18/03/2016
L'impromptu de Florence.
L’action se passe sous les arcades du Palais Pitti. Laurent de Médicis, qui n’a pas encore rencontré Clarisse Orsini, jouit d’une solide réputation de séducteur. Ippolita Maria, fille de Francesco Sforza, au mariage de laquelle il a assisté, l’aborde secrètement.*
Ippolita Maria Sforza
Vous m’intriguez, Monsieur, je ne sais si je dois
Vous demander des comptes sur un subit émoi
Laurent de Médicis
Que je vous inspirai ? Vous me flattez, Madame !
Ippolita Maria Sforza
Je vous prie de cesser de jouer de vos charmes !
Je ne vous parle pas de ce type d’émoi
Qui ne touche jamais qu’êtres de peu de foi !
Mais de la position que vous prenez, céans
Qui vous donne les traits d’un fieffé Don Juan
Dont on ne sait jamais quelles sont les humeurs
Ni de quelles régions sont les élans du cœur
Laurent de Médicis
Vous pensez me connaître sous ces attributs-là
Qui vous rassureront puisque ces entrelacs,
Il va sans dire, Madame, qu’ils ne sont pas les vôtres :
Vous n’êtes pas de celles qui rampent et se vautrent !
Ippolita Maria Sforza
Monsieur, vous m’outragez !
Laurent de Médicis
Il n’en est rien, Madame !
Ippolita Maria Sforza
Pourtant c’est outrancier !
Laurent de Médicis
Mais si loin de votre âme !
Puisque les Florentines tiennent de leur Cité
Le don de ne sortir jamais que maquillées
Des plus belles peintures qu’on ait jamais perçues
Vous n’avez pas le vice, Madame, mais la vertu !
Ippolita Maria Sforza
Vous savez bien flatter, mais savez moins répondre
Aux questions qu’on vous pose et pourtant sans encombres
N’y a-t-il pas ici quelques afféteries
A ne montrer de vous que cette face-ci ?
Laurent de Médicis
Pour la clarté, Madame, vous avez un époux !
S’il vous voyait ici, que dirait-il de vous ?
Ippolita Maria Sforza
Rien de ce qui m’attire ne peut m’être fatal
Quand le lien que j’ai pris est fidèle et moral
Laurent de Médicis
Et si je vous disais, Madame, que je l’envie
Cet être qui à vous un jour on a uni ?
Ippolita Maria Sforza
Je vous dirais, Monsieur, que vous pourriez aussi
Etre d’une ingénue le fidèle mari
Laurent de Médicis
Que je n’aimerais plus dès lors qu’un regard
Se porterait sur moi sans que j’y prisse gare ?
Non, non, je vous le dis, je n’aimerai personne
Que je ne puisse aimer sans peur du monotone
Je peux garder de vous le meilleur sans conquête
Il suffit qu’un sourire, une pensée s’y prête
Et si cet absolu dépasse l’Apennin
Je resterai là, seul, en maudit florentin !
Je préfère aimer plus que l’on m’aime en retour
Qu’on me condamne donc sans ultime recours :
On dira de ma vie qu’elle se fît dans l’errance
Mais on dira aussi qu’elle séduisit Florence.
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16/03/2016
Tautogramme.
Zélie, zélée zootechnicienne zozotante, zouave zupéenne zutiste, zen zairoise zyeutant la zilcade, zoomait, zoomorphiste, la zoocécidie zoographe du Zérumbet quand, Zim Boum Boum ! la zapatéado zénithale du zazou zigoto zigouilla le zeugma zézéyant !
16:33 Publié dans Blog | Lien permanent
15/03/2016
Anassaï.
La version en concert date de 1987, contrairement à ce que cette vidéo absconse laisse croire. Du dix février exactement, au Vaisseau Public, rue Hippolyte Flandrin. C’étaient les débuts de ce groupe de rock héroïque dont on parlait dans les beaux quartiers : de beaux jeunes gens bien mis, aux cheveux longs et aux fans hystériques, qui poussaient, épaules en avant, les passages d’un Opéra dont le seul défaut, au final, aura été de ne pas contenir cette chanson jamais oubliée et que j’ai été le premier à numériser, à partir de la vieille cassette qu’un ami avait obtenue de la régie. A l’époque, on brandissait ça comme un trophée, en gardant un air pénétré : toute personne qui y prétendait devait être cooptée, au pire, on pouvait lui en faire une copie en appuyant, de temps à autre, sur la touche pause, histoire que l’originale reste inviolé… On ne se doutait pas que cet imbécile besoin de possession exploserait en vol quelques décennies plus tard, que tout deviendrait accessible et partagé. On ne se doutait pas non plus que ce même groupe serait encore là, trente ans plus tard et rassemblerait, une fois encore et avant de nouvelles aventures, les mêmes personnes, moins quelques-unes plus quelques centaines d’autres. Dont leurs enfants. Et beaucoup de mes ami(e)s. Des retrouvailles auxquelles je n’assisterai pas, mais si le groupe devait la chanter, cette chanson, qu’ils sachent que je l’entendrais, et de loin : par-delà les eaux et les plaines.
