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14/08/2015

On efface tout.

"L'Hippocampe atrabilaire" attendra un peu: déçu par les propositions des différentes plateformes de blog (soit une formule gratuite mais peu malléable, soit une offre excessive) et par leur nouvelle politique (hideuse) de présentation, j'ai pris mon plumeau à poussière virtuel et je suis remonté le long de ces six dernières années, effaçant méthodiquement non les notes, mais les fichiers joints, les vidéos, les chansons afférentes. Tout ce qui était signalé en Mo: j'ai épargné les Ko, pour l'instant. La mémoire numérique se débat sous le sujet du droit à l'oubli, le plus souvent. Je revendique l'inverse. Mon vieux Cheval tient donc le coup, encore, vieille haridelle qui n'attend que de la nouveauté. J'en ai mis, dans le décor, dans les meubles, dans les activités à venir. Qu'il reste nizanien ou se change en maritime ne changera rien, par contre: jusqu'au bout, je me battrai.

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13/08/2015

Déménagement à venir.

Il fallait s'y attendre, depuis le temps que Hautetfort m'annonce que je suis à 95% de mon potentiel de mémoire, il va falloir que le Cheval émigre sous d'autres cieux, très vite. Recommencer de zéro après plus de 1800 notes, se refaire un public de fidèles. Fut un temps, ça m'aurait causé bien des soucis. Mais maintenant...

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12/08/2015

Ecrits de Lyon (6).

A force de balades sur les quais de ma ville
Je retrouve peu à peu ce qui m’avait manqué
Des images de toi, puis de moi sur le fil
Des amours infinies, éternelles et passées
 
Nous déambulerons par ici, par les rues
C’est ce que tu disais, juste avant d’arriver
Nous irons voir ensemble les jardins suspendus
Autant de ces futurs qu’on conjugue au passé
 
Pas plus de souvenirs que d’amers regrets
On n’est jamais vraiment que ce qu’on a été
Pas plus de repentirs que d’hivers à quai
On apprécie l’instant, c’est ce que tu disais
 
Les délices du froid sur mon âme engourdie
Ramènent à mon cœur l’illusoire prémisse
De nos emballements, du secret de nos vies
Des serments établis, des errements qui s’esquissent
 
Sur les quais d’une ville que tu n’as fait que fuir
Des images de toi, ça et là parsemées
Des échos de ta voix que ma mémoire émet
Quand mon émoi renaît parce que l’absence empire
 
Pas plus de souvenirs que d’amers regrets
On n’est jamais vraiment que ce qu’on a été
Pas plus de repentirs que d’hivers à quai
On apprécie l’instant, c’est ce que tu disais
 
Voilà combien de temps que ce conte d’hiver
Arraisonne mon cœur, harponne ma raison
M’éconduit sur le seuil des amours délétères
Et règle son pas sur les pas des passions
 
Combien de quais franchis dans les aubes glaciales
Suivant des crépuscules qui n’en finissent pas
Les quais sont tous les mêmes, et le vide abyssal
Ne m’emmène jamais que vers d’autres que toi.
 
Pas plus de souvenirs que d’amers regrets
On n’est jamais vraiment que ce qu’on a été
Pas plus de repentirs que d’hivers à quai
On apprécie l’instant, c’est ce que tu disais

13:58 Publié dans Blog | Lien permanent

11/08/2015

Ecrits de Lyon (5).

