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23/12/2019

Deuils & Travaux.

"AK, tu sais, c'est déjà du passé. Terrible et nécessaire mort instantanée des ouvrages qui ont tant coûté à leur auteur." m'a-t-on écrit, hier, sans doute pour que je ne prenne pas trop à coeur les quelques vexations liées à sa diffusion. Mais AK, c'est aussi, comme vient de le diffuser le site "Lyon-Demain", l'occasion de connaître, "enfin", la véritable histoire d'Aurelia Kreit. Et pour l'instant, ça suffit à mon bonheur. Et visiblement à celui de ceux qui se sont intéressés à elle.

 

 

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22/12/2019

La règle des trois.

aureliamumu.jpgJe m’étais fait la réflexion, en construisant Aurelia en trois parties, comme on fait une dissertation. Avec le sourire, qui plus est, parce que, généralement, les plans que je fais de mes romans, je les perds ou ne les respecte pas. Et puis dans le beau retour* que m’a fait cette nuit le Président de Filomer, à Sète, auteur, libraire et gros lecteur - il se réjouissait d’interviewer Hubert Haddad en octobre, ayant lu toute son œuvre et a fini par… le remplacer, pour que la rencontre ait lieu, suite à la défection de l’auteur – cette remarque m’a fait m’interroger sur le thème du trio, récurrent sans que je m’en rendisse compte, au préalable. Dans « la partie de cache-cache », il est évident, et fonctionne sur la base tragique de l’aimée, de l’amant et de son rival, fussent-ils, tous, âgés de 11 ans ; dans « le Poignet d’Alain Larrouquis », le velléitaire Paul Herfray fait face aux deux héroïnes rohmériennes, Margaux et Solène ; dans « Dom Juan », il est nécessaire à la dramaturgie et la scène finale ne peut que comprendre le personnage central, la femme dont il veut se faire pardonner et le Commandeur dont il veut se venger… Dans « Aurelia », outre la construction, le récit s’est construit sans que j’en fisse une priorité, mais ce sont les lecteurs qui font cette remarque. Et l’influence de « Jules & Jim », celle de « la Conspiration », tout cela remonte, en sus des questions qu’on se pose toujours sur soi, celui qu’on est, celui qu’on voudrait devenir et celui que l’on devrait être.

* "Je me doutais depuis le début qu'Aurelia elle-même serait toujours présente en filigrane dans le livre pour n'apparaître en pleine lumière qu'à la fin et en effet elle annonce une belle suite... Car cette infirmière ne peut pas s'arrêter là (...).. Je reste subjugué par la maîtrise de tes personnages de bout en bout... Ils se surpassent, comme toi... Je connaissais à peu près bien une partie de ton oeuvre mais là c'est une autre histoire... Tout y est, y compris les faits historiques, les détails techniques ou scientifiques et même au niveau de la psychanalyse c'est vachement bien traité... Toujours en souplesse avec une belle dextérité. On retrouve même un peu de la problématique de la gémellité... (…) Je te trouve très habile dans tes articulations et tes ellipses, et je suis ébahi par ton rythme, une vraie musique que l'on entend de bout en bout sans jamais faiblir, c'est ça la grande force de ton roman... A la fin, on en attend encore, comme si tu en avais gardé sous la plume... Autre chose: bien aimé ta manière de gérer les trios de personnages, c'est presque systématique et chaque scène pourrait ainsi être théâtralisée... J'ai vu ce que tu avais lu (biblio) et c'est effectivement lisible: on sent bien que chaque sujet même s'il fait 3 pages a été soigneusement peaufiné et enrichi auparavant... (…) Bien aimé ton traitement de la judéité, sans insister, mais c'est le fil du roman avec l'âme slave en toile de fond...Bref, triste de quitter Aurelia à qui je souhaite longue vie... Il va rejoindre les autres Cachard entre Butor et Calaferte...Après c'est Camus et Carco..."

NB - en photo (©Muriel Jacobi), les trois pans de l'histoire d'Aurelia Kreit : le violon, sa marque de fabrique, le disque qui a mis trente ans à sortir et le roman, qui la raconte.