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14/03/2016
Stratégie d'effacement.
On me confirme aujourd'hui, enfin, que mon "contrat" d'animateur au Salon du Livre de Saint-Etienne n'est pas renouvelé, pour des raisons de réorganisation. L'atelier d'écriture que j'ai animé cette année, à Divonne-les-Bains, était une expérience unique, au budget réaffecté à d'autres expériences. Il n'est pas question d'une librairie qui m'invite pour parler de "Paco", ni d'un Espagnol qui y porte intérêt. J'ai bien failli, il y a une éternité, parrainer le comité de lecture d'un festival qui m'a primé puis oublié. La Région qui m'a attribué une Bourse a bien tenté de me relancer, récemment, mais n'a pas répondu au dilemme que je leur ai posé: publier un mauvais livre en leur nom ou attendre que ce livre-là soit bon, seule condition pour qu'il sorte sous mon nom à moi? Je sais qu'elle organise désormais, parmi les auteurs dotés, des rencontres autour de la façon dont on fait les romans, mais ça s'est organisé juste après moi. Je vais réunir, bientôt, autour d'un événement, trois des cinq auteurs qui faisaient partie de la liste 2009 de Lettres-Frontière, mais ce coup-ci, je serai du côté de ceux qui balaient la salle avant de partir. Il n'y a pas de sot métier, juste des chemins qui se croisent, ou pas.
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13/03/2016
Rien de nouveau (sous le soleil).
Les processus de création… Vendredi, mon vieux complice Eric Hostettler m’envoie des mélodies sur lesquelles il chante en yaourt, mais un yaourt très codifié, puisqu’il a l’habitude de mes textes : les couplets sont en octosyllabes, il sait que je les adore et que la source est inépuisable, chez moi : à Etretat pour faire le point, en 2013, j’en ai écrit deux cent quarante en trois séances de méditation en haut des falaises. Mais la question n’est pas là : son refrain, par contre, est en 11/5/3, composition bancale sur laquelle j’échoue, lamentablement, pendant tout le week-end. D’autant qu’il y place une idée qui me plaît, que j’aimerais reprendre, mais qui dessert le reste du texte. On coince, dans ces cas-là, on attend le lendemain en espérant que la nuit portera conseil. Ce qu’elle fit, sous une forme inattendue, et le visage de mon vieil éditeur (et mon ancien formateur de philosophie), que je croise inopinément dans mon rêve et dans ma rue , qui me demande abruptement si je connais l’Ecclésiaste. Je bredouille, ressors ce que j’en ai lu, ce que j’en sais par Voltaire. Le reste de mon rêve ne me dit pas si j’ai (de nouveau) réussi l’examen de passage, le énième qu’il m’aura fait passer. Mais le refrain de la chanson, au matin, est venu tout seul.
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12/03/2016
Pauvre Martin.
La mouette blessée me laisse à penser que les hommes sont bien lotis, mais l’état du monde et les déchets plastiques sur les plages me ramènent au pessimisme.
19:43 Publié dans Blog | Lien permanent
11/03/2016
Les prétendants.
Ils sont quand même un peu partout, ont un boulevard devant eux : dans cette virtualité devenue norme, on passe un temps infini à se défaire des rois de la mise en abyme, ceux qui aiment ceux qui les aiment, pire, ceux qui s’aiment tellement qu’il faudrait qu’on les aime. Ceux qui s’approchent au plus près de celui qui a la carte, récréent la courtisanerie, écrivent, chantent, peignent pour plaire, et non parce qu’écrire, chanter, peindre leur est nécessaire. Parfois, ils épousent même, dans un cadre très structurel, les discours et les postures de l'anticonformisme, devenu conforme, lui aussi. Pourtant, le monde artistique s’est écrit sur cette seule leçon, qu’on apprend parfois à nos dépends mais que tout le monde n’a pas retenue : les meilleurs, les nécessaires, sont souvent les plus discrets. Passent leur temps à travailler autre chose que leur image.
15:59 Publié dans Blog | Lien permanent
10/03/2016
Pain perdu.
Les gestes désespérés de la boulangère ne me retinrent pas dans ma volonté d’asséner à cet homme sa discourtoisie : non, Monsieur, on ne parle pas comme ça à une commerçante, non, Monsieur, on ne lui intime pas par geste le choix qu’on a fait de telle ou telle baguette ! Et Monsieur, quand on a de l’éducation, on s’excuse, on répond, au moins. Madame, permettez… Ah. Si j’avais su qu’il était sourd et muet, je l’aurais laissé passer, moi, cet homme.
19:53 Publié dans Blog | Lien permanent