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07/02/2015

Nouvelle Vague.

Un constat d’échec, c’est déjà un constat, une lucidité. Supérieure à toutes les illusions qui se créent, partout ailleurs, dans le même temps. C’est l’acceptation d’un état, l’arrêt de toute activité, la suspension du temps, dans un entre-deux au cours duquel interagissent l’acrimonie et puis la honte (déjà dans « Au-dessus des eaux & des plaines »).  Irrépressible sentiment de honte, la sensation d’avoir agi contre l’humanité, le besoin de disparaître aux yeux du monde, d’excuser sa prétention. Et puis, pas à pas, l’assurance qui revient, la raison, aussi : le travail à fournir se dessine plus nettement, l’intention est plus juste, le schéma devient évident. Il reste l’élan à trouver, le juste milieu entre le renoncement et l’exaltation. Un signe.

13:59 Publié dans Blog | Lien permanent

06/02/2015

Lady Boom Boom.

J’avais prévu de lui dire que mon appartement n’avait pas vocation à devenir le caisson de basse de la musique électronique dont elle s’abreuve quotidiennement, que d’entendre le rythme sans la mélodie pouvait générer de graves désordres mentaux, qu’on n’a pas à subir ses choix artistiques ni même à savoir exactement à quelle heure elle rentre, quel jour elle ne travaille pas etc. J’avais prévu une diatribe morale sur le vivre ensemble – puisqu’Aristote s’appelle Charlie, ou François, maintenant – sur les droits et le devoir de chacun dans un collectif, j’avais même imaginé déposer un papillon dans sa boîte à lettres, lui réserver un de ces regards John McEnroe/Ivan Lendl que je maîtrise à la perception,  ou jouer du pathos, rappelant que si j’avais quitté le Bukowski du 3ème, à mon ancienne adresse, ça n’était pas pour me retrouver avec Laurent Garnier à la nouvelle... Et puis ma voisine du dessus, Lady Boom Boom, a sonné chez moi, hier, pour me demander si mes fenêtres étaient bien isolées, et son allure bondissante de sauterelle hollandaise - déjà entrevue sous l’écharpe, le bonnet et le vélo d’Amsterdam -  m’a laissé coi.

09:50 Publié dans Blog | Lien permanent

05/02/2015

Félin (pour l'autre).

On prêta au chat de Mishima un goût plus prononcé pour le Sheba que pour le Seppuku.

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04/02/2015

Métempsychique.

On appelle ça la sagesse pour se rassurer, mais c'est bel et bien la conscience aiguë qu'on ne revivra pas les belles choses qu'on a vécues qui progresse avec l'âge. Puis celle qu'on n'aura pas forcément le temps de profiter de celles qu'on se créé, encore, avec un peu moins d'énergie à chaque fois. A moins que l'Après-vivre ne soit qu'une vaste bibliothèque à l'ancienne, avec ses longues tables de chêne, je ne vois pas de raison valable d'attendre le lendemain.

15:21 Publié dans Blog | Lien permanent

03/02/2015

Où le vent vagabond se repose.

Il y des personnes qui, par goût, par prudence ou par calcul, arrivent à échapper à l’irréversible mouvement de la Toile. Des gens simples, qui n’aspirent qu’à la tranquillité et recréent, par leur discrétion, la finalité de toute société civilisée, fût-elle virtuelle : qu’elle nous apporte la paix, voire qu’elle nous la fiche. Pas de création référencée, sur les multiples plateformes dédiées, pas d’ambition d’écriture, d’analyse, pas d’aspiration à la popularité, un nom plutôt commun et c’est fait : on n’existe pas, autrement que par ce qu’on est. Le Googleisme n’est pas un humanisme, on s’en doutait. Mais quand la recherche nous tente, une fois encore, quand on s’attend, depuis tant d’années, à la même absence de résultats, sans possibilité de savoir, simplement, si celui ou celle à qui l’on pense est encore vivant(e), qu’on écrit le nom juste pour se convaincre qu’il a existé et qu’une photo apparaît, inédite, récente, montrant la personne sous un jour différent, la Toile annonce une image mentale qui changera, elle aussi, les quelques fois, encore, où l’on se demandera ce qu’elle est en train de faire, où, avec qui et comment. Toute cette énonciation visuelle soudain métamorphosée par une action qu’elle n’a sans doute ni souhaitée, ni validée.

18:06 Publié dans Blog | Lien permanent

02/02/2015

Politiques urbaines.

Je reverrai mes priorités quand les vôtres iront dans le sens inversement proportionnel à celui qu’elles font peser sur les miennes, s’excusa le Président du PNDPA. Le Parti National des propos alambiqués.

