23/10/2012
Ancrages.
Ma mécanique des places m’a mené aujourd’hui, à l’heure du déjeuner, vers cette adresse dont j’ai mesuré toute la symbolique et l’ancrage dans le temps : c’était en 1982 que l’histoire ici, s’est terminée. A l’époque, la Croix-Rousse des Pentes, on voulait davantage la fuir qu’y habiter, mais la personne qui a vécu là a passé l’essentiel de sa vie à aider tous ceux qui y passaient et qui manquaient de quelque chose. Je pense souvent à elle parce qu’elle a 100 ans de plus que les plus jeunes de mes nièces. Qui n’auront connu d’elle, par procuration, que la rudesse et l’exigence, de celles qui vous font aller plus loin. En 1982, pour reprendre un exercice fait hier en d’autres lieux, je n’avais pas conscience qu’un jour du siècle d’après, un téléphone devenu portable et appareil photo me permettrait d’arrêter le temps une seconde, avant qu’un jour l’immeuble soit ravalé, ou détruit.
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22/10/2012
Par le vide.
Ce qu’il y a de terrifiant dans le rangement par le vide, ce sont les mots d’amour que l’on retrouve. Pas ceux qui ont duré longtemps ou ceux qui tiendront leurs promesses, ceux qui disaient trop, tout de suite, envers lesquels on éprouvait, sur le moment, une imperceptible impression de gêne qu’il eût fallu que nous écoutassions. De cheval.
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21/10/2012
I'm not a man.
Il y avait moins d’enjeu, forcément, dans la rencontre, hier, avec Eric Cantona, que dans celle avec Alain Larrouquis. Dont les caractères, je l’ai suffisamment souligné, sont proches, dans l’anticonformisme et le refus de l’autorité. Cantona, je l’ai vu hier en même temps que 2500 autres, ça casse un peu l’intimité, mais ça ajoute, d’un autre côté, à la satisfaction collective 1) d’avoir vécu une belle époque avec des débordements qu’on n’est pas près de revoir dans le domaine sportif 2) d’avoir en commun avec 2499 inconnus - plus ceux qui n’ont pas pu rentrer -des répliques qui pourraient (devraient ?) être enseignées dans toutes les écoles d’art dramatique voire de philosophie. En plus, quand ce moment se fait sous l’égide de Ken Loach, dont le cinéma raccommode avec l’idée qu’on se fait de l’humanité, c’est un pur moment de bonheur (encore !) que j’ai vécu hier. Avec un public qui applaudit chacune des maximes historiques de ‘LooKING for ERIC » , un de mes KL préférés, avec « Land & Freedom ». Ken Loach, qu'on a récompensé hier du Prix Lumière, a dit qu’il avait reçu un soir un coup de téléphone d’Eric Cantona et qu’il n’y a pas cru, de prime abord : « Eric, c’est le King. Or le King ne passe pas de coups de téléphone », a-t-il plaisanté. Mais l’histoire s’est faite parce que les deux hommes avaient la même aspiration : Cantona voulait d’un film qui essaie de retranscrire non pas la trace qu’il a laissée dans le football, mais la relation exclusive qu’il a eue avec les spectateurs, à qui il donnait tout, quitte à devoir, chaque soir, se réinventer et prendre les risques que les autres ne prenaient pas. Ken Loach avait l’habitude, déjà, de prendre comme héros de cinéma des personnages de la réalité, souvent sordide mais toujours portée par des élans, de fraternité, de solidarité, ces vieilles antiennes d’un monde ouvrier qu’on a cru trop vite oublié. Les deux se sont trouvés et Ken Loach – et Paul Laverty, le scénariste génial – a imaginé deux Eric se croisant, un qui aurait tout raté, un à qui tout aurait réussi. Aborder celui qui a tout gagné par le prisme de l’échec, voilà qui me rappelle quelque chose et qui me gonfle d’orgueil quand mon travail se rapproche de celui de ce cinéaste si humain et si proche des gens qu’il a eu toutes les peines du monde à surmonter l’aspect grand-guignol d’une cérémonie comme celle d’hier. Le résultat, si vous ne le connaissez pas, il faut vous ruer dessus ou plutôt, comme je l’ai fait, attendre (trois ans dans mon cas) qu’il repasse dans une salle de cinéma. Quel les émotions soient partagées, que le happy-ending vous prenne aux tripes et vous redonne la foi. Seuls ceux d’hier auront eu le privilège d’applaudir pendant le film aux aphorismes cantonesques, en présence – sans doute émue – de celui-ci. Rodin, désormais, dans sa stature. Mais petit enfant devant celui qui lui a permis de faire passer ce qu’il avait envie de dire sans pouvoir le faire. La plus belle des scènes de « Lokking for Eric », c’est quand Eric le postier – qui se souvient de tous les faits et gestes de son héros » - lui demande quel a été son plus beau geste, pensant que c’était forcément un but. Et que Eric le King lui répond que son plus beau souvenir, c’est une passe, pour le geste accompli et sa beauté, pour le don de soi que ça représente. Un monde oublié, disais-je. Quand le postier lui dit que c’est dur pour un homme de choisir ce qu’il a fait de mieux, le Roi répond : « I’m not a man. I’m Cantona ». Avant de sourire malicieusement et de rire de lui-même. Ken Loach est important à la santé mentale. J’en ai fait une cure cette semaine, je vais mieux.
