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16/10/2012

Concordance des temps.

larrouquis moutète.jpgQuand Alain Larrouquis a posé sa voiture sur le trottoir devant la Moutète, à 19h30,  et qu’il en est sorti, le correspondant de presse locale a dit de moi à son accolyte : « regarde-le, il est ému, il va voir son idole ».  C’est bien lui, pourtant, qui l’attendait avec impatience depuis le milieu de l’après-midi, insistant pour que je le rappelle, ce que je n’ai pas fait.  Doutant qu’il viendrait, ce dont moi je ne doutais pas. J’ai compris en amont qu’à Orthez, chacun avait une idée de son « Alain », et qu’à peu près autant de personnes étaient dubitatives sur le fait que j’en fusse digne, moi, le Lyonnais qui venait s’approprier le Roi de la Moutète. La rock star du basket-ball, l’enfant terrible, autant de périphrases qui paraissent bien vaines quarante ans après mais que chacun, aussi, a gardées en mémoire. Pour le meilleur et pour le pire. Imaginez la vie de celui à qui, sempiternellement, on rappelle les frasques, les folies et les excès. Celui que arbitrairement, on va juger prétentieux parce qu’il a écrit les plus belles pages de la ville qui l’a couronné. Parce qu’il est grand, parce qu’il est beau, Alain Larrouquis a fait rêver des dizaines de milliers de personnes et il en est encore quelques-uns à lui en vouloir pour ça. Par jalousie, par aigreur, par comparaison aussi. Quand il est sorti de sa voiture, je crois bien que le plus fébrile des trois, c’étaient les deux autres, qui devaient attendre qu’il les reconnaisse à leur juste valeur. Même s’il était venu pour moi, exclusivement. Le quart d’heure passé avec le journaliste nous a permis, à lui et à moi, de fixer ce qui devait être dit et ce qui devait ne pas l’être. Quelques fussent les photos symboliques, l’important restait la rencontre, finalisée après une année de conversations téléphoniques. Et sur ce plan, je n’ai pas été déçu, comme je le disais hier : j’ai trouvé un homme charmant, prévenant, conscient de ce qu’il provoque et rassuré par ce qu’il m’a inspiré. Peu porté sur la nostalgie, sinon celle des traces de son enfance et des lieux que sa maman a traversés avec lui. Un homme soutenu par les membres du clan Larrouquis, dont deux de ses frères que j’ai croisés et qui m’ont glissé que, méfiant, il ne serait pas venu. J’ai apprécié d’être reçu pour ça, aussi, et lui ai présenté mes frères à moi, en retour. Le temps d’une soirée blues et spécialités locales, d’une conversation ouverte et décousue sur tout, le basket, les idoles, les temps qui changent. Sur l’esthétique, aussi, la race des champions qui l’ont inspiré lui, comme Johann Cruyff. Il m’a dit qu’il avait aimé mon livre parce qu’il n’en était que le prétexte, pas le sujet. Que je l’avais bien observé, dans ses mimiques, dans ses manies, dans le port. Retranscrits trente ans après à l’écrit, puisqu’il faut avouer que sur le terrain, je n’y suis guère parvenu. Ce qu’il a aimé, aussi, c’est le passage où le narrateur dit l’avoir croisé à la FNAC, sans oser l’aborder. Je lève un voile sur l’aspect autobiographique (quel scoop !), mais il m’a confié être de cette nature-là, aussi. D’où la pudeur et la confiance qui ont présidé à ces moments passés ensemble. J’ai apprécié qu’il vienne aussi le lendemain nous retrouver dans son palais, avec Eric et Gérard, qu’il les voit jouer, à un mètre de lui, à côté d’un Hufnagel déjà plongé dans le roman. Je suis un écrivain de la temporalité qui en refuse toutes les marques, dans ses romans. Pas un mot de ce que j’écris ne pourra restituer l’intensité de ces moments-là. Et quand un Béarnais de cette engeance vient vous serrer la main pour vous dire que vous avez bien parlé, on prend le compliment et on se tait, après. Pour profiter. Voilà, c’est ça : ce que j’ai gagné dans ce voyage, ce sont les rencontres qui suivront, mais dont je ne parlerai pas.

NB : un lecteur m’a donné deux photos historiques de Larrouquis l’Orthézien. Celle que je mets en vignette confirme sa dimension légendaire de Dieu Grec en plein cinquième acte. Ce fut un régal, pour revenir sur Terre, de les voir, Freddy et lui, tenter de reconnaître les spectateurs à cinquante centimètres d’une barrière posée à dix de lui. 

18:14 Publié dans Blog | Lien permanent

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