Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

13/06/2012

Editions de l'Inoxydable.

Image 4.pngIl y aura donc deux façons pour vous, désormais, d'envisager la fortune: gagner à l'Euromillion ou espérer revendre, d'ici quelques années, à prix d'or sur E-Bay, la nouvelle au tirage très limité (69 exemplaires numérotés) que j'ai écrite pour le groupe Deuce, à l'occasion de la sortie de leur album "33, place bellecour". Un concept-album sur l'histoire de Marius Beyle, dont j'ai déjà parlé ici. Bon, ça va être dur, le groupe a beaucoup d'amis et la nouvelle ne sera distribuée que le 27 juin, aux Trois-Gaules, pour la présentation du bébé. J'aime bien aussi l'idée de la rareté et de la gratuité. Mais que ceux qui ne l'auront pas eue se rassurent: elle figurera dans le recueil de nouvelles qui paraîtra l'année prochaine.

17:18 Publié dans Blog | Lien permanent

12/06/2012

QUIZ-PAL.

TREQ.jpgPour les derniers résistants aux réseaux sociaux qui ne le sauraient pas, l'avant-dernier rendez-vous de la saison, autour du "Poignet d'Alain Larrouquis", vendredi, à la salle du Rabelais, à Meythet, juste à côté d'Annecy. Un rendez-vous en trois temps puisqu'il y aura, à 16h, à la Médiathèque Louise Michel, une table ronde animée par Thierry Caquais, avec les trois auteurs invités, dont j'ai chroniqué ici et ici les romans. Puis le fameux TREQ, qui m'intrigue: une série de questions en rafale sur les romans présentés, des équipes de 3 joueurs, trois équipes en demi-finales et la finale avec la participation des auteurs, en super-jokers. Tout cela promet d'être animé. Sauriez-vous, par exemple, sans tricher, me dire:

- Comment s'intitule le recueil de nouvelles que le personnage principal ramène de son exil forcé?

- A quelle date les nationalistes ont-ils pris le Col de Somosierra?

- Sous quel nom Paul Herfray réalise-t-il un exploit sportif dont personne ne prendra jamais connaissance?

- Comment s'appelle son psychanalyste?

- Quel est le vin préféré de Margot?

Je récupère les copies en commentaires, juste en dessous. Après le jeu, dîner à la brasserie le Jean-Marie Meythet, au cours duquel mon cirque ambulant interprétera, comme au Tramway, les chansons liées à mes romans et quelques extraits - sans Pauline, hospitalisée - de notre comédie musicale lycéenne.

Le 30, je serai l'invité de la (trop?) grande librairie Gibert, au Carré de Soie. 

L'occasion de rappeler à tous qu'il n'est pas interdit de passer me voir, ici ou ailleurs, d'amener des amis, de profiter des auteurs tant qu'ils ne sont pas encore totalement préfabriqués. Cet été, je passerai en mode écriture, musique et farniente. Avec les aphorismes de saison.

17:38 Publié dans Blog | Lien permanent

11/06/2012

Through the rocking glass.