eeb92df2-5d11-42c2-875d-d2b899089b31.jpgIls arrivèrent à la gare de Vaise dans l’après-midi, Lyon était dans la grisaille et le froid. On voyait poindre la cathédrale à travers un épais brouillard, qui enfermait les quais de Saône, le premier fleuve qu’ils virent de la ville. Beurrier les attendait, guettant la petite troupe originale qui contenait l’ingénieur dont il aurait besoin, pour les années à venir. L’homme, un peu plus jeune que Anton, scrutait d’un œil inquiet la foule des voyageurs qui descendaient, laissant les autres continuer sur Marseille et un hiver plus clément.  Il avait l’air de ceux en qui on fait confiance du premier coup, ou pas. Anton ne se posa pas la question, remit le sort de sa petite famille entre ses mains. L’homme les dévisagea avec curiosité, mais eut le même réflexe, décida de se fier à la situation. Il leur souhaita la bienvenue, sans trop forcer sur le discours, qu’il déléguait à d’autres, au sein de son entreprise. Il visait principalement Anton, qui n’en attendait pas moins, et faisait peser, sans mauvaise attention mais sans envie de perdre du temps, le poids de sa délégation sur les services qu’il était supposé rendre, à court et moyen terme. Anton accepta le marché, qui ne dépareillait pas de ceux en vogue dans son milieu : soit on sert un projet, auquel cas on peut prétendre à un poste, soit on ne le sert pas, auquel cas on n’aura fait que prétendre. Ce qui, dans la branche, signait sa fin immédiate, via les interactions entre les corps de métier. Une fin à laquelle Anton, sans hésiter, aurait préféré la mort, celle qui avait pesé sur lui une bonne partie de son existence sans qu’il s’en rendît compte, qui l’avait préservé, ces derniers temps, mais qui portait, toujours, sur les frêles épaules d’un attelage iconoclaste. L’homme les reçut sans trop de ferveur : ce n’était pas un habitué des mondanités et seul Anton l’intéressait, dans le lot. Mais il était convenu qu’il les emmène, dans l’appartement qu’il leur avait réservé, à la Croix-Rousse, puisque tout partait de là. Trois Mors de type N - engrenages taillés en V, à denture hélicoïdale, dit-il à Anton, pour le tester - les attendaient, avec chauffeur. L’une d’entre elles repartirait avec Anton, une fois les autres installés : ils avaient du travail à faire. Les trois véhicules démarrèrent et l’impression de rentrer en conquérants dans la ville les comblait d’aise, malgré le froid. Les voitures longèrent les quais de Saône, la traversèrent et empruntèrent les Esses, avec difficulté. Ils remontèrent le boulevard de la Croix-Rousse, passèrent à proximité d’un gros Caillou qui surplombait la ville et arrivèrent place Colbert, où les véhicules s’arrêtèrent, s’attirant la curiosité des gamins du quartier, qui en observaient chaque détail avec des éclairs dans les yeux. Tous descendirent et observèrent l’endroit où ils allaient vivre, désormais, beaucoup moins chic que l’immeuble de la rue de Varenne. La place ne payait pas de mine, mais Beurrier, sèchement, leur dit qu’ils seraient bien, ici, ce qui signifiait que rien n’était discutable. De toute manière, c’était provisoire, ajouta-t-il : dès l’ouverture des Cités, si le projet se concrétise, vous vivrez là-bas, en plein cœur : c’est la moindre des choses, ponctua-t-il, sans qu’on sache s’il comptait s’approprier le principe. Ils entrèrent dans l’allée du 17, montée Saint-Sébastien sans enthousiasme, mais trouvèrent, au fond de l’allée, un appartement spacieux, aux plafonds hauts, avec des chambres tout autour d’une grande pièce à vivre et des fenêtres donnant sur la ville, vue d’en haut. Beurrier ne désirant pas s’attarder, Anton dit à son petit monde de s’installer. Il les retrouverait en fin de journée : le rythme allait s’accélérer, on voulait voir ce qu’il avait dans le ventre et il allait leur en donner ! 

 

Extrait de "Aurélia Kreit", à paraître un jour.

15:41 Publié dans Blog | Lien permanent

10/08/2015

Ecrits de Lyon (4).

3ca7b165-8b65-41ee-b7d3-e7b1c22e3927.jpgJ’ai reçu une lettre de Gaston, justement, le lendemain. C’est mon frelut, mais je crois qu’on fait pas deux personnes plus opposées. J’ai vite compris qu’en face de lui, je serais toujours le vilain petit canard, c’est aussi pour ça que je suis parti vite. Je l’ai suivi un temps, au Grand Théâtre, à Lyon, il faisait le baryton, mais il fallait que je reste en marge. Dans l’ombre. J’ai même habité chez lui, rue Vendôme : je faisais le pied de grue dehors quand je rentrais et que je trouvais le foulard de soie accroché à la poignée de porte. Signe que l’entretien d’embauche d’une chanteuse avait un peu débordé. Chez les Beyle, on plait aux femmes de père en fils, mais lui, Gaston, c’est toujours des précieuses qu’il ramène. J’ai bien essayé de lui montrer que j’étais pas manchot non plus, il m’a toujours ignoré. Ou alors il me traitait de gigolo, parce qu’une de mes petites m’avait offert les boutons de manchette que lui pouvait se payer. Ça a pas toujours été facile. Même là, il m’écrivait pour me demander si je ne manquais de rien, sans s’avouer qu’il ne connaissait rien à l’armée, à la caserne, au régiment. Ça l’aurait dégouté, tous ces mecs et ces odeurs de pied dans la chambrée. S’il fait des manières comme ça, c’est parce qu’il a peur que je lui balance son rôle de planqué à la gueule, que je lui dise qu’à chaque fois que je bute un Boche, c’est un peu lui que je démasque : parce qu’il n’en aurait jamais eu le courage. Parce que c’est sa vie qu’il a ratée quand il a raté le rôle de Karlac et qu’il a été remplacé. Par le deuxième baryton, qui a triomphé. Ça l’a marqué, je sais, et tous les succès qu’il a eus après ont toujours senti l’amertume. Ça a dû le servir dans « Hamlet », même si ça m’a échappé, ce texte-là. J’ai juste vu le regard de mon père quand il a vu le buste, compris qu’il fallait que je reprenne la route. Je prends l’argent qu’il me donne parce que j’en ai besoin, mais un jour, je le lui rendrai et lui dirai que je ne lui dois rien. Je le planterai là avec ses monocles, ses cannes de jonc et ses feutres de marque. La montre qu’il ne m’a pas rendue. Je reprendrai la mer et il entendra plus parler de moi. Ou je m’installerai par ici et je reprendrai la ferme des parents de Gabrielle. Elle aura plus à turbiner comme ça pour leur amener l’oseille qu’ils ont pas.

