12/06/2015
Filiation.
Il est temps que je me mette à écrire ma « Lettre ouverte d’un vieux nizanien à son fils de vingt ans ». Deux cent trente-quatre mois que je reporte.
15:03 Publié dans Blog | Lien permanent
11/06/2015
Divonne hors les murs.
Ils vont suer, samedi, comme moi, mais tandis que je les porterai, les livres, eux tenteront d’en écrire un, un petit, certes, mais avec une vraie histoire, un caractère qui mérite le détour, des interrogations qui me gênent un peu tant je me demande si je ne les ai pas poussés à écrire comme j’aurais aimé l’écrire moi-même, cette histoire. Mais elle sera la leur, et le travail est difficile, avant l’accouchement : les échanges de mails, les discussions, la relecture à chaud, tout cela fait partie de la somme d’un atelier. L’aventure humaine est à ce prix.
18:06 Publié dans Blog | Lien permanent
10/06/2015
Sans matière à discussion.
Isabelle Flaten continue son entomologie des rapports humains, sans faire de bruit, en linguiste cachée. Après avoir exploré les rapports amoureux dans "les noces incertaines", elle fournit, aux toujours pertinentes Editions du Réalgar un livre reposant sur une antiphrase notoire (Se taire ou pas, se demande-t-elle sur 134 pages) et sur une analyse extrêmement fine du langage et de ses incidences. Par micro-récits, elle tisse une anthologie des situations de langage, de ce qui se passe derrière les mots. Ceux qu’on dit, ceux qu’on retient, ceux qu’on a répétés et qui, la situation venue, ne viennent pas, dans le couple, devant une demande en mariage, un chef acariâtre etc. Elle passe par des mots qu’on connaît, d’autres qu’on a un peu perdus de vue : s’arsouiller, patouiller, frétiller du popotin... Prend le point de vue des hommes, souvent taiseux ou amateurs de mots et de situations creuses (les groupes d’amis qui disent tant pour ne rien dire), des vieillards en fin de vie, des enfants, aussi – étymologiquement, pourtant, ceux qui n’ont pas la parole – qui demandent aussi bien ce qu’est la Mort que la sodomie. Des femmes, également, à l’essence venimeuse : tous les mots, dans Se Taire ou pas, sont passés en revue, par aphorismes, par récits un peu plus longs, jamais très. On y trouve au moins une situation déjà vécue, si ce n’est toutes, quand on y est sensible : les pactes entre adultes, les promesses jamais tenues, les humiliations à table ou au bureau devant les mots qui restent coincés et qui étouffent, toutes les façons de se parler, de se dire les choses ou de ne pas les dire. L’antinomie est là, entre le dernier mot qu’on veut avoir, né du premier qu’on n’a pas osé dire. Flaten s’amuse de situations, de zeugmas (« une tarte aux pommes dans les mains et une anomalie dans les yeux ») et de synecdoques (l’homme, ce « coude de flanelle grise »), mais on trouve dans ce livre de très belles scènes, tristes (sous l’Occupation, dans une unité de soins palliatifs…) ou drôles, cruellement, via le lapsus (coût et coït), la langue qui fourche, la parole qui échappe, en réunion ou sur un plateau TV. On croit percevoir, par petites touches, un autoportrait de l’auteur, face à la parole qu’elle domptera mieux à l’écrit que dans la réalité, face aux silences des éditeurs qui laissent penser qu’on en a trop dit, ou trop écrit. L’homme, le sien (celui de la narratrice, qui use de ce possessif), ou d’autres, est passé au crible, l’Homme aussi, qui dit trop pour tout garder, au bout du compte. Les saynètes d’Isabelle Flaten sont des morceaux de vie intelligents, qui posent une autre question que celle du titre (qui n’en est pas une) : comment prendre place parmi les hommes ? Le langage fait de nous un être social, a-t-on décrété, par réversibilité : le mutique sera jugé, le cancre relégué, les beaux parleurs célébrés. On rompt par SMS, désormais, on gazouille en 140 signes. Mais les caractères un peu cassés de « Se Taire ou pas », les roses que l’homme a, toute sa vie, offertes à sa femme sans qu’elle puisse, jamais, lui dire qu’elle préférait les orchidées, sont le signe que Flaten, femme de moins de mots que Merleau-Ponty, tape juste quand elle les écrit.
"Se taire ou pas", Editions Le Réalgar, 14€
17:09 Publié dans Blog | Lien permanent
09/06/2015
Rétro.
En réalité, j'avais commencé un peu avant, puis effacé des notes qui ne servaient pas à grand chose, mais en juin 2008, déjà, la première note de mon blog relatait la première vraie rencontre autour de mon premier vrai roman, dans le premier vrai cinéma de mon quartier d'enfance: au CIFA St Denis, à la Croix-Rousse. L'idée du blog étant de rendre éphémère, chaque jour, la note du jour précédent, je me permets un retour. Avec le bonheur d'entendre Claude Raisky, toujours plus juste que je le serai jamais.
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08/06/2015
Chroniques d'un départ (8).
Et puis arrivent, trop tôt pour que je m'y attende, les premières surprises, les retours de quelques anciens, les premiers mots qu'on prononce en public qui valident l'idée que, cette fois, l'issue est proche. Les premiers cadeaux, aussi, des attentions qui émeuvent, et d'autres, qui stupéfient, carrément: ainsi, cette oeuvre de mon ami Pedro, qui s'était juré de faire entrer un Marc Lévy dans ma bibliothèque. Celui-ci, je le garde, volontiers.