Lorchestre-vide-193x300.jpg« l’Orchestre vide » est un court « roman » coupé en deux. Côté public et côté scène en sont les deux hémistiches, puisque la demoiselle est lettrée, tendance classique (il est question ici d’un travail universitaire sur Racine). Romance, pour le coup, correspondrait mieux, puisque l’auteur raconte sa propre aventure amoureuse avec un chanteur de renommée internationale, qui l’a élue, un soir de festival boueux, et pour qui elle a tout laissé tomber, menant une vie sans autres repères que des villes traversées de nuit, des motels et la réalisation, sous ses yeux, de scènes qu’elle n’avait vues qu’au cinéma, chez David Lynch, principalement. Claire Berest fait le choix du récit, les temps oscillent entre un passé pas encore composé et un présent de narration, on suit son abandon de muse post-punk. Le contraste est saisissant entre son parcours précédent et l’inconnu dans lequel elle saute à pieds joints (Docks comprises). La jolie jeune fille de bonne famille – qui met une robe de dactylo pour soutenir un mémoire que le professeur affairé finira par décaler – devient l’Alma damnée du chanteur, qui veut tout obtenir d’elle, jusqu’à la fusion absolue, jusqu’à lui demander d’écrire pour lui, de chanter pour lui et – climax  - de monter sur scène avec lui, affronter cette densité physique qu’est la foule, elle qui ne l’a connue que de l’intérieur. « John », lui, a cette particularité de tout dissocier, de ne jamais perdre pied : il est à l’opposé de la mythologie rock, ne boit pas, ne fume pas, baise quand même, mais toujours pour mener cet absolu plus loin, avec Alma. Il y a bien quelques bagarres, quelques chambres d’hôtel dévastées, mais les amants composent, et la relation, dans « Orchestre vide », est passée au scanner : c’est bien une radioscopie de l’histoire amoureuse que le livre propose, ce qui, à mon sens, en définit la limite. L’histoire est exceptionnelle en soi – c’est un des arguments du livre, « toute jeune fille rêverait qu’un chanteur de rock descende de scène et l’entraîne avec lui" - mais devient banale, in fine, dans le récit qui en est fait : une apogée, un déclin. L’écriture est juste quand elle touche au conflit des deux identités d’Alma : j’avoue que j’aurais préféré qu’elle reste sur le dilemme qui la noue, entre Racine et John. Qu’elle aille au bout de ce décalage. Des rencontres sont justement décrites, surtout quand elle échappe à John, le temps d’une balance : Sarah à San Diego, les couloirs de l’hôtel Ambassador et les ombres de Kennedy (Robert) et de Monroe (Marilyn), K’naan. A la lecture, l’impression grandit que c’est l’Alma française qui tient le récit, pas forcément celle qui s’enthousiasme, jusqu’à la fin, des figures qu’elle croise : Vincent Gallo, Yoko Ono, Radiohead, PJ Harvey…  Le name-dropping, une fois la surprise partagée, ne sert pas l’histoire et, à mon sens, la partie « Côté scène » est moins réussie que la première, même si le moment où Alma réussit à lâcher le micro est bien senti. C’est aussi la limite, pensais-je à la lecture, de l’histoire d’amour qu’on veut raconter : elle a beau être incomparable, elle se heurte à la reproduction du genre. A l’énonciation. Prend le roman comme prétexte pour parler de soi. Un amour de soi, écrivait Doubrovsky.  Les chansons écrites pour John, intégrées dans la deuxième partie, ne m’ont rien apporté et ont heurté ma lecture : question de culture, sans doute. J’aurais préféré que « les yeux dans le théâtre de Racine » - sujet odieusement volé à l’auteure juste avant qu’elle le dépose – collapse avec le regard croisé du démiurge et de l’élue, qu’elle pousse la genèse plutôt que d’être exhaustive dans l’historique. Ou que l'auteure aille au bout de sa perception de "la route", quand elle en dit qu'elle est belle mais qu'elle "pose la question de l'existence elle-même". Reste que « l’Orchestre vide » est remarquablement écrit, d’une facture très classique, comme les Lettres de l’auteure. Que certaines scènes sont magnifiques, comme quand, retournée dans sa ville, revenue à un bout d’identité, Alma attend John sur les marches d’un commissariat sans savoir quand et même si il en sortira. Quand le livre s’achève sur une fin (belle tautologie) et un dévoilement. Les amateurs de rock plus jeunes que moi aimeront le côté branché du livre, ils n’auront pas beaucoup d’efforts à faire puisque rien n’est caché : les noms des artistes, des groupes qu’on croise, les dates des festivals, même le titre de l'album (Secret house against the world) que Alma offre à John, tout cela permet de savoir de qui on parle, même si l’essentiel n’est pas là. La question que je me pose, c’est celle de l’intention du roman, son acception même. Mais bon : At the end of the day, it’s only rock’n roll.

09:40 Publié dans Blog | Lien permanent

10/06/2012

Vieux con.