Extrait de "Marius Beyle", in "la 3ème jouissance du Gros Robert", recueil, Raison & Passions, 2013

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09/08/2015

Ecrits de Lyon (3).

cp_presquile_nord29.jpgAu matin, il accusait quatre-vingt-cinq kilos sur la balance. Autant que de centimètres. Son corps était devenu une allégorie de la proportion : le gros Robert était maintenant grand, beau et musclé : à trente-cinq ans, il avait changé. Comme annoncé, il quitta son appartement pour la journée, n’entendit ni les messages de ses parents, ni ceux des collègues qui s’inquiétaient de la réorganisation du laboratoire. Il sortit et fit le tour de la Croix-Rousse, une dernière fois. Ça allait être l’été, il s’était vêtu pour l’occasion d’une tenue légère et souple de lin, aux mêmes couleurs que portait Mathilde quand il l’a rencontrée. Il s’était acheté à Paris des sandales de cuir fermées, à la boucle massive, assouplies une semaine durant : elles ne lui firent pas mal et lui allaient à merveille. Il fit un saut chez le coiffeur du quartier : on ne le reconnut pas, mais il s’y fit couper les cheveux, court. Sa chevelure poivre et sel ressortait, lui conférant une maturité dont l’homme de science n’avait pas besoin, au contraire de l’homme tout court. Chez l’opticien d’en face, il s’offrit une paire de lunettes de soleil siglées, qu’il fixa sur ses cheveux ras en attendant que le soleil lui permît de les chausser. L’accessoire fit basculer Robert : dans le reflet d’un abribus, lui-même se prit pour un autre. Il passa la matinée à déambuler dans les rues de son quartier, croisa les figures qui ne l’avaient pas quitté. Pas une ne s’arrêta pour se demander si ce n’était pas le petit Robert, vous savez, le fils Machin, celui qui a un problème de poids. Pas d’ellipse, pas d’euphémisme, l’ex-Gros Robert n’avait pas seulement maigri, il était transparent à tous ceux qui le connaissaient. Il prit plaisir à cette prestidigitation puis s’éloigna, de rue en rue, jusqu’à se retrouver rue Joséphin-Soulary, derrière chez Mathilde. Il ne fit qu’y passer, reprit la rue Louis Thevenet, la rue Hénon, passa devant le cinéma Saint-Denis où, enfant, il avait vu tous les films que les cinémas de centre-ville ne projetaient plus. Peut-être avait-il marché dix ou douze kilomètres dans la journée, Robert, avant qu’il rentre chez lui, en rasant les murs, pour faire une dernière série d’abdominaux et prendre une douche.

-  Dans deux heures, j’ai rendez-vous, se disait-il.

Extrait de "la 3ème jouissance du Gros Robert", recueil du même titre, Raison & Passions, 2013

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08/08/2015

Ecrits de Lyon (2).