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15/12/2019

A bout de forces.

es.jpgQuand j’ai poussé la porte de la pharmacie, mardi dernier, éreinté et aphone, j’ait dit à l’apothicaire que j’avais deux conférences – pour faire simple – à mener en une semaine et qu’il me fallait des produits qui requinquent. La première, c’était une A.G au cours de laquelle j’ai tenu le micro deux heures durant, un exercice que je connais, mais qui s’accommode mal des us et coutumes associatifs que j’ai souvent envie d’envoyer paître – c’est dit. La seconde, aujourd’hui, en fin d’après-midi, était beaucoup plus aimable, dans tous les sens du terme. A l’invitation d’Etienne Schwarcz, cet artiste que j’admire par son travail et son humanité, j’allais parler de Aurelia Kreit et de mon travail d’écrivain des artistes dans une belle galerie du vieux Montpellier, l’[ES] Art Factory. Laquelle regroupe, pour ce mois de décembre, douze artistes éclectiques qui exposent conjointement. Elle est grande et longue, cette galerie, j’y suis reçu chaleureusement et on me prépare un espace et un thé au jasmin. J’ai pris le temps d’arriver en avance, je circule entre les tableaux et les sculptures, repère, d’entrée, l’œuvre que je pourrais acheter et que, de fait, dans le rapport émotionnel qui lie une œuvre d’art et un amateur, relié – c’est important – à l’accessibilité de la dite œuvre, j’achèterai. Du monde entre, je me dis qu’ils sont venus, à l’invitation d’Etienne, pour moi, mais non, en fait, ils repartent. Je sais depuis dix ans qu’il ne faut pas se focaliser sur le nombre, et des têtes connues arrivent en soutien, en emmènent d’autres, inconnues, en renfort. J’apprécie que Michaël Glück soit passé, en voisin, sur les conseils de Frédérique Germanaud : on ne se connaissait que virtuellement, mais le lien est fait, désormais. Le reste pourrait ne concerner que les présents, mais ma voix qui lâche, la lecture qui hésite, faiblit, tout ça n’était rien, au regard de la rareté de ces moments : la vraie force est dans l’ensemble des faiblesses, je parle des thèmes du roman, de façon décousue, comme si, pour la première fois, je n’en pouvais plus. Comme si l’épuisement des dix années passées à le concevoir me rattrapait, d’un coup. Mais il y a une espèce de miracle, parce que les visages sont concentrés et attentifs ; tous essaient de suivre, comme s’ils y trouvaient quoi, un effet-miroir, quelque chose qui leur parle ? Je suis exténué mais je suis bien, et les choses se font, naturellement, dans la lignée de ma (vraie) rencontre avec Etienne. Je signe des livres quand la séance est passée, on me dit qu’Aurelia partira, pour les fêtes, au Québec, en Guyane. On vante le rouge de la couverture, c’est une petite victoire, aussi. Il y a Christine, mon amie de trente ans (quasi), un Fabrice avec qui j’ai partagé cent concerts lyonnais des 80’s, mais pas Aurelia Kreit, des amies et des inconnus, qui auront entendu parler de ma petite héroïne. Mille raisons de se dire que la semaine à venir va être longue, mais mille et une autres de se rendre compte du pouvoir de la Beauté. Celle des gens, celle des instants.

Photo: ES

 

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14/12/2019

L'adieu aux arbres.

cofatorelia.jpgCe lieu de mon enfance, réinvesti par ma soeur, je n'y ai pas mis les pieds durant toute la durée des travaux, refusant d'en voir la moindre image, me détachant - contraint et forcé - des relations amicales de voisinage pendant un an et demi. Contrainte barbaresque ("j'ai eu tort, je suis revenu"), mais joie certaine de savoir qu'elle durera, cette adresse, même si les murs ont changé. Je leur avais dit adieu, à l'été 2018, ainsi qu'aux arbres, on ne se refait pas. J'étais parti terminer ce roman qui m'a pris une partie de ma vie - et dont je parle demain, à Montpellier - absolument silencieux et seul comme on me l'avait conseillé vingt ans avant. Cet hiver, au coeur d'une période que je déteste au plus haut point, j'y reviendrai, enfin, découvrirai un endroit que je sais splendide et chaleureux, dont on sait qu'il hébergera la suite de l'histoire familiale, jusqu'à épuisement. Pour le moment, la récipiendaire a eu ce geste symbolique; grande lectrice, à l'imposante bibliothèque, elle s'est fait faire des rangements sur mesure et a tenu parole, sans que je l'influence : le premier livre qu'elle a sorti des cartons, c'est le mien, le dernier, celui que la place a vu naître, dans une mécanique dont j'ai déjà traité. Le début, la fin, le début. On y revient, dans l'analepse.