Qu'est-ce qui les motive, ces deux gamins qui se roulent un joint en pleine rame de métro, au vu et su de tout le monde, comme les deux affranchis qu'ils rêvent sans doute d'être, sans être allé au bout du film parce qu'un film de cinéma, c'est trop long? Je meurs d'envie, sur le moment, de les reprendre, de leur dire que ce qui me choque, ce n'est pas qu'ils fument des joints, mais qu'ils balancent ouvertement le filtre de la cigarette par terre et que, évidemment, ils allument leur trophée dans la rame, sans attendre d'être dehors. Cette morgue, cette incivilité, cette absence notoire de ce qu'est le politique, le lien social, cette envie d'en découdre avec l'autorité uniquement pour son petit confort personnel, tout ça me tourmente: j'ai la conviction qu'ils construisent eux-mêmes une société qui ne voudra pas d'eux et qui fera qu'on se méfiera de tout le monde. Pire, ce que je leur reproche, c'est le silence que j'ai finalement gardé. Le même qu'à la sortie de la station, quand j'ai croisé deux des candidats à l'élection, que je n'ai finalement pas interpelés, de peur qu'ils me prennent pour un vieux réac'. Qui aurait exprimé sa frustration dans les urnes. Honnêtement, aujourd'hui, juste après cet épisode, je suis allé voter par habitude. Avec lassitude.

18:37 Publié dans Blog | Lien permanent

09/06/2012

La vieillesse des perruches est un naufrage.

Je ne comprends pas: il s'est à peine passé une trentaine d'années entre ces deux voyages avec mon oncle, le premier pour ramener ma grand-tante dans sa maison de retraite après le repas du Jour de l'An et le deuxième, cet après-midi, pour l'amener lui dans son avant-dernière résidence. J'ai eu envie de libérer les perruches du salon d'en-bas puis me suis souvenu que les perruches, livrées à elles-mêmes, ne survivent pas. Et que mon oncle a toute sa tête et son (fort) caractère. On ne fait vraiment que passer, c'était la platitude du jour.

18:54 Publié dans Blog | Lien permanent

08/06/2012

Found in translation.

Ça y est, c’est reparti. Il a fallu que j’assiste, hier, à la librairie du Tramway, à la présentation par Sophie Benech de ses éditions Interférences pour me redonner le goût à l’écriture de mon roman russe. Sophie Benech est éditrice parce qu’elle est traductrice, et vice-versa. Elle traduit le Russe et l’Anglais pour Gallimard, Corti ou Actes Sud et édite pour elle et pour les amoureux de la langue des livres qui l’ont marquée, qu’elle aurait voulu avoir dans sa bibliothèque. Elle a traduit Chalamov, les récits de la Kadyma, on lui a confié tout Isaac Babel. De quoi entendre parler de la difficulté de dire les mots des pogroms et des voyages à Odessa, de quoi se dire, également, que ce petit bout de femme a eu une vie de rêve, passée d’un placard de standardiste à l’Ambassade de Moscou au travail de traduction en compagnie de Jacques Rossi, pour « Qu’elle était belle, cette utopie ! ». Je me suis senti parfois un peu de trop dans ces échanges russophiles, mais curieusement, l’envie d’y apporter ma touche à moi a décuplé: mes mots sur les pogroms, mes mots sur l'arrivée à Odessa des familles Kreit et Bolotnikine. Sans doute parce que seule l’ignorance – et son corollaire, le travail – permet à l’écrivain (de romans) d’assumer sa propension à l’usurpation. Un autre sujet.

18:18 Publié dans Blog | Lien permanent

07/06/2012

Le syndrome de Perdican.

Il est  incroyable qu’une des plus grandes définitions du mystère amoureux soit attribuée à un faussaire de génie ! Alfred de Musset a sans doute rêvé d’écrire ce qu’il fait dire à  Perdican dans « On ne badine pas avec l’amour », mais ces mots-là, il les doit à George Sand qui les lui a adressés, dans une lettre. Rendre public ce qui devait rester privé, c’est un des privilèges de l’écrivain puisque par son prisme,  les réalités se transforment en fiction, voire en dialogues. Il n’empêche, la dichotomie homme/femme que Perdican assène à Camille qui minaude, c’est encore du romantisme, mais c’est un romantisme à l’épreuve, puisque tous ces adjectifs qui s’opposent puis se complètent rejoignent l’antiphrase – autant que la malédiction, du proverbe.