17:55 Publié dans Blog | Lien permanent

01/02/2015

Les ateliers Divonne (1).

divonne.jpgL’ambiance était proche de "Shining", quand l’écrivain que je suis a fini en stop le dernier tronçon qui va de Jex à Divonne-les-Bains, vendredi soir, après plus de deux heures et demie (au lieu d’une) dans un car qui a fini par faire demi-tour. Deux heures et demie pendant lesquelles, néanmoins, j’ai conversé avec une compagne d’infortune déjà rencontrée au cours d’un « Littérature & Musique », deux ans (déjà) avant. Littérature, psychanalyse, choix de vie, les moments sont beaux quand ils s’imposent d’eux-mêmes, et je n’aurais presque pas râlé si je n’avais, au final, mis cinq heures pour rallier, de Lyon, la petite ville thermale complètement couverte de neige, dans un paysage lunaire. Je me demandai, en intégrant ma chambre d’hôtel ("Shining", je vous dis), si les candidats aux ateliers d’écriture que Nicolas Couchepin et moi-même animons conjointement pour Lettres-Frontière allaient venir, mais les montagnards ne sont pas les Lyonnais, et rien ne les arrête. Nous avons donc ouvert ce premier (et double) atelier commun avec tous les participants, qui se saisissent vite de la disposition des lieux (une table en U, un paperboard au centre) pour raviver des souvenirs scolaires un tantinet attentistes. Heureusement, ni Nicolas ni moi ne souhaitons donner dans le magistral, et le premier exercice, puisque le thème est « Ecrire son identité », des deux côtés d'une frontière commune, consistera à interviewer un binôme choisi parce qu’on ne le connaît pas, puis rédiger un plaidoyer pour que le groupe l’accepte. Passer dans les groupes qui travaillent permet de deviner quelles en sont les personnalités, de ceux qui s’excusent (d’être là, d’être étranger etc.) à ceux qui s’amusent (de la langue, de la consigne), puis les écouter plaider permet de relever, déjà, les choix d’énonciation, les procédés qui rassurent, ceux qui identifient, également, via les parcours, les habitudes, ce que l’activité professionnelle regroupe sous le terme de déformation. Sans démagogie (pas le genre de la maison), je suis frappé par la richesse d’un tel groupe, son potentiel. Des qualités d’écriture, de l’humanité, des parcours impressionnants. Le silence et la concentration dans lesquels il travaille. Quand nous commençons, en début d’après-midi, à discuter de ce que pourrait être l’esquisse d’un récit, via des anecdotes que chacun relie à son histoire avec la frontière, quand tel récit en entraîne un autre, je voudrais, je leur dis, qu’ils retrouvent le sérieux qu’on mettait dans les jeux d’enfance (c’est pas moi, c’est Nietzsche) pour se dire : « on dirait que je serais ci et que toi tu serais ça ». La situation, elle viendra plus tard, mais déjà, des formules tombent, magnifiques : « le grand silence des villages valaisans », « le miel frontalier » (qui fait l’unanimité), des Italiens, des Espagnols, des Allemands nous rappellent que cette notion de frontière est bien peu de choses, surtout quand on la compare, dans l’inquiétude et le cœur qui s’arrête, au passage de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, raconte une participante. Moi, je suis aux anges, je valide le mot « provocative », la licence poétique n’est pas faite pour les chiens ! Si l’atelier se finit un peu plus tôt, compte-tenu des conditions météorologiques, il aura été formidablement prometteur : je dois me retenir d’écrire moi-même tous ces récits qui s’esquissent, mais mettrai toute mon énergie à ce qu’ils le fassent eux-mêmes. Sans douter une seule seconde que le résultat devrait être à la hauteur.

09:58 Publié dans Blog | Lien permanent

31/01/2015

Red Hair, Blue Eyes & Major Tom.