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09/12/2019

Senza Ritardando.

mourotte.jpgQuand j’ai fait le voeu, il y a près de huit ans, déjà, de ne plus avoir de véhicule personnel, je ne me doutais pas que les hasards du covoiturage me serviraient autant. Non que ce ne soit dépourvu de contraintes, mais quand même, ponctuellement, il m’arrive des choses qu’on jugerait peu plausibles dans un roman : j’ai déjà raconté ici la discussion que j’ai eue un jour, entre Toulouse et Lyon, sur le mutisme sélectif qui frappait et la petite de mon conducteur, et Aurelia, à Vienne ; le voyage entre Lyon et Sète avec un psychanalyste amateur de basket-ball comme je pensais qu’on n’en trouvait que dans « Le Poignet d’Alain Larrouquis ». Et aujourd’hui, cet homme souriant et accueillant, qui protège un étui longiligne au moment où l’on rentre les bagages dans son coffre et qui doucement, dans la conversation qui s’installe, glisse qu’il est musicien (on l’avait compris), mais pas seulement : il est premier violon au sein du Quatuor Debussy (tiens, le Clair de Lune de ma Girafe lymphatique), va donner un concert à Narbonne, intervenir dans une école la veille. On parle de Haydn, de Chostakovitch, des chapelles entre le Baroque et le Classique. Je tente de ne pas être trop ridicule, me souviens d’une ou deux notions de piano extraites de mes romans (je lui dis, à lui aussi, que j’aime trop la musique pour tenter d’en faire) et de quelques portraits récents. Il y a une flûtiste dans Tébessa, un guitariste dans Paco (sic), un contrebassiste dans une pièce de théâtre à venir et une violoncelliste dans celle qu’il me reste à écrire. Et un concert à voir, au Radiant, en janvier, du coup.

Photo: "Littérature & Musique", Galerie le Réalgar, 2014.

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04/12/2019

Portrait d'un homme de l'Art.

Portrait Etienne-page-001.jpgA l'invitation d'Etienne Schwarcz, je présenterai "Aurelia Kreit" et mon travail d'écrivain des artistes le dimanche 15.12 à 17h à l'[ES] Art Factory.
Etienne, je l'ai rencontré lors de l'exposition collective "Où va la Colère? L'Histoire des vainqueurs", à l'Open Space de Sète, en septembre 2018. J'en avais fait le portrait, comme des autres exposants. Je le livre ici à la lecture.

 

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24/11/2019

Têtard superfétatoire*.