Hommes

Femmes

Menteurs

Inconstants

Faux

Bavards

Hypocrites

Orgueilleux

Lâches

Méprisables

Sensuels

Perfides

Artificieuses

Vaniteuses

Curieuses

Dépravées

On pourrait même penser que Musset fait preuve de galanterie en n’octroyant que cinq défauts aux femmes contre neuf aux hommes, mais puisque la tirade vient de Sand, la charge est rude, et l’argumentation à venir partielle : on ne peut considérer ces réquisitoires indépendamment de ce qui fait basculer la tirade, « l’union de ces deux êtres si imparfaits et si affreux », qui réfute les défauts rédhibitoires pour  les éclairer de leur compatibilité. Pour être plus clair, on peut, au regard de l’autre, équilibrer ses propres défauts en lui permettant de valoriser ses qualités. Ainsi, le charme agit, et l’on en oublie assez vite qu’il s’agit d’un ensorcellement : le syndrome de Perdican, c’est de vouloir se convaincre qu’un choix délibéré peut lutter contre l’évidence. Il aime Camille mais veut se persuader qu’il aimera Rosette autant qu’il aime Camille. L’édifice du mensonge est en place et les incidences qui suivront seront toutes marquées de cette auto-conviction. Jusqu’au bord de la tombe, alors, pour une ultime damnation, ou jamais, mais alors pour les salauds (en sens sartrien, parce qu’ils n’ont rien fait de mal !).

18:05 Publié dans Blog | Lien permanent

06/06/2012

Les roannaiseries du promeneur solitaire.

