13/02/2012
Interchangeables.
On peut toujours s’interroger sur le sens des histoires, des relations, des existences, même, au sens large. Je peux reprocher à ma culture de m’avoir enfermé dans l’idée d’un jugement dernier, un moment où tout le monde se retrouve comme s’il ne s’était rien passé. Comme si les silences, les liens défaits, les mots vidés de leur sens n’avaient pas existé. Je lis – enfin – le superbe « Rien ne s’oppose à la nuit » de Delphine de Vigan, un livre que j’ai brocardé par jalousie parce qu’on ne parlait que de lui. Avec quelle raison, ma foi ! Je partage avec son auteure l’appréhension de sa fin, ce dénouement qui fait qu’au bout du compte, une vie reste une vie, avec ses imperfections et ses zones d’ombre. Ses drames, aussi, même ceux qu’on n’a pas dits. Que reste-t-il de nos amours, dit l’autre, la question se pose et, ironie, j’ai déjà trouvé de mon côté les mots pour y répondre sans rien en savoir de plus. Sophisme, alors ? Je ne sais pas. Mais il règne dans ce froid sibérien comme un parfum de pourriture de mon propre royaume. Avec peu de perspectives, sinon celle de la fuite en avant si bien décrite par Delphine de Vigan. Allez, pour peu que je trouve un capillicuteur d'ouvert demain, je vous ferai une petite note rigolote. Puisqu'il le faut.
NB: ci-joint mon cadeau de St Valentin, pour toutes les lectrices de ce blog. Du romantisme échevelé brut, dirait mon éditeur. Vous retrouverez la version chantée dans le prochain disque d'Eric Hostettler, bientôt.
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12/02/2012
Backstage.
Ce ne sont pas encore des loges, mais un local qui sent la poussière et où sont enfermés des tapis de sol, des chaises supplémentaires et de vieilles paires de ski dont on se demande si elles resserviront un jour. Fred D. nous a menés là pour qu'on fasse quelques exercices respiratoires et élocutoires; de la sophrologie pour artistes, efficace, même si voir Gérard V. dégingandé comme ça n'incite pas au plus grand sérieux. Il y a de la tension, de l'adrénaline dans ces moments-là, l'analogie avec le ring ou l'arène n'est pas anodine. Les exercices s'enchaînent, on sait qu'on a au moins un bon quart d'heure devant nous, le temps, nous a-t-on dit, que le responsable de la sono revienne. C'est un moment inédit pour moi, dans son partage: habituellement, quand je m'adresse à un auditoire, je respire profondément, je dis "Bien!" et je commence. Là, je suis avec les autres gladiateurs, dans le local à balais sans balais qui nous abrite avant le grand cirque. Et c'est à cet instant précis, alors que nous commençons à relâcher la tension accumulée, qu'on entend le public applaudir d'impatience. C'est une impression inouïe, toxique: à peine ressentie, on ne vit que pour la retrouver.
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11/02/2012
Valse-moi encore, Camille
"On n’apprend pas à commencer, on sait ce que la pièce nous apporte, la part de soi qu’on n’a pas réussi à exprimer. C’est pour ça que les mains de ta Cathédrale se rejoignent, que ses doigts se touchent comme ceux d’un anxieux, qui continue de tailler le bloc de ses impuissances. Devant chez toi, je suis à l’attente ce que tu es au bloc de marbre vierge : un scrutateur et un innocent. Conscient de ce qui se trame, de ce que vais engager, acceptant qu’elle m’échappe. J’accepte d’être façonné autant que de façonner, parce que je n’y échapperai pas. Mieux, je le sollicite : c’est ton paradoxe, jusqu’à la folie, qui t’a épargné en te frappant au plus intime. On te sollicitait pour faire école de ton art, Rodin, tu déclinais des méthodes sans pouvoir dire que tout était dans la façon dont tu regardais les gens et les choses. Pour faire un bon Hugo, il faut aimer Hugo. Un écrivain qui ne s’en défait pas fera au mieux du Hugo : dans ce que tu ériges, tu as un pouvoir qu’Hugo lui-même n’a pas eu, celui de faire Hugo. Va expliquer la genèse à celui qui veut savoir quel est le ciseau le plus efficace, Rodin."
Extrait de "Valse Claudel", à paraître prochainement (si tout se passe bien).
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10/02/2012
Chanson pour les amis.