coco.jpg

Drôle d’impression. J'ai dédicacé ce matin l’ensemble de mes livres à une personne qui a montré suffisamment de curiosité à mon égard pour les acquérir tous, ou presque. Mes proches, récemment, m’en ont fait le reproche, gentiment : leurs exemplaires ne sont pas signés non plus, à force de se dire qu’on fera ça plus tard, et pas dans la librairie, quand d’autres personnes attendent. Je viens donc de mettre ma marque, longuement, posément, sur chacun des ces ouvrages publiés depuis 2008, j’ai remonté l’enthousiasme, l’illusion et son corollaire, le fatalisme. J’ai pu expliquer que le 3e, en fait, était terminé avant le 2e mais qu’il m’avait permis, le 3e, de le terminer, le 2e. J’ai retrouvé des expressions propres à chacun des livres, la parole retrouvée pour Gérard, l’écueil du stream of consciousness pour mes enfants du Berry, la Moutète pour le PAL. J’ai écrit, sur les pages de garde, que la nouvelle éponyme de mon recueil était sans doute ce que j’avais fait de mieux, jusqu’à Aurelia. Que la Girafe était mon préféré, pour sa genèse et le rôle du portrait, un parmi les cent qu’il me reste à dévoiler. A chaque fois, pourtant, me revient ce gag d’Achille Talon, qu’il me faudra retrouver dans l’intégrale : un lecteur écrit méthodiquement aux Editions Pilote, nous raconte le héros, en quatre vignettes, sur fond neutre, que le dernier album paru n’est pas le meilleur de la série. Relevant ainsi une douce absurdité autant qu’une confiance quasi-aveugle. Et me dit que cette malédiction-là est bien agréable : dans ma vie d’écrivain, j’aurai trouvé, je le jure, à chaque fois, quelqu’un pour me dire que de tous mes romans, l’un était, sans barguigner, le meilleur de tous. Et même dans le recueil de nouvelles, j’ai eu à chaque fois un lecteur préférant telle nouvelle aux cinq autres, alors…

J’attends des nouvelles des rencontres autour d’AK ; pour beaucoup, elle est encore coincée à Vienne, pas forcément pour de mauvaises raisons. C’est ainsi : ça permet de réapprendre la patience.

* expression talonienne, qu’un grand avocat du barreau de Lyon continue d’utiliser à mon encontre, affectueusement, près de trente ans après…

 

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20/11/2019

M.Sudoku.

Ainsi donc, tu auras réussi l’exploit d’être aussi décevant que je préjugeais que tu le serais, chapeau! Pour autant, je ne te félicite pas, parce qu’il y a quand même quelqu’un qui souffre de t’avoir cru. Je continue de penser, tu permets, que tu n’étais pas à la hauteur - on a dit pas le physique! - de ta prétention, juste à celle de ta petite entreprise de manipulation. La pire, celle des faiblesses, des peines des autres. J’ai toujours éprouvé la plus profonde aversion pour les rapaces. À l’époque, je l’ai écrit, avec violence. Là, il n’y a plus que mon mépris qui parle. Parce que tu as fait croire et que tu t’es rétracté. Ah, là, je te vois, dressé sur tes ergots, jubilant : tu t’es rétracté aussi ! Oui, mais la différence notoire entre toi et moi, c’est que je ne suis pas venu profiter de la ruine d’une histoire pour me faire valoir. Je ne me suis pas vengé de mes petites frustrations en passant derrière, ça n’est ni mon genre, ni mon habitude. Alors tu objecteras, encore, que c’est le lot des histoires humaines, des séparations. Et tu retourneras à ta petite vie rationnelle, tes copains du foot et tes soirées en boîte, chemises ouvertes sur les torses méditerranéens. Tu n’auras plus de contingences, parce que tu te libèreras aussi prestement de celles que tu avais promis d’endosser que du lien – ou l’illusion du lien - que tu avais fini par créer avec celle qui t’a cru. Que je conjurais de ne pas te croire, parce que la genèse même de cette histoire était viciée, générée sur la négation d’une autre, beaucoup plus grande que tu le seras jamais. On a dit pas le physique…

Tu n’es rien et n’as jamais rien été. A terme, tu ne seras rien pour elle non plus, et toi, tu arboreras ton petit trophée de chasse, avec tes potes, une fois l’argent du notaire récupéré, tes petites habitudes reprises, tes feuilles de Sudoku remplies. Je me charge de la permanence, tu n’es pas de taille (décidément) ; j’irai la chercher de très loin, en victime collatérale de tes dégâts, mais je pars aussi de ce que tu ne connaîtras jamais : un ancrage humain, une force de l’esprit, un lien qui, à la fin, me permettra de me dire que j’ai continué d’aimer ceux que j’ai aimés, jusqu’au bout. Toi, quand tu seras sur le bord de ta tombe, comme l’écrit Musset, une seule chose est sûre : tu ne tomberas pas de très haut, mais ça n’est pas glorieux. Et du tréfonds de l’oubli, nous serons au moins deux à te regarder de haut. Avec la mollesse d’un jeune éléphant. Ou d’une Girafe lymphatique.

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