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20/10/2012
La leçon de philo.
Et là, d’un coup, au réveil, la question qui lui est posée, abruptement, « suis-je le même sujet à travers le temps ? ». Qui lui rappelle l’autre contrainte, celle de se décrire à la moitié de l’âge qu’il a aujourd’hui.
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19/10/2012
Les jardins d'Ellington.
Dans les jardins d’Ellington, il y a tout ce que je dois aller chercher avant de tirer ma révérence : les livres qu’il me reste à écrire, les intensités dont je me nourris, la permanence dont je ne veux pas sortir. Il y a quelques spectres qui cohabitent avec des promesses, de vieilles chansons comme celle-ci, un peu datées mais restées inédites (merci à JJ !). J’y croise souvent, dans les allées, celui que j’étais à l’époque, qui écoutait ça en boucle. Qui rêvait, dans le même temps, de rencontrer Alain Larrouquis. Et puisqu’on devient qui on est autant qu’on est ce qu’on sera… Il y aura des anthologies d’écrites sur ceux qui ont fait la renommée musicale de Lyon, à cette époque. J’en fréquente quelques-uns, maintenant, à qui je n’aurais jamais osé parler, avant. Il y aura tout ça un jour, mais moi c’est l’intention, seulement, qui me fait avancer. J’écoute, je replonge, j’écris : ces jardins d’Ellington sont désormais les miens.
(A.K© Tous droits réservés)
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18/10/2012
Effet-catalogue.
En 2013, si tout se passe bien et si je survis à la fin du monde programmée pour mes 44 ans, je devrais exposer aux yeux d'un monde ébaubi plusieurs oeuvres de ma composition: les Editions du Réalgar vont sortir mon "Valse, Claudel" accompagné de dessins de Jean-Louis Pujol et, en série limitée, du "Camille" enregistré par Stéphane Pétrier et composé par Jean-Jacques Coulon. Raison & Passions va suivre son auteur historique dans l'édition d'un recueil de nouvelles, exercice périlleux pour un écrivain, qui me permettra de compter mes lecteurs - et d'aller les voir, puisque c'est ainsi que ça fonctionne. J'ai aussi proposé à Samantha Barendson un texte sur le pouvoir féminin - clin d'oeil à l'autre femme publique, pas celle de Zulawski - dans une (petite) anthologie poétique de la (petite) culotte. Enfin, je remuerai ciel et terre de l'édition pour que le "Ouessant 2013" que je prépare avec le peintre Franck Gervaise voit le jour. Si je rajoute à ça que mon « Dom Juan » a des chances d’être joué – en tout cas, qu’une metteur en scène s’y attèle avec conviction, qu’un comédien de toute beauté me propose de travailler à une lecture publique qu’il ferait de « Tébessa, 1956 », qu’il est possible qu’on rejoue « Trop Pas ! » d’ici quelques temps et que notre combo « Littérature & musique » devrait s’itérer d’une violoncelliste pour des dates à venir, j’ai quelques raisons de ne pas trop avoir peur qu’on m’oublie. Ce qui me permettra de me remettre sereinement au travail, dès demain, sur « Aurélia Kreit ». Aucune autosatisfaction là-dedans : juste un petit supplément dans la validation des choix.
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17/10/2012
187/184
Un article et une photo de Jean Sarsiat, sur la rencontre au sommet. J'attends qu'il m'envoie l'originale, celle de la première poignée de mains. Là où dans le regard et l'attitude, tout se joue. Hier, au moment où j'envoyais la note sur lui, Alain Larrouquis m'a appelé, s'est enquis de mon retour. J'ai apprécié. Je l'écrivais, ce qui se passera entre nous maintenant, dans l'amitié, ne regardera personne.
Demain, j'annoncerai sur ce blog les bonnes nouvelles à venir sur le front de l'édition. Pas au niveau de celles qu'annoncera Chavassieux, bientôt, mais quand même.
