manu, ni Aldo, toujours fringants. Ni Éric, ni les Thierry, ni Christophe… Ok, bref, rien n’a changé, surtout qu’une fois Il semblerait que l’amour fut envoyé en deuxième titre, c’est un festival de vieux morceaux, sur une heure, qui a satisfait la fan-base, pas forcément les amateurs des albums plus récents, plus exigeants dans l’écriture. Stéphanie Kerr, Cameron Diaz, ça marche du feu de dieu, mais pas chez moi, c’est comme ça. Quant à Griffondor & Serpentard, c’est à peu près tout ce que je déteste, mais je me console avec le bel éclairage vert, qui sied parfaitement à l’homme qui ne mange pas les M&M’s de cette couleur. Je tique mais la foule est ravie, le groupe aussi, c’est donc, déjà, réussi. Il y a eu quatre bassistes, avec des jeux et des influences différences, trois guitaristes, deux claviers, une session cuivre, il y aura eu neuf musiciens en place sur plusieurs titres, une sacrée gageure. Mais puisque c’est ma mémoire à moi que je sollicite, dans vingt ans (et d’autres poussières), je me souviendrai du spectre sonore déployé sur la Tempête, 2e titre de Bonne-Espérance, leur chef d’oeuvre absolu, qui les fait passer dans une autre dimension. On regrette que les cardigans n’aient pas été ressortis, mais après Nous nous marierons, quand le groupe enchaine sur le climax Secret, sa reprise en chant par le public, on sait qu’on a atteint le sommet. Que l’heure qui vient comprendra des surprises, des absences, des morceaux étranges, une reprise de Manifesto, un Bagdad Disco Club déchainé, avec paillettes à foison. Un Train tant attendu, joué en mode rapide, presque scandé. Les musiciens s’amusent, sourient, on est à la fois dans la fête - l’anniversaire - et la conscience du temps qui a passé, de celui qui reste, littéralement, pour bien finir. Nous nous sommes tant aimés, disait la première chanson, c’est avec une nuit sans étoiles que Stéphane, assis en bord de scène, va clôturer le concert, avec cette chute tellement juste, à cet instant-là: À la vie, à la mort, tant que notre étoile brille encore, tant que je respire, alleeeeeez! comme cri primal et final.
Il faudra bien que Stéphane, comme aux César, remercie tout le monde - et ça en fait, sur 40 ans, mais le pic d’émotion, c’est quand Aldo a pris le micro pour remercier le public des ondes positives qu’il leur a toujours renvoyées, et remercier Stéphane, par définition jamais nommé, dans la présentation des musiciens. Il y a quelques larmes qui guettent, mais l’idée est de rester joyeux, de faire, une fois de plus, la nique au temps. Qu’on ne sache plus - l’album a été oublié - s’il s’agit du début ou de la fin, ou du début. Il préfèrerait annoncer la sortie de leur premier single, ou leur nomination à la Victoire du meilleur espoir, a-t-il dit tout de suite. De ma place, pas sûr. L’After, ce sont des gens qui se connaissent depuis 40 ans (ou plus) qui se retrouvent. Et qui remettent ça demain, en mode petit comité et bonne franquette, à la Casa Musicale, chez Lyne et Éric, l’absent le plus présent, hier. Lui ne respire plus, alors on le fait pour lui.
01:57 | Lien permanent






















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