IMG_0868.jpgChristian Chavassieux s’ennuie et marche. Mais il ne marche pas pour ne pas s’ennuyer : il n’a rien plus en horreur que l’activité vaine. Alors, quand il marche, il lit. Et quand il écrit, ce qu’il ne peut faire en marchant, il convoque les souvenirs qu’il avait, enfant, quand il arpentait les rues d’une ville qui n’était pas encore la sienne, mais qu’il vient de préempter avec force et maestria, via « J’habitais Roanne », un ouvrage dont je signale tout de suite qu’il est essentiel aussi à ceux qui n’y habitent pas. Une somme conséquente, érudite jusqu’à l’érosion, ponctuée de notes qui pallient ce que le rythme du récit ne supporterait pas. Un roannais y retrouvera une géographie exhaustive de sa ville, reprenant toutes les œuvres parues sur elle et dessinant un travail de recherches titanesque. Un étranger - comme on l’est parfois d’une ville dans laquelle on est né mais qu’on n’a pas regardée – s’arrêtera sur l’entreprise, auturbographique, pour inventer un mot. Daniel Arsand, en quatrième, appelle Gracq, Sand ou Colette pour désigner ce désir absolu d’intégrer les lieux de sa mémoire dans l’œuvre en train de se faire. C’est à Nizan pour sa « présentation d’une ville » (Bourg-en-Bresse) ou pour « le Cheval de Troie » (Villefranche-sur-Saône) et à Rousseau que la lecture de cet opus m’a renvoyé. Nizan pour la précision entomologiste des strates de la ville : Roanne, ville ouvrière, sombre et abandonnée, qui recèle en son sein, néanmoins, des énergies et des humanités incroyables. Qui ne se révèlent pas seulement, nous dit-il, une fois qu’on en est parti. « La petite mère a des griffes », disait Kafka de Prague : Chavassieux manie l’enthymème – je sais qu’il y tient – part du principe qu’il faut des perdants qui y restent, dans cette ville. A lire son travail, on se demande bien quelle est la tête des gagnants, et on se convainc, avec lui sans doute, qu’il y a bien des perdants magnifiques. La balade historique qu’il nous offre en 290 pages est un leurre : il dira tout de sa ville, hors ce qu’on en sait déjà – son choix d’éluder les lieux les plus connus est éloquent. Mais en filigrane, c’est une mémoire qu’il reconstitue, la sienne. Le genre autobiographique est une entreprise difficile, qui ne supporte pas les miasmes de l’orgueil. Pas une seule fois dans ce récit, dont les noms de places et de rues m’échappent et auraient pu me lasser, je ne me suis ennuyé, tant la force du J’, puisqu’il le préfère au Je, est grande : on a l’impression que défilent sous nos yeux de lecteur des époques et des figures, on attrape, ici et là, quelques noms connus dont il ne fait pas la publicité : pas le genre de la maison. Qu’il associe à d’autres, dont les locaux se rappelleront, que lui ravive, en tout cas, pour qu’aucune forme d’oubli ne soit possible autrement que par paresse. Chavassieux, dont je connais l’exigence, ne rate rien : pas un pan d’histoire ou d’anecdote, pas une analogie à un siècle d’écart (la perception de la ville par Simone Weil, ses engagements, cent ans, peut-être, après Flora Tristan). Il provoque – pour « faire venir », dit-il – digresse, intègre chapitre après chapitre un quartier, une période, qu’il mêle à ses mémoires, puisque l’exercice est celui-ci. On le voit passer de l’enfant rêveur aux semelles de Gitane - qui délivre les chèvres du piège d’un grillage ou qui s’offusque, dans une scène aux mots à tomber, du racisme qu’on a bien dû inculquer aux êtres dans lesquels il ne se reconnaît pas – au jeune homme qui séduit la future mère de ses enfants au sein d’un collectif d’artistes, dans la maison de la Turne. Aucune mélancolie, pour autant, sinon le juste bilan d’un homme qui a passé la cinquantaine et qui veut s’excuser du peu qu’il a fait mal (« C’est peut-être pour cela que je l’ai revue, que je l’ai aimée : dans le même désir de la faire rire éternellement. Elle l’aurait mérité. Le paradoxe est que je l’ai tant fait pleurer. ») Mais qui a tout tenté : dessin, animation, festival de SF, cinéma, poésie… Avant d’en arriver à la littérature du calme, celle de la maison à l’extérieur de Roanne (d’où l’imparfait du titre), de son Clos. Il remonte, cycle après cycle, ce qu’il appelle « la noria de sa vie », construit son trajet « vers la clarté », dit-il. L’écriture est retorse, se cache derrière son impeccabilité lexicale et syntaxique. Comme dans ses romans, dont il délivre dans « J’habitais Roanne » et le processus d’édition et l’importance topologique, elle ne se laisse pas conquérir sans abandon. Sans rêverie, puisque, à l’instar des chats et de Jean-Jacques, c’est aussi un genre qu’il affectionne. On se promène donc dans Roanne, c’était voulu, avec ce livre-là, mais on aura vite oublié la fonction référentielle de l’ouvrage – sauf à y replonger par besoin – et gardé sa visée pointilliste. La réminiscence, des peupliers noirs et des Cèdres du Liban du Lycée Jean Puy, le rapport au fleuve omniprésent, « chat obèse alangui ». Ce n’est pas à un helléniste qu’on va apprendre qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même cours, et que – puisque les parents de Barbara ouvrent quasiment l’ouvrage – « on ne devrait jamais revenir au temps béni du souvenir ». Sauf, comme dans « J’habitais Roanne », quand on s’y attelle avec l’apparente impavidité du chercheur. Trompe l’œil, et le bon.

J’interrogerai Chavassieux sur la portée sémiologique de sa première personne, qu’il relègue toujours derrière d’autres. Mais je dois dire, en dehors de toute amitié, que ce livre m’a époustouflé : par sa rigueur, par l’entreprise elle-même, qui surprend même son auteur au fur et à mesure que le livre, comme le piéton, avance. Atteint son but. J’ai lu ce livre en étranger et pourtant y ai retrouvé, dans un mode différent, la mémoire reconstituée qui préside ma propre nécessité d’écrire. Je ne lirai que plus tard, demain, un autre jour, les préfaces et postfaces qu’il affectionne et que – déférence gardée envers ceux qui les ont écrites – je n’aime pas. Reprendrai, puisque la permanence est là, également, l’étymologie de « éponyme », que j’aurai donc mal utilisé dans « Marius Beyle » : ça tombe bien, il est toujours temps d’apprendre et de se corriger. Et méditerai longtemps ce contre-hamlétisme quinquagénaire : « Il faut parfois, une vie entière, accepter de n’être que ce que nous sommes. »

"J'habitais Roanne", Thoba's Editions, 19€

photo: autoportrait de l'auteur en marche, collection privée.

10:40 Publié dans Blog | Lien permanent