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14/09/2012

Syndrome de Diogène.

Je reste fasciné par ces personnes qui ont le talent d’effacer de leur vie et de leur mémoire ce qu’elles ont parfois vécu de plus beau avec quelqu’un dont elles ne veulent plus entendre parler. Je me dis systématiquement que ce refoulement-là finira par leur exploser à la figure, mais, en avançant dans l’âge, j’ai bien peur qu’elles aient eu raison et que ce soit moi qui regrette un jour d’avoir mené tout ça au bout.

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13/09/2012

R.C.C.(C)*

C’est tout de même beau d’avoir de la culture : royalement assis sur le trône, il m’a fallu attraper, avec la paresse de me lever, un rouleau de papier hygiénique, encore dans l’emballage avec onze de ses congénères. Sur l’ensemble duquel reposaient les pastilles de Javel utilisées pour rendre l’endroit plus propice encore à la lecture de la presse nationale. Dilemme : me lever pour ne pas faire tomber le produit toxique, ou soulever délicatement le tout, le tenir droit et l’abaisser doucement ? La deuxième solution s’est imposée à moi, qui tenais encore le « Canard Enchaîné » dans la main gauche. Et tout à coup le souvenir m’est apparu : je n’étais plus seul, ni même moi, j’étais - l’espace de cet instant dans les gogues - Charles Vanel dans « le Salaire de la peur ». 

* Référence Culturelle Collective (Cachée)

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12/09/2012

Le doute m'habite©

doute.jpgMes amis du Collectif d’artistes "Tous à l’Ouest" présentent dès demain une exposition à St Polycarpe sur le doute. Il était convenu que j’y participe : j’avais même proposé une conférence sur le sujet dont on se serait demandé, jusqu’au bout, si elle était sérieuse ou farfelue. Introduire le doute, en quelque sorte, plutôt que de l’exposer. Je pensais à Lorca, à sa Conférence de Suède sur le « Duende », concept auquel personne n’a rien compris, sans oser le dire, ce qui l'a beaucoup fait rire. L’idée était bonne, il m’a manqué, cet été, l’énergie pour le faire. J’ai aussi craint la dispersion. J’ai renoncé, c’est dommage, mais j’écrirai cette conférence un jour : je dirai à quel point, philosophiquement , le doute accompagne la pensée comme une altérité d’elle-même. Qu’il détruit l’opinion, ennemie du savoir, sur le mode cartésien. Qu’il permet, de Montaigne à Nietzsche, de lutter contre toute forme de dogmatisme, en même temps qu’il autorise la juste conduite. Je serais allé jusqu’au pyrrhonisme, sans doute, mêlé à l’affreux dilemme de ne jamais savoir que choisir comme dessert à la cantine. Pour autant, je n’aurais pas repris mon titre, pour l’éternité lié à Desproges. C'est demain, j'y serai.

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11/09/2012

Nine Eleven.

68143685.jpgLe onze septembre,  j'ai certainement demandé à ma maman de me remettre l'histoire que j'aimais bien sur le tourne-disques, je l'ai forcément écoutée en mangeant des yeux les images du livre qui l'accompagnait, peut-être espéré fort que je puisse un jour déchiffrer les lettres qui font des mots, les mots qui font des phrases... J'ai dû triturer la vieille couverture qui me servait de doudou, passer la main dans les boucles de mes chevaux blonds et sucer mon pouce en me disant que la vie était là. Je ne me souviens pas que mes parents aient évoqué la disparition de Melville et de John Ford, je parierais davantage, culturellement, que mon père s’est réjoui de la nomination de Kovacs comme sélectionneur de l’Equipe de France de football. On devait vivoter tranquillement, rue Dumont d’Urville, à la Croix-Rousse, le 11 septembre 1973. Sans savoir qu’au Chili, ce jour-là, on faisait disparaître un homme d’Etat pour instaurer une dictature plus conciliable avec les intérêts des Etats-Unis. Sans savoir que vingt-huit ans après, Noir Désir sortirait son dernier album studio, contenant « le grand incendie », une chanson dans laquelle New-York est en flammes. J’avais cinq ans, je ne pouvais pas me douter.

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10/09/2012

Tremens.

Je ne suis pas paranoïaque, mais ces familles qui occupent tout un trottoir et me forcent à piétiner derrière, que cherchent-elles à m'empêcher d'atteindre?

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09/09/2012

Être est tant.

Il arrive parfois de drôles de choses, la nuit. Sans doute parce qu'une "amie" reprend en ce moment des études de philosophie, j'ai repensé à cette jeune fille avec qui j'ai sympathisé, quand j'ai moi-même entrepris d'y retourner, en 2002. Je l'avais faite entrer dans mes portraits de mémoire. Je ne l'ai jamais revue, mais voici le texte tel que je l'ai retrouvé. Avec des allusions, déjà, à ce qui ponctuera mes  écrits, par la suite. Pour l'histoire, cette jeune fille a été la première non-normalienne reçue à l'agrégation de philosophie. Et je lui dois une discussion très étrange sur la mort et la maladie, juste avant qu'elle ne frappe. J'en reparlerai.