17:01 Publié dans Blog | Lien permanent
07/06/2015
La mythologie du cheveu.
Il fallait bien que ce fût Fergessen pour que je comble, en une journée sans fin, les 364,2km qui séparent Sète de Jassans-Riotter, jolie bourgade à l’Ouest de Lyon qui accueille, dans son petit théâtre associatif, des spectacles vivants sans toutefois trop se soucier des préoccupations basiques d’un public de rock, qui aime boire un coup avant le concert… Pas un rade, pas une mobylette, c’est jusqu’au centre de Villefranche que nous avons été obligés de revenir, après que Stéphane Thabouret s’est fait plaisir en passant trois fois devant l’église de Jassans, ou en manquant nous amener, par erreur, au gala de danse classique du coin. C’est l’ « entrée des gymnastes » qui nous a mis le doute, bien que le Centre Culturel de Gléteins soit attenant au terrain de football local, en plein tournoi ce soir-là, confirmant la prédiction selon laquelle Fergessen deviendrait un groupe de stade. Escapade caladoise aidant, nous sommes arrivés les derniers dans la salle, trois minutes avant que le duo entre en scène. Le reste est une question technique (les matériaux du toit, l’exposition à la canicule, toute la journée ?) ou hyperbolique (Fergessen live in le réacteur central de Tchernobyl), mais aucun mot ne suffirait à décrire l’incroyable chaleur régnant à l’intérieur de ce petit théâtre bondé, transformé en hammam. Le moindre spectateur s’est réduit en torrent de sueur, hier, un truc à tordre sa chemise pour combler la sécheresse de 76 (j’ai parlé d’hyperbole). Que dire, du coup, de la performance de ces deux-là, dont l’effet, par l’action des projecteurs, était multiplié par dix… Dès les premières minutes, étouffantes, le corps de Michaëla, ses bras (l’armé, et l’autre), sa coiffure, son maquillage, tout était défait. Littéralement. Des conditions inhumaines, vraiment, à la limite d’une annulation, ou d’un report dans la cour de la ferme. Mais le duo avait amené ses techniciens favoris, Thomas à la lumière et Fabien au son, et quand on fait de sa vie la continuité de sa passion, on en accepte les stations, fussent-elles celles d’un chemin de croix. Nous qui parlions, dans la voiture en venant, de l’animalité du groupe, exceptionnelle, de sa capacité à puiser l’énergie et la transmettre, nous mêmes qui les connaissions déjà, nous avons été servis : de ma place, vite abandonnée, j’ai cru, presque, percevoir ce qu’ils se disaient sans mots, qu’il fallait y aller, surmonter le manque d’air, les gouttes qui ruissellent sur le manche, obstruent le regard et les repères. A ce titre, David est un psychopathe de la scène : courbé sur son micro, la chevelure brillante à force de rinçage, il déraisonne, relance les morceaux, va chercher Michaëla, qui s’étonne, regimbe, puis se souvient que c’est pour ça qu’ils vivent, et y retourne, au charbon. La seule économie concédée, hier, fut dans les transitions – ce qui renforça, encore, l’efficacité du show – et, peut-être, dans un ou deux morceaux de moins qu’à l’habitude, ce que personne ne leur a reproché. J’avais déjà vu le duo dans toutes les configurations possibles, pas encore dans celle d’hier. Je disais que quand j’aurai tout dit sur eux, je m’arrêterai de le faire, mais le spectacle hier, dantesque, ponctué, en fin de rangement, par un orage apocalyptique, aura profondément marqué jusqu’à la vieille garde. Quelque chose de surhumain, oui, entre transe et transcendance. Les privilégiés du Sud-Ouest, dans quelque jours, verront le duo partager la scène avec Guillo, lequel, malin, a pris un temps d’avance sur les conditions scéniques difficiles en se rasant les cheveux. Ce que Fergessen ne fera jamais : "Le rasoir ne passera point sur sa tête, parce que cet enfant sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère; et ce sera lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins." Pardon, je m’égare : les conséquences de la chaleur d’hier. Non un truc entre Samson et Dalila, quelque chose de la mythologie du cheveu. En guise de Dalila, c’est Rose Laurens qui a clos la soirée d’hier, mais ça c’est en off. Et c’est parce que Jean-Luc Lahaye n’était pas encore arrivé : il a dû avoir un empêchement.
photo: Anne Arnau
09:50 Publié dans Blog | Lien permanent
06/06/2015
Chroniques d'un départ (7).
Puis arrive le moment où la ville devient la ville d’avant, où la perspective, le bras du Rhône renvoient à des étapes toujours vives mais comme détachées, de votre histoire et de votre incarnation.
17:06 Publié dans Blog | Lien permanent
05/06/2015
Chroniques d'un départ (6).
Et puis à force, avant même que ce soit le début, il y a la première nuit ailleurs, envisagée à même le sol par défaut, et pour se souvenu dans vingt ans qu'on en était encore capable. La première baignade dans ces lieux à qui on jurait, à chaque fois, qu'on reviendrait et, qui sait, pour de bon. La première douche, froide, par ce que je ne sais pas comment fonctionne le cumulus, encore. Les angoisses bancaires et notariales, les irrépressibles envies de meurtre afférentes, tout cela se lève, peu à peu. Demain, déjà, je repars, pour de justes raisons. Parce que je n'en ai pas terminé dans ma ville. Il faut partir comme on vit, ou comme on essaie de vivre: avec justesse.
20:14 Publié dans Blog | Lien permanent