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31/05/2015

Les ateliers Divonne (fin).

L'atelier continuera, sans moi, le week-end du 13-14 juin, alors que je transférerai mes livres et le reste de mon existence vers ce qui lui reste de Bleu. Il continuera puisque les membres ont compris qu'il était plus simple de travailler autour d'une table, comme on l'a fait hier après-midi plutôt que de repartir seul avec ses éléments à corriger. Oh, ils travailleront encore dans la solitude de leur chambre d'écrivain, le feront pour un bien commun, celui du récit, de cette histoire de Gabrielle, cette astrophysicienne un peu coincée, revêche, qui met les échecs successifs de son existence sur le compte des autres, leur incapacité de rationaliser les émotions, les amours, tous ces esprits animaux qui font le misérable petit tas de secrets d'un être humain. Il reliront leur texte, ou celui d'un autre, parce que l'ensemble crée l'histoire, et pas l'inverse. Je leur ai demandé, il y a six mois, déjà, de tous participer à un récit et d'éviter le patchwork. Sans flagornerie – ce n'est pas le genre de la maison – je crois que c'est réussi. Je crois que, après équilibrage et relectures multiples, l'histoire sera suffisamment forte pour intriguer le lecteur. Il y aura eu des doutes, des moments de flottement, mais que dire, sinon que c'est aussi ça l'écriture! Je leur sais gré d'avoir adapté leur niveau de langue, leur rapport à la psychologie, le peu d'affection qu'ils montraient, parfois, pour le personnage, pour servir cette nouvelle qu'ils signeront tous d'une même et seule main. Comme toutes les fins, l'atelier d'hier m'a plus touché que de raisons : parce que j'ai du partir vite, les saluer à la cantonade alors que j'aurais aimé, individuellement, les remercier un par un. J'aurais aimé les assurer, une fois de plus, de mon soutien dans ce travail, qui s'apparente davantage à un travail d'éditeur qu'à un travail de relecteur. Tous ont la capacité de tenir un récit par eux-mêmes. Pas avec les mêmes dons, pas dans la même langue, mais rien de ce qu'il fait la petite musique ne leur manque. Il est davantage ici question de confiance, de temps, et de finalité que de capacités, et l'écrivain peut s'interroger, en abyme, sur sa propension à travailler seul, dans la douleur parfois, pour une reconnaissance bien aléatoire. Je les retrouverai avec plaisir, tous ces membres si différents, qui ont appris à se connaître, à me connaître aussi, lors des événements organisés autour de la parution du livre. Un livre tête-bêche qui racontera deux pans d'une même histoire, vue du côté suisse et vue du côté français. Une autre Réversibilité que celle partagée avec Christian Chavassieux, plus collective, plus commune au sens où une frontière peut l'être. Il reste du travail, le leur, le mien, pour que le livre paraisse, mais c'est un travail que j'accepte d'autant plus facilement qu'il me permettra in fine d'ancrer tous ces bons moments passés à Divonne-les-Bains avec eux. Les ateliers de Divonne existeront peut-être encore, l'année prochaine, sous quelle forme, personne ne le sait encore. Mais les pitreries décalées de Pierre, la finesse lapidaire de Jean-Marc, la réserve efficace de Maryse, la sensibilité d'Elisabetta, la territorialité de Françoise, les conseils distanciés de Rosa Maria, la théâtralité de Fabienne et de Loraine, l'inquiétude permanente de Kristine, la participation de tous les autres, me manqueront. L'écriture collective, ça reste de l'écriture, et on ne se sépare pas d'un travail d'écriture comme cela.

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30/05/2015

Je suis écrivain.

Il faudra attendre pour le bilan final des ateliers de Divonne, dont les deux dernières séances commencent dans deux heures : il n’y aura pas de billet immédiat, ce soir j’enfourche dès 16h30 le destrier qu’on m’a gentiment prêté pour rejoindre une fête qui aura commencé sans moi. Mais c’est le job, dit-on. En tout cas, l’impression, toujours étrange, d’être un de ceux qu’on sollicite pour ça, sans les atermoiements que d’autres peuvent y mettre : une fois par mois, je me serai promené dans les rues – propres – de Divonne-les-Bains, sachant ce que je venais y faire sans savoir vraiment ce que j’y faisais. Comme dans un film de cinéma qui se déroulerait devant moi, qui conterait ma propre vie sans que je puisse intervenir. L’inverse de Tom Baxter dans « la Rose pourpre du Caire ». Les mêmes impressions, financées par le même organisme, à qui j’aurai beaucoup dû, de fait, qu’il y a six ans, maintenant. En sortant de je ne sais quelle rencontre autour de « Tébessa », en en faisant le compte-rendu immédiat comme je l’ai fait pour tous les événements vécus autour du livre, j’écrivis, bravache, « je suis écrivain », en citant Weyergans. « Eh oui, Weyergans, je suis écrivain, moi aussi ! », exactement. Depuis, j’ai écrit trois autres livres, deux pièces de théâtre, j’ai été convié, choyé, bichonné, mais cette dernière promenade dans Divonne, hier, m’a conforté dans l’idée qu’on peut être écrivain parce qu’on a écrit des livres lus et diffusés, mais qu’à chaque fois, derrière, la marche est plus haute. Mes deux premières, la 3ème aussi, allez, ont été trop royales, je le sais désormais. J’ai eu de la chance, et un peu de talent, il faut croire : dans une discussion récente sur l’écueil du deuxième roman (si tant est que le premier fût réussi, hein !), je plaçai la désormais célèbre maxime de Dan Simmons, devise du Prix de Grignan (« Tout le monde peut écrire un premier roman, c’est le deuxième qui fait de vous un écrivain »), en me gardant bien de dire, puisque ça ne sert plus à rien, que ce prix-là, on me l’a donné, un jour et pour toujours. Que les membres de l’atelier, s’ils me lisent, le sachent : le reste n’est et ne sera que travail.