Robe-Chinoise-Courte-Soie-Dragon-Phenix-Rouge-Traditionelle.jpg« Heidegger au Congo ». Dans la bande dessinée de Brétecher, on voit Agrippine avachie sur un sofa en train de survoler un illustré ainsi titré : une façon de moquer gentiment la prétendue mollesse des post-adolescents et de rendre accessible le penseur du da-sein. Léticia I-M., 22 ans, autant le dire, ne s’est sans doute jamais, au cours de sa courte vie, retrouvée dans cette position-là. Trop de travail, toujours une version à revoir, une dissertation à préparer. C’est qu’elle s’est jurée de réussir, cette longue jeune femme qui n’a même pas pris le temps de se voir grandir, de se savoir séduisante, aussi, mais là est un autre problème.  On voudrait dire d’elle qu’elle est anachronique mais elle s’en défend, bec et ongles : « simplement une jeune vieille chose échevelée… » ; pourtant, fut-ce la robe chinoise qui lui sied à merveille et transporte le regard vers une culture toujours ailleurisée, on peut sourire aussi de l’entendre parler de Yves Bonnefoy, quand on pense que même Yves Bonnefoy nous a donné l’impression d’être d’un autre temps… Etre est tant, se dit-elle, constamment, quand elle vérifie que ceux de son monde n’ont pas comme elle la rage du savoir, quand celui à qui elle pourrait s’abandonner lui dit adorer « Notre Dame de Paris » en comédie musicale alors qu’elle pourrait lui réciter par cœur et en grec ancien les apories de Zénon d’Elée. Comme celui-ci :  "le plus lent à la course ne sera jamais rattrapé par le plus rapide; car celui qui poursuit doit toujours commencer par atteindre le point d'où est parti le fuyard…" Comment peut-elle expliquer ça, Léticia I-M, sauf à dire que cette rage-là, elle la doit autant à une mère pugnace, qui tâte de l’écriture, du journalisme et laisse sa fille faire de sa vie ce qu’elle aurait aimé en partie faire de la sienne, et que, oui, l’aporie d’Achille et la tortue n’est pas valable en pratique. Et alors ? Et après ? Son problème est là, là est sa force aussi, celle dont il faut se convaincre : elle dit que socialement, il est plus facile d’être en couple, que les autres vous acceptent davantage quand vous êtes deux, elle sait pourtant qu’on n’est jamais vraiment deux, et qu’on « ne vit que moyennement »,  hélas ! Peut-être est-ce le sang andalou qui coule dans ses veines qui l’amène à ne jamais concéder : le sait-elle, que c’est Antonio Machado, le premier, qui a stigmatisé ce moyen-terme qu’elle abhorre ? "Et quand il ne vous restera plus que quelques heures à vivre, souvenez-vous du dicton espagnol : "on n'a rien écrit sur les lâches". Vivez ces heures en vous souvenant qu'il faut que l'on écrive quelque chose sur vous", écrivait-il, sans se douter qu’un jour, des personnes se serviraient de ces principes pour  en encourager d’autres à ne pas les tenir de trop près… Parce que si Léticia I-M n’a que 22 ans,  elle est surtout le miroir de cet âge qu’on a dépassé : c’est en réflexion qu’on vient la voir, sans reconnaître que si l’on se réjouit de ce qu’elle est, on peut douter de ce qu’on est devenu ; c’est pour ça qu’on voudrait qu’elle délaisse un peu ses mythologies, qu’elle sache qu’il n’est nul besoin d’être agrégatif pour savoir agréger des valeurs, les qualités humaines requises pour aimer simplement. Et qu’on souhaite qu’elle trouve une place à sa juste valeur, qu’elle puisse donner à d’autres un peu de ce qu’elle a reçu : quand son « père » lui dit, le week-end, dans la Drôme : « alors, Hervé, on va jouer au foot ! », il sollicite chez elle une des facettes qu’elle ne rechigne pas à montrer, le côté brut, garçon manqué qui la fait parler fort, réciter par cœur toutes les chansons paillardes qu’elle affectionne, se faire détester des précieuses… Il sollicite chez elle la part la plus abrupte, celle qui lui reste à surmonter pour être, sinon adoptée, du moins davantage dans le décalage que dans l’anachronisme… Bon, ceci dit, elle a rendez-vous cet après-midi avec un jeune garçon dont les parents désespèrent de le voir progresser en français ; la scène est ubuesque, puisque lui habite les beaux-quartiers de Lyon, n’a aucune envie d’en savoir plus qu’il n’en sait et donnerait cher – ce que ses parents font, de facto -pour qu’on le laisse dans l’ignorance. Qu’on ne lui demande plus ce qu’est le pathétique : « une semaine après que je lui ai expliqué, cet idiot me donne la même réponse : ah ouais, c’est quand on est pathétique ! ». Léticia, quelques années de plus, à peine, paierait elle pour continuer,c’est là que le bât blesse : les études coûtent cher, il va lui falloir trouver un moyen de gagner sa vie, sa maîtrise sur Bataille en poche, et la mention qui va avec. On se met à réfléchir au système éducatif français, tellement injuste quand il ne se reconnaît pas autrement que dans ses élites ceux qui l’honorent le plus. On se dit que Ulm, quatre-vingts ans après Nizan, pourrait regretter de ne pas l’avoir intégrée ; avec la même épitaphe que celle que s’était écrite lui-même l’auteur de Aden-Arabie : « espoir de la sociologie, malheureusement pas de la nôtre ».