Capture d’écran 2015-01-30 à 23.42.21.pngLes filles rousses, il y a celles dont on s’est moqué quand on était enfant jusqu’à ce qu’on lise « Poil de carotte » et qu’on comprenne que ce n’était pas intelligent. Il y celle qui fait – faites l’expérience, je l’ai encore vérifiée il y a peu – qu’on ne peut pas débarquer dans la gare de Nantes sans siffloter et avoir envie d’une mousse au chocolat. Il y a celle – au moins une - qu’on a sans doute tous aimée dans notre vie. Et puis il y a le bandeau des « Corps inutiles », dernier roman de Delphine Bertholon. Une photographie de Anka Zhuravleva, montrant une incendiaire boudeuse entre l’intime et le manifeste, incarnant, par assimilation, ce qu’on va trouver à l’intérieur : le cheminement de Clémence Blisson, agressée sexuellement à quinze ans (dix pages, les premières, autant que la deuxième partie de ce roman volontairement dissymétrique) qui tait son traumatisme et le transforme en un lock-in syndrom pas suffisamment réel pour que les autres y croient. Alors, ils se limitent à la trouver bizarre, Roland, Chanal, les habitants du village, sauf son idiot, cette femme sans passion de trente ans qui maquille des êtres inertes, ces corps inutiles qui, à l’autre bout de la chaîne, trouveront pourtant une fonction (subtilement réhabilitée par la lettre d’un homme reconnaissant, quelque part sur la terre). Donneront l’illusion d’une sexualité toujours moins pathétique que la sienne, qui attend le 29 de chaque mois pour lever un homme dans un bar et constater l’anémie de son corps. Des corps moins inutiles que celui auquel elle a renoncé, par réaction (au fait qu’on le lui ait pris, nuance non acceptée), qu’elle n’incarne plus et qui lui dicte des réflexions sur les êtres, les parents, leurs foutues précautions et leur style british à la con, les instants d’une métaphysique forcée. Au-delà de la physis, Delphine Bertholon excelle dans la distance analytique, porte un regard critique sur chacune des époques vécues dans le roman, chacun des âges, ses impossibilités et ses blocages : comme dans ses romans précédents, dans Twist notamment (autre récit de l’enfermement), elle explore l’adolescence en milieu non-tempéré, n’épargne pas plus les discours minimisant l’acte initial que la défaite de parents si fusionnels que tout le reste leur échappe. Le double Clémence, à quinze ans d’intervalle, est renforcé, comme dans Grâce, par le lien familial qu’elle a avec Suzanne, la sœur chérie (de tous), aux failles bien masquées, par l’effet-miroir des copines d’école qu’elle retrouve inopinément, devenues femmes, vantant une vie dont on sait qu’elle n’est réussie, au mieux, qu’au dixième de ce qu’elles en racontent. Si ça n’était pas obsolète, Clémence pourrait être une figure sartrienne, condamnée à être libre au milieu d’êtres de paille ; mais elle n’est damnée que parce qu’elle s’est convaincue qu’elle l’était, refusant la réalité telle qu’elle la vivait. Des figures, tout aussi marginales – un élagueur d’arbres, un policier non conformiste, Christophe, l’idiot du village - lui tendront une main qu’elle mord d’abord – pour vérifier qu’elle est fiable -  et qu’elle prend ensuite, avec précaution. Avec la même lenteur qui accompagne son retour à la sensibilité, physique (de magnifiques pages sur les baignades dans l’eau glacée), métaphysique, amoureuse puis globale. Vitale. On est happé par l’écriture sans effets, restituant l’univers aseptisé de la Clinique, qu’elle a fait sien. Chacune des personnes à qui Clémence s’adresse ne fait que l’enfermer, plus encore, dans l’idée qu’il vaut mieux qu’elle continue de se taire, de garder pour elle la rue au nom d’oiseau (les injures qu’elle a tues, littéralement) et le bleu des yeux de son agresseur, opaque et froid. L’inverse, dans l’impression, de ses yeux à elle, hétérochromiques, ce qui permet à la romancière de ponctuer son récit de références à Bowie, jusqu’à l’analogie des décomptes : celui qu’impose l’agresseur à sa victime, celui du Major Tom au Ground Control. Les compte-rendus des deux époques, chansons (de Wonderwall, version officielle, à la vie par procuration, version officieuse, cases cochées) et films à l’appui, font mouche pour qui a vécu les deux qu’elle décrit : la VHS de l’Ange de la vengeance, d’Abel Ferrara, qu’elle trouve chez le flic et qu’elle s’approprie, la tête d’Uma Thurman, autre vengeresse, qu’elle se fait faire en sacrifiant sa chevelure rousse, pour ressembler à quelqu’un d’autre, la déférence filée à John Truby - maître du scénario hollywodien , au Ghost que chaque héros digne de ce nom doit, selon lui, trimballer. Cette attirance perceptible – et culturelle – que Bertholon a pour le scénario perdrait tout écrivain médiocre : l’usage permanent des dialogues est un étalon-mesure de la qualité littéraire. Par chance, si la vie n’est pas simple (ça se saurait), ceux de Delphine Bertholon sont aussi ciselés que sa vision du monde est pertinente, dans la narration qui les entoure. Dans les moments de métaphysique qui dépassent le personnage et donnent un peu de l’auteur à voir. Si les corps sont inutiles, le roman est essentiel à qui veut savoir de quoi le monde peut être fait, à qui pense encore que l’adolescence est composée de Barbie et de jeux à boire, Hitler (ou Platon) inscrit au marqueur noir, sur un post-it fluo, en travers du front. La marque d’une sacrée auteure, quelque chose qui réconcilie avec la littérature des plus jeunes que soi. Arbitrairement, pour moi, le meilleur Bertholon, avant ceux qu’elle écrira.

"Les corps inutiles", Lattès, 19€.

00:06 Publié dans Blog | Lien permanent