27/07/2014
Mademoiselle rêve.
Avouons-le d'office, j'ai d'abord un peu pesté quand je suis allé chercher mon "Stockholm", de Jean-Marc Flahaut chez mon libraire : non que le livre soit cher, mais ramené au nombre de pages, on n'est pas loin du prix du safran au kilo. Pour autant, le safran n'a pas beaucoup de goût, mais c'est quand même lui qui détermine la paella. Et l'édition, très réussie, la qualité du papier, ses rabats, le titre qui sonne, d'entrée, comme un spectre allant du syndrome du même nom à la ville du Nobel, ou, au vu de la jeune femme à la mitrailleuse illustrant la couverture (rouge), à une tuerie genre Columbine ou Utøya, dans le pays voisin, tout cela apaisa mon courroux, coucou!
Et puis on lit, on se prend une petite demi-heure de lecture et on est d'entrée saisi par l'équilibre du style, la construction du récit, par petites touches, par anaphores (visuelles en D, p.20) et l'histoire de cette jeune fille enlevée puis convertie à la révolution de ses ravisseurs. Ce sera donc le syndrome, mais de quelle idéologie, on ne le saura jamais exactement: l'auteur procède par ellipses, ses insertions sont phatiques, on y met le sens et le contexte qu'on veut. Dans nos images mentales, on pense à Florence Rey, à Nathalie Ménigon, mais on raisonne trop français: l'Armée du peuple en question est tenue par un Noir, renverse les codes, mi-Black Power, mi-Sandinistas, ou Barbudos. Ou romantiques, simplement, vu leur façon d'aimer. C'est la réussite de ce petit livre (en taille): ne rien résoudre, ne rien divulguer, laisser le lecteur se construire le mécanisme psychologique de l'enfermement, du dilemme sur le Bien et le Mal, la justesse de la cause, l'intensité de l'action, du sentiment. À ce titre, ce que la jeune fille espère de sa mère, la façon dont elle le formule - Oh Maman si tu savais comme j'aimerais t'entendre me dire cela! - composent un passage fort du récit. Qui interroge le spectacle de nos vies régulières (mea culpa télévisé inclus), condamnées à juger comme déviantes les existences qu'elles ne comprendront jamais.
Ed. Les Etats Civils, mars 2014, 12,50€
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26/07/2014
Hit the road.
Hier, comme aux plus grandes heures de "la Route", à l'époque où je regardais encore la télévision, j'ai passé cinq heures dans une automobile à converser avec deux inconnus, au départ, dont presque une à échanger sur un phénomène psycho-somatique auquel le conducteur a été confronté, dans sa vie, via sa fille. Le même qui frappe le personnage d'Aurélia, à son arrivée à Vienne : drôle de coïncidence, et promesse de lecture, plus tard, une fois le roman achevé, édité et offert à cette petite que je ne connais pas mais qui m'a paru, l'espace d'un instant, tellement proche.
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25/07/2014
Bernie.
Ce merdeux, dans le TER, je le soulèverais bien par le col, histoire qu'il comprenne, au bout de deux-trois allers-retours de gifles, qu'on ne met pas plus les pieds sur les sièges qu'on ne le fait chez soi. L'autre, qui "écoute" une "musique" saturée comme si ses écouteurs n'existaient pas et comme si l'évidence était qu'on puisse la supporter, je lui mettrais bien la lame acérée d'une pelle de jardin sur la carotide jusqu'à ce qu'il ait fini d'ingurgiter son MP3. Elle, dont l'indigente conversation résonne dans tout le wagon, je l'attacherais bien toute la nuit à un pylône SFR, la forçant, les yeux ouverts en mode "Orange mécanique", à regarder l'intégrale Rohmer. Le problème des transports en commun, c'est le transport des communs.
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24/07/2014
Recordaras.
Les plazas de Toro, dans toutes les villes de tradition, accueilleront chacune, un jour, des festivals de musique latine, dont la seule mise à mort sera celle du dernier fût de mojito. À condition qu'on continue d'élever les toros bravos dans les grandes plaines d'Andalousie, qu'on n'abandonne pas ces terres sublimes aux promoteurs, on pourra dire qu'ici, au moins, l'homme aura progressé.
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23/07/2014
Revanche.
Une lectrice, frustrée, selon ses dires, par la fin de "la partie de cache-cache", me demande si j'envisage une suite: curieuse réflexion, sans doute générée par la prédominance des séries télévisées, ou, mieux, la fréquentation des sagas littéraires, fresques naturalistes ou chroniques (de San Francisco ou d'ailleurs.) Une seule journée dans la vie de mes personnages, c'est trop peu, selon elle. Le plus drôle, c'est que j'y ai pensé, un jour, comme je l'ai fait pour Aurélia, que je pourrais filer sur dix volumes, si je le voulais. Sans doute ne sait-elle pas, cette lectrice, qu'une fin alternative existe, mais l'effet s'est produit: comment Émilie grandira-t-elle, dans l'absence de Jeannot? Comment Grégoire assumera-t-il une vie fondée sur le sacrifice de l'autre? Les romans n'échappent pas à la phénoménologie, au "Ou bien ou bien". Mais je n'aime pas les résolutions trop marquées, dans mes lectures: j'aime que la fin appartienne au lecteur, pas à l'écrivain.
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22/07/2014
Gascon.
Pas un seul voisin à la ronde, des vallons, des champs de blé fraîchement moissonnés, une vieille bastide du XIème siècle, la placidité conviviale des gens du Gers, leur rythme propre... Descendre m'incliner chaque année devant la statue de D'Artagnan devient un repère obligé. Ne pas avoir de connexion digne de ce nom m'empêche un peu d'avancer sur la version finale d'Aurélia, mais me rappelle à la lenteur: c'est sans doute ça, la vacance de l'esprit.
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21/07/2014
M.Tanner ne plaisante pas, non.
J'aurai donc, à défaut de l'écrire et de m'assurer un best-seller, fait un hérisson en pelletant 6,5 T de tout-venant - et maintenant, on se risque au brutal? - avant de le coffrer, demain. Je savais que cette invitation à profiter de cette piscine gersoise cachait quelque chose: à quoi bon aller nager quand on ne sent plus ses bras?
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20/07/2014
Ce manque cruel de poésie.
J'ai dansé pour la première fois sous la pluie d'été: à défaut d'être devenu durassien, j'ai le nez qui coule et les tempes qui chauffent.
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