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29/05/2015

Catrain.

L’évidence, elle est là, les frôlements redoublent
Ils sont dans mon esprit la cause de mon trouble
Tes étirements de chat, ces manières de félin
Tout entier contenus dans le creux de ta main.

19:16 Publié dans Blog | Lien permanent

28/05/2015

Gabrielle.

Je travaille, avec tellement de retard, les textes, souvent brillants, des membres des ateliers d'écriture de Divonne, m'aperçois qu'ils ont compris les choses mieux que je l'aurais fait, que je peux, par contre, poser un regard critique sur la phrase mieux qu'ils le font, ce qui est normal. Pour autant, la Gabrielle qu'ils m'ont inventée a du chien, c'est certain. Elle me rend nostalgique, presque, de celle que j'ai créée moi, dans mon "Marius Beyle", celle à qui je fais dire, dans toutes les rencontres que je fais, que le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.*

* "Marius Beyle", in "la 3ème jouissance du Gros Robert", Raison & Passions, 2013

 

 

 

18:16 Publié dans Blog | Lien permanent

27/05/2015

Ma banquière (septies).

Il a fallu briser la glace née de la fois d’avant, de la révélation douloureuse que ma banquière et moi n’étions pas un couple établi, que j’avais un rival et que, compte-tenu de la valeur de ses engagements, je ne m’en libérerais pas de sitôt. J’aurais pu, orgueilleux, chercher sur la Terre un endroit écarté où d’être sociétaire d’une autre banque on ait la liberté, mais je n’ai pas résisté. J’ai pris son mail professionnel pour un encouragement, me suis dit que dans décompte, il y avait, qui sait, l’idée que chaque jour passé sans nous écrire était pour elle une souffrance. Le dilemme inédit chez une banquière du choix qu’elle pourrait faire d’une vie inverse de celle qu’elle a menée jusque là. On troquerait le contrat HABITATION BQ 7116599 pour un voilier, on ferait le tour du monde, je lui achèterais de nouvelles robes de tennis vintage puisqu’il est acquis, depuis qu’on se connaît, que ses jupes sont courtes et ses jambes (très) longues. Tellement que quand elle croise les jambes, sur une chaise plutôt haute, ses genoux sont au niveau du mobilier et que…  J’essaie le coup de l’adresse, on n’habite pas rue Paul Valéry sans penser que, de ses lèvres avancées,
 La nourriture d'un baiser se prépare. Douceur d'être et de n'être pas. Bon, là, c’est plutôt n’être pas : elle me dit qu’on en a bientôt terminé, que mes souffrances vont bientôt s’abréger d’elles-mêmes. Elle ne pense qu’à mon aversion administrative, pas même, hélas, au fait que mes souffrances, elle les a créées elle-même le mois dernier. Alors même que je m’apprête, après avoir tout signé, à lui proposer de tout quitter, là, sur le champ, de partir au Népal et d’adopter des enfants forcément beaux puisque Népalais, elle me demande quels sont les objets de valeur que je possède, pour les assurer,  me parle, pour la première fois, d’intimité quand elle semble regretter de ne pas connaître mon intérieur pour en évaluer les richesses : mes livres, mes tableaux, j’essaie de me faire passer pour un richissime armateur qui collectionne pour blanchir de l’argent, mais je suis trahi par cette angoisse de ne pas pouvoir payer les traites : je ne choisis pas l’option offensive, je prends l’intermédiaire. Celle des bons pères de famille. D’ailleurs, vengeance ultime avant les adieux, c’est elle qui me parle de mon ex-femme, me rappelle qu’elle me sauve en me nommant conducteur occasionnel (et accompagnateur de notre fils, de fait) de sa voiture : sans cela, pour acheter mon scooter de quadra présidentiel, j’aurais dû passer par la phase jeune conducteur. C’en est trop, mais c’est classique : la voilà qui se fait détester pour que je m’éloigne d’elle. Son stratagème ne marche pas, sur moi : depuis qu’elle m’a fait promettre de rester son client, en échange d’un taux avantageux, je guette le moindre de ses messages. Le jour où elle me proposera une complémentaire retraite, je saurai qu’elle considère autrement ma proposition, jamais formulée, d’un exil commun sur mon île singulière.