 

 

 

 

 

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08/09/2012

One day good-bye will be farewell.

Cet acteur comique qui vient de s’éteindre, de sa belle mort, dans un dernier sourire, personne, sinon sa famille, ne retiendra d’autre de lui que le visage lumineux de ses jeunes années, quand tout le monde, à travers la lucarne, « l’aimait bien », sans pouvoir donner un nom au comédien. Les seconds rôles, tout le monde les connaît, personne ne s’en rappelle, sauf quand l’actualité les rattrape. Quand une simple information nous ramène à des temps qu’on ne veut jamais voir révolus. Je n’aime ni les commémorations, ni les hommages rétrospectifs : ce n’est pas Laverdure que je trouve beau - ce qu'il n'était pas - c’est Christian Marin tel qu’on a plus ou moins refusé de le voir, dans sa vieillesse flamboyante.

NB: rien à voir avec le sujet, mais merci à tous ceux qui sont revenus, en nombre. A croire que je vous ai manqué, tiens!

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07/09/2012

Les vieux copains.

J’ai rencontré S. à l’Université, il y a plus de vingt ans, maintenant. J’y revenais, après des choix discutables, lui semblait s’y être installé à demeure : il avait trente ans, n’était soumis à aucun impératif, vivotait dans un studio entouré de livres. Sa compagne nous parlait de lui comme du Proust du XXI° siècle, rien que ça. En cours, il épatait autant par sa culture que par sa propension, qui aurait dû nous alerter, à éluder les consignes, à ne pas faire le travail comme on le lui demandait. A force, il s’est taillé une place à part, ne revenait, quand un exposé lui était demandé, que deux ou trois semaines après, hirsute, ivre de vin et de références entassées sur le sujet. La société, déjà, ne semblait pas taillée pour lui, qui cherchait à enfouir des racines bien terrestres sous des représentations mythiques : quand il parlait d’agrégation, c’était sans doute pour ressentir ce que Sartre et Beauvoir avaient éprouvé en en parlant, longtemps avant. S. a péniblement – et sans grande égalité – obtenu une licence, a échoué à s’attaquer à un travail cohérent de recherches sur un auteur. En étudiant Baudelaire, il le plagiait. En travaillant sur Proust, il n’en disait rien qui ne fût compréhensible. Est arrivé le temps de la marginalisation, des articles critiques sur le cinéma que lui seul pouvait décoder, les premières velléités de tromper l’ordre social. En simulant la folie, l’irresponsabilité, jusqu’à parfaitement réussir, sur ce plan. Si l’on ne tient pas compte des premiers séjours en maison de repos, des camisoles chimiques, des vols au-dessus des nids de coucous. Vingt ans après, puisque S. a eu 50 ans, après quelques recueils de poèmes tous plus opaques les uns que les autres et surtout jamais soumis à la lecture et à l’édition, S. est revenu. De tout. Il est sous tutelle, habite un appartement charmant et vivote, sans plus rien attendre de la vie qu’elle se passe. Sa lucidité, récente, est effrayante : dans dix ans, me disait-il hier, il touchera une allocation vieillesse qui ne lui permettra plus de rester là où il vit. Il a dix ans pour voir venir, mais vingt ans se sont déjà écoulés sans rien lui apporter de bénéfique, pas même l’espoir de lendemains meilleurs. Il y a quelque temps, il me disait ne plus rien attendre de la vie, pensait se la reprendre. Je l’ai supplié de ne pas précéder sa mère dans le Voyage. J’aimerais pouvoir faire plus que de l’assurer ponctuellement de mon amitié, aller boire des pots comme on le faisait au Café des Facultés. Devant lequel je passe tous les matins pour aller travailler. Ce qu’il n’aura jamais fait. Je voudrais pouvoir faire plus et pourtant, quand je l’ai quitté hier, j’ai pensé immédiatement à l’inavouable soulagement que Jules éprouve quand il quitte le funérarium, les corps de Kathe et Jim à peine réduits en cendres… 

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