web_Source0.jpgQuand tout a été prêt, il me restait à moi une chose à faire : la veille du départ, j’ai faussé compagnie à tout le monde et je me suis promené dans mes rues, dans mon quartier, je me suis imprégné des endroits, des places, comme j’aimais déjà le faire quand j’en avais la liberté. Je suis monté jusqu’au plateau par la Saint-Sé, le plateau, c’est déjà un autre monde, et là j’ai marché, sans savoir que ce serait la dernière fois, bien sûr. Quoi que... J’ai dit au revoir au gros caillou, c’était la fin d’après-midi déjà, le soleil lui avait réservé ses derniers rayons, c’est incroyable comme un lieu qui nous est familier peut être beau quand on s’en sépare ; je me suis aperçu que je parlais à voix haute, mais je m’en fichais, et puis personne n’y faisait attention. C’était le début de ma procession. Comment ils auraient pu savoir, les fells, que si la Croix-Rousse s’appelle comme ça, c’est parce que quand les catholiques et les protestants se sont disputés la ville, l’archevêque a défié les calvinistes et fait construire, sur la colline, en 1560, une croix rouge, de la couleur de la pierre de Couzon ? Et puis qu’est-ce qu’ils en ont à faire ? Elle a été abattue en 1562, on a appris ça à la communale. Quand tu vois comme tout ça se termine… Des croix, de toute façon, la Croix-Rousse en a été remplie, durant toute son histoire : il y avait la croix noire, sur le chemin de Caluire, la croix blanche, sur le chemin de Cuire, et la croix des bois, vers la rue Denfert-Rochereau… La dernière a disparu en 1881, il me semble, sur ordre du Conseil municipal : ça la foutait mal, ces marques de croyance, alors qu’on sait tous, à Lyon, que la Croix-Rousse, c’est la colline qui travaille, par opposition à Fourvière, la colline qui prie. Avec les copains, on n’est jamais rassasié de les chanter, « Les Canuts », on a l’impression que c’est un peu notre histoire ! « Mais notre règne arrivera quand votre règne finira », tu parles, ici, je lutte pour quoi ?

Extrait de "Tébessa, 1956", Raison & Passions, 2008

10:26 Publié dans Blog | Lien permanent

07/08/2015

Ecrits de Lyon (1).

cartes-postales-photos-Montee-Saint-Sebastien-LYON-69004-69-69384015-maxi.jpgJe n’avais pas prévu de sortir ce jour-là. La Ville avait retrouvé l’air glaçant dont on disait d’elle, méchamment, qu’il ne la quittait pas souvent. Je n’avais pas prévu de sortir, engourdi par les commémorations de la veille, devant lesquelles j’étais resté hébété. C’est pour ça que je suis sorti quand même, obligeant mon corps aux étapes de l’élévation : apathie, ataraxie et, rêve ultime, plus aucune pesanteur.  Me revoilà chez moi, pensai-je une fois dehors, pas à un paradoxe près. Je m’imposai une escalade : la colline qui prie ou celle qui travaille, pris l’autre, puisque je ne prie pas. J’allai retrouver les places de mon enfance, régler mon pas sur le pas de ses Pentes. Rien ne me paraissait réel, le début d’automne embrouillant ma mémoire et ma conscience. Je traversai le pont en regardant à ma gauche l’autre lieu que je n’avais pas choisi : j’y trouvais parfois des airs d’une autre Ville, dans l’axe de sa Place centrale et, derrière, la passerelle puis le Château, mais pas le même…

Je bifurquai à droite, sur les quais. Il me restait à atteindre l’Hôtel de Ville puis entamer mon ascension. Les vieux bâtiments que je laissai d’un côté et de l’autre du premier des deux fleuves déclenchèrent le mécanisme. Je m’en éloignai, continuant mon chemin opposé. Je ne sentais plus ni le froid ni la fatigue, opposais la destruction du moderne à la permanence de l’ancien. Pas le patrimoine, que je n’avais pas choisi, le  permanent, l’historique sans l’Histoire : les rues parallèles, les enseignes passées des vieilles épiceries et des marchands de vin. Les dernières échoppes de coiffures, réaménagées en un curieux mélange. La Saint-Séb remontée, je sortis de la traboule et parvins sur cette place bordée de platanes qui me rattrapa : je pensai à tous ceux qui l’avaient traversée, y avaient laissé un amour, un souvenir, un temps révolu. Là, ce n’est pas la montée qui m’obligea à m’asseoir sur le banc public, mais l’âme même du lieu, son essence profonde. Sa terrible beauté, que j’étais peut-être seul à saisir, mais qui rattrapera tous les autres quand ils s’y attendront le moins. J’avais terminé mon ascension, il fallait que je rentre, à présent : la nuit commençait à tomber, j’avais eu la chance de voir le temps s’arrêter. Beauté fatale, terrible beauté. Pas pour ce qu’elle laisse en nous, mais parce que c’est en la percevant, sa renaissance perpétuelle, qu’on comprend qu’on n’est rien.

17:37 Publié dans Blog | Lien permanent