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26/05/2015

Basket-Ball (Bis).

J’ai attendu les dernières semaines des près de vingt ans de présence dans cet établissement scolaire pour réinvestir le gymnase, entre deux activités ludiques proposées par des personnes qui ont l’âge que j’avais quand j’y suis entré pour la première fois. Pendant le cérémonial des vestiaires, en respectant une chronologie que j’ai toujours respectée pendant que je jouais, les pommades chauffantes en plus et l’arnica pas très loin dans le sac, je repensais à tous ces week-ends passés dans la poussière des salles de basket-ball, toutes ces journées, soirées, vécues avec ceux dont je pensais, à l’époque, qu’ils étaient de ma famille. Une famille aussi large qu’elle est distendue aujourd’hui, même si le lien demeure. Je me préparai, constatai que le t-shirt d’entraînement avait sérieusement jauni, enfilai, par dessus, mon maillot des Portland Trailblazers, la première équipe de Drazen Petrovic, mort, accidentellement, en 1993. Avant que mes petits camarades reviennent du base-ball finlandais (!), il fallait que je me chauffe, que je retrouve le contact du ballon, sa rugosité, que je teste le cercle, aussi : dur, souple, nécessitant un angle plus marqué, une parabole plus souple, qu’en saurai-je, avant de retrouver ce qui m’était nécessaire plus de dix ans auparavant, avant d’entamer ce petit circuit tant aimé, je trottine, je récupère la balle, je prends les appuis, je monte le shoot. A 6,25m, avec, forcément, moins de réussite qu’antan, mais avec, quand même, quelques petits schuitts (le bruit du filet, le Net d’avant, que le ballon déflore) qui rassérènent, qui me disent qu’il faut continuer, qu’on peut être après avoir été, quand c’est uniquement pour soi, quand il n’y a plus aucun spectateur pour juger. Pendant le quart d’heure qu’ils m’ont laissé, j’ai retrouvé ces impressions, doublées de l’écriture que je leur ai déjà consacrée, dans « le poignet d’Alain Larrouquis », il y a ce qui me semble une éternité, déjà. Je retrouve. Deux de mes camarades d’âge se sont claqués pendant le base-ball finlandais. Grave erreur : mon trottinement, mes shoots d’échauffement, tout cela me permet d’être prêt quand mes adversaires, inconscients du fait qu’un imaginaire pût décupler les forces sportives d’un individu, viennent me défier. Sans savoir qu’on ne peut pas perdre, qu’on ne pourra plus jamais perdre à ce jeu, quelque soit le sport, quand on a été, comme moi, l’invité d’honneur de la Moutète.


"Le Poignet d'Alain Larrouquis", sortie le 1er... par

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25/05/2015

Passer un Cap.

Cet auteur-compositeur-interprète, qui avoue sécher en ce moment, et craindre de n'avoir plus rien à dire, à qui je réponds, maladroitement, qu'il a peut-être atteint son climax, déjà, en pensant à ce concept-album que je tiens moi pour un des plus beaux disques jamais enregistrés. Évidemment, c'est une réflexion qui fait écho à mon propre parcours, qui valide, jour après jour, qu'il y a les livres qu'on doit écrire – comme s'ils avaient été énoncés en amont – et ceux dont on doit s'abstenir de le faire, ce que je fais très bien, merci. Nul doute que, pour lui comme pour moi, les affaires reprendront, que l'inspiration reviendra : peut-être, lui ai-je dit, faudra-t-il qu'il passe pour une phase moins exigeante, plus brute, qu'il accepte une œuvre intermédiaire, différente. Dont je me réjouis, déjà, avant même qu'il puisse reconnaître qu'elle arrivera. Le parcours de celui qui crée n'est jamais linéaire, c'est un beau cliché. Dont Chavassieux parle mieux que moi, ici.

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24/05/2015

Des amours.

Qu’est-ce qui se passe là, dans la redescente, quand les gestes mécaniques sont ceux qu’ils faisaient juste avant, la boule au ventre en moins ? Qu’est-ce qu’ils voient de ce qui se passe, quand la mémoire est immédiate, soumise à l’adrénaline, que le cerveau refuse avec force que l’instant fût dépassé ? Qu’est-ce qu’ils disent qui ne soit pas futile, de quelles promesses ne se souviendront-ils pas, sans qu’on pût leur reprocher ? Sur quel Olympe sont-ils perchés, soucieux, néanmoins, des petites gens qu’ils ont laissés sans nouvelles ? 

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