J'avais cette pensée, dernièrement, que la seule marque possible de longévité relevait de l'amitié. Pourtant, à bien y regarder, ce domaine-là évolue comme les autres, avec les mêmes accidents, les mêmes mutations. Mon obsession de toujours: à interroger la permanence, c'est le mouvement qui s'impose. Il m'arrive, dans les gares, de moderniser l'expérience d'Einstein (ou de moi enfant, c'est selon) et fixer l'horloge électronique sans ciller, jusqu'à ce que j'aie vécu pleinement une minute. Je suis sûr que parmi mes amis, il y en a qui savent ce que c'est que de ne pas perdre une seule des minutes qui nous sont attribuées à tenter de la gagner. C'est celà, en somme, que je cherche à partager: je voudrais qu'on m'aide à perdre mon temps. Durablement.
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09/02/2012
Papon-pin!
Un peu trop nerveux, encore, pour vous en parler calmement. Pourtant, l'incident date déjà d'il y a quelques heures, mais d'avoir été entouré de cinq molosses de la Police Nationale n'entraîne pas forcément la lucidité. Que je leur aurais bien confié tenir dans mon froc, à la Ferré, si je n'avais pas été astreint, tout au long de cette discussion animée, à la correction extrême, dans le langage du moins. Parce que pour le reste, entre une scène évidente de "Un monde sans pitié" et ma défiition historique de ce qu'est un demi-flic (un mec qui sait ni lire), je dois avouer que j'ai été tenté. Mais que j'ai tenu bon. Sauf quand le commandant m'a indiqué avec un sourire entendu que les Lumières étaient dépassées. Là, ça m'a agacé: j'ai tenu à lui rappeler la mission de la police dans le politis, son devoir de pédagogie (qu'il a vite renvoyé aux profs...), l'importance, dans le Cité, de la bonne foi du citoyen: il n'a rien voulu entendre. S'est détendu et humanisé trop tard, lui ai-je aussi dit, une fois la potestas appliquée, pas la potentia, ni l'auctorictas. Evidemment, cette histoire m'a coûté 90€, mais je me suis payé le luxe, en partant, de demander à mon bourreau de m'ouvrir l'avenue Garibaldi pour moi tout seul et lui ai confessé, dans un sourire, l'irrésistible envie de l'écraser en partant.
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08/02/2012
Presse.
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07/02/2012
Un homme à la mer.
Le cerveau humain marque parfois quelques limites. A la personne qui me disait que telle chose vécue l'avait été il y a vingt ans, je répondis que ce n'était pas possible, que ça ne datait que de 1991. Elude-t-on volontairement la notion du temps qui passe ou certaines ères restent-elles figées là où on les a laissées? Est-ce un déterminisme culturel que d'imaginer que l'on retrouvera des lieux, des personnes et des parfums au moment même où on les a quittés ou simplement l'émanation de ma très grande imagination et de ma naïveté coupable? Il y aura vingt ans l'année prochaine que Jacques Doillon réalisait pour la télévision un film que je n'ai jamais pu retrouver, "Un homme à la mer", mettant en scène un homme partagé entre deux vies, deux femmes (et une fille), une avant et une après cinquantaine, et qui, ne pouvant choisir, choisit de ne pas le faire et d'échouer, littéralement, au Grand Hôtel, à Cabourg, jusqu'à ce qu'on vienne à lui. Je n'ai jamais oublié l'impression que ce film m'a fait: comme une prémonition, 25 ans avant, même si, à l'instar de Doillon, je peux facilement récuser l'aspect autobiographique. Non, c'est aujourd'hui... J'ai parlé de "Amantes" d'Aranda dans le PAL. Là, juste là, je vous le dis : il y a des moments qu'on n'oublie jamais.
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06/02/2012
Et Patatras!
Ça en serait presque drôle, mais d’un « comique terrible et douloureux »*. Voilà que dans plus d’une sphère de mon existence, je rappelle à des êtres de démesure ce qu’est le péché d’Hybris, en bon philosophe, et que ma vie d’homme me conduit à plus d’une extrémité moi-même, comme si je ne pouvais pas me résigner au sort du simple mortel. Gérard me demandait dans la voiture en rentrant d’où pouvait bien nous venir ces inspirations qui nous déterminent et nous ont conduit, tous les deux, à un sketch de scène que jamais je n’aurais imaginé pouvoir vivre un jour (le marquis de Patatras, dont je reparlerai). Je n’ai rien pu répondre d’autre que le fait d’être tout entier tendu vers un but ne nous permet pas forcément de l’atteindre, mais de s’en approcher : un télos, quoi… Mais pour l’après, je ne sais pas. Celui qui nous chantait « à ton étoile » a fini dans le pathos, et nous, parce qu’au moins je me reconnais dans un certain nombre d’entre nous, nous avançons sur le chemin accidenté – au sens phénoménologique – de notre existence. Et tout est toujours à refaire et à découvrir : rien ne m’est plus sûr que la chose incertaine, alors.
*Théophile Gautier à propos de Lorenzaccio et de ses turpitudes à Firenze.
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