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16/10/2012
Concordance des temps.
Quand Alain Larrouquis a posé sa voiture sur le trottoir devant la Moutète, à 19h30, et qu’il en est sorti, le correspondant de presse locale a dit de moi à son accolyte : « regarde-le, il est ému, il va voir son idole ». C’est bien lui, pourtant, qui l’attendait avec impatience depuis le milieu de l’après-midi, insistant pour que je le rappelle, ce que je n’ai pas fait. Doutant qu’il viendrait, ce dont moi je ne doutais pas. J’ai compris en amont qu’à Orthez, chacun avait une idée de son « Alain », et qu’à peu près autant de personnes étaient dubitatives sur le fait que j’en fusse digne, moi, le Lyonnais qui venait s’approprier le Roi de la Moutète. La rock star du basket-ball, l’enfant terrible, autant de périphrases qui paraissent bien vaines quarante ans après mais que chacun, aussi, a gardées en mémoire. Pour le meilleur et pour le pire. Imaginez la vie de celui à qui, sempiternellement, on rappelle les frasques, les folies et les excès. Celui que arbitrairement, on va juger prétentieux parce qu’il a écrit les plus belles pages de la ville qui l’a couronné. Parce qu’il est grand, parce qu’il est beau, Alain Larrouquis a fait rêver des dizaines de milliers de personnes et il en est encore quelques-uns à lui en vouloir pour ça. Par jalousie, par aigreur, par comparaison aussi. Quand il est sorti de sa voiture, je crois bien que le plus fébrile des trois, c’étaient les deux autres, qui devaient attendre qu’il les reconnaisse à leur juste valeur. Même s’il était venu pour moi, exclusivement. Le quart d’heure passé avec le journaliste nous a permis, à lui et à moi, de fixer ce qui devait être dit et ce qui devait ne pas l’être. Quelques fussent les photos symboliques, l’important restait la rencontre, finalisée après une année de conversations téléphoniques. Et sur ce plan, je n’ai pas été déçu, comme je le disais hier : j’ai trouvé un homme charmant, prévenant, conscient de ce qu’il provoque et rassuré par ce qu’il m’a inspiré. Peu porté sur la nostalgie, sinon celle des traces de son enfance et des lieux que sa maman a traversés avec lui. Un homme soutenu par les membres du clan Larrouquis, dont deux de ses frères que j’ai croisés et qui m’ont glissé que, méfiant, il ne serait pas venu. J’ai apprécié d’être reçu pour ça, aussi, et lui ai présenté mes frères à moi, en retour. Le temps d’une soirée blues et spécialités locales, d’une conversation ouverte et décousue sur tout, le basket, les idoles, les temps qui changent. Sur l’esthétique, aussi, la race des champions qui l’ont inspiré lui, comme Johann Cruyff. Il m’a dit qu’il avait aimé mon livre parce qu’il n’en était que le prétexte, pas le sujet. Que je l’avais bien observé, dans ses mimiques, dans ses manies, dans le port. Retranscrits trente ans après à l’écrit, puisqu’il faut avouer que sur le terrain, je n’y suis guère parvenu. Ce qu’il a aimé, aussi, c’est le passage où le narrateur dit l’avoir croisé à la FNAC, sans oser l’aborder. Je lève un voile sur l’aspect autobiographique (quel scoop !), mais il m’a confié être de cette nature-là, aussi. D’où la pudeur et la confiance qui ont présidé à ces moments passés ensemble. J’ai apprécié qu’il vienne aussi le lendemain nous retrouver dans son palais, avec Eric et Gérard, qu’il les voit jouer, à un mètre de lui, à côté d’un Hufnagel déjà plongé dans le roman. Je suis un écrivain de la temporalité qui en refuse toutes les marques, dans ses romans. Pas un mot de ce que j’écris ne pourra restituer l’intensité de ces moments-là. Et quand un Béarnais de cette engeance vient vous serrer la main pour vous dire que vous avez bien parlé, on prend le compliment et on se tait, après. Pour profiter. Voilà, c’est ça : ce que j’ai gagné dans ce voyage, ce sont les rencontres qui suivront, mais dont je ne parlerai pas.
NB : un lecteur m’a donné deux photos historiques de Larrouquis l’Orthézien. Celle que je mets en vignette confirme sa dimension légendaire de Dieu Grec en plein cinquième acte. Ce fut un régal, pour revenir sur Terre, de les voir, Freddy et lui, tenter de reconnaître les spectateurs à cinquante centimètres d’une barrière posée à dix de lui.
18:14 Publié dans Blog | Lien permanent