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23/08/2015

NDE.

Et puis ce moment où tout s’arrête, où l’élément est plus fort, où l’on repense à cette petite de « la partie de cache-cache », qui étouffe et ressent une impression familière. Tout remonte, pendant qu’on lutte, l’imbécillité (la sienne) qui nous a mené là, l’ironie de quelques mètres, seulement, à remonter alors même qu’on n’en a pas gagné un depuis de longues minutes, la vie, sur la rive, qui continue quand on s’en éloigne, l’acceptation, pour se sortir du piège, d’échouer durement mais d’échouer au moins, prendre le rocher pointu pour la bouée de sauvetage, se dire qu’on comptera les dégâts après, si l’on s’en sort. Et qu’on ne nous y reprendra plus : une promesse facile à tenir, assurément.

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22/08/2015

De là où je suis.

C1-Nefs-de-Pangée-BD.jpgAttention, antiphrases : j’ai arrêté de dire que j’ai privé Carole Martinez du Prix du 2ème roman à Grignan, en 2012, alors même que son merveilleux « Domaine des Murmures » le méritait amplement, comme il aurait dû avoir le Goncourt la même année, et pas seulement celui des Lycéens, même si, de fait, le vote des élèves est beaucoup plus noble et juste que celui des cacochymes de chez Drouant (plus fidèles à leurs récipiendaires que le jury de Grignan, remarque...). J’ai arrêté de dire que Christian Chavassieux et moi avons, jusque là, suivi un parcours croisé d’amitié et d’écriture qui nous a conduits dans des endroits merveilleux, jusqu’à la Réversibilité. Je n’ai jamais dit que j’avais sollicité Paola Pigani, qui avait fait dédicacer "Tébessa" pour un mystérieux Federico, pour qu’elle propose le manuscrit d’Aurélia à son éditrice.  De là où je suis maintenant, je ne dirai plus rien de tout ça. Mais qu’on sache, parce que c’est d’importance, que tous les trois sortent ces jours-ci un livre et que ces livres-là, il faut les acheter (chez un libraire indépendant), les lire et conseiller à d’autres de faire de même : « Les Nefs de Pangée », de Christian Chavassieux, sort chez Mnémos, « Venus d’ailleurs », de Paola Pigani chez Liana Levi et « la Terre qui penche », de Carole Martinez, chez Gallimard. Je lirai ces livres quand j’en aurai terminé avec ceux que je dois lire pour St Etienne.

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21/08/2015

Putain de toi.

setebraspano.jpgOn ne s’attend jamais à ce qu’un classique vous remue encore. Qui plus est quand le cadre se prête davantage à l’opportunisme qu’à l’émotion. Autant dire qu’un concert de chansons de Brassens, sur le parvis de l’hôtel de ville de Sète, donc à une dizaine de mètres de mon balcon, pour les fêtes de la Saint-Louis, entre deux joutes, rien n’incitait le misanthrope que je suis plus encore que Georges à descendre pour aller l’écouter autrement que perché dans ma loge. Mais la voix, si juste, et qui ne cherchait pas à reproduire, plus un accompagnement manouche dont le niveau m’a plus que surpris m’ont fait descendre et me retrouver en pleine messe païenne, touchante à plus d’un titre : combien sont-ils, les artistes dont un public de trois générations chante les textes, plutôt pointus, à tue-tête et par cœur, comme si les mots ne les avaient jamais quittés depuis que leur grand-père, leur père, ou d’autres, les chantaient ? Combien sont-ils à pouvoir placer un imparfait du subjonctif dans un texte populaire, sans que personne ne cille ? A faire twister du Hugo sur un « Dieu voulut que ses coups frappassent les amants par Satan liés », double octosyllabe à mourir de rage envieuse ? Brassens est un génie méconnu du grand public, qui ne garde que ses standards et oublie des merveilles libertaires, des élégies aux suppliques. Jusqu’à ce matin, je me protégeais des chansons trop entendues, des compilations visant à le faire passer pour le grand-père idéal, pipe au coin du feu et chansons pour tous. Je détestais « l’Auvergnat » et « les Copains d’abord », pour tout dire, leur préférant, largement « le nombril des femmes d’agents », « les deux oncles » ou « Saturne ». Entre douze mille autres, dont « Supplique pour être enterré sur la plage de Sète », que j’ai même interprétée sur scène lors d’un « Littérature & Musique » à Fleury-la-montagne. Sans trace, heureusement. Cet été, j’aurai donc entendu Paco Ibanez, dans le sublime Odéon de Fourvière, chanter « le parapluie » pour son public français, entendu mon fils la reprendre sans savoir où il l’avait apprise, et découvert le duo (pour l’occasion) « les amis de Brassens », composé de Bruno Granier au chant et Philippe Lafon à l’accompagnement : banjo, Mandoline, guitares diverses, avec un immense talent. Bluffant. Jazzy, manouche, folk : on sait que, chez Brassens, on passe de la pompe à la subtilité de l'aller retour - l'index, le majeur et l'annulaire qui grattent quand la main descend, le pouce quand la main remonte - doublé du pouce qui continue de jouer sur les grosses cordes. Enfin, on le sait quand on se dit que c’est facile jusqu’à ce qu’on essaie de le jouer. Là, les musiciens sont excellents, réellement, et servent le texte sur un plateau. Le reste se passe entre les passants et les passantes qui se sentent chez eux le temps d’un concert, entre les locaux qui s’enorgueillissent de l’avoir compté parmi eux (mettant de côté, un temps, « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part »). Bruno Granier a ce côté revêche des chanteurs à qui on ne la fait pas, dans la lignée des Gilles Servat ou du Paco évoqué plus haut : la place, de fait, n’est pas usurpée. Et même « les Copains d’abord » m’a plu : à force de ne plus vouloir l’écouter, j’avais oublié la force métaphysique d’un vers simple et complexe à la fois, « quand l’un d’entre eux manquait à bord, c’est qu’il était mort ». Qu’en eût-il pensé, Brassens, de cette communion populaire, trente-cinq Saint-Louis après sa dernière ? Pas impossible qu’il ait vu ça avec la même émotion que quand il demandait à Trenet de chanter « Petit oiseau dans la campagne ». Celle-ci aussi, je l’ai chantée à Fleury : mais n’insistez pas, il n’y aura pas de vidéo ». Les moments se vivent, ou se racontent : le reste est de la pâle copie.

Photo: Karine Hermet, pour les amis de Brassens©

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20/08/2015

Tonton Jacky.

Une salle d’attente d’un cabinet de médecine. Un lieu où chacun se renferme sur ses douleurs, essaie de s’en échapper par la lecture, la concentration, l’envie que tout redevienne comme avant. Je termine mon chapitre de Morin sur le je qui ne peut se réaliser que dans un nous, j’essaie d’oublier mon pied meurtri. Jusqu’à l’arrivée de Tonton Jacky, avec sa fille, sa nièce et sa sœur, toute une smala en attente d’un retour sur la région parisienne et en désir de consultation (sans rendez-vous le matin). Et le voilà qui dédramatise à sa façon, en parlant fort,  de tout, en faisant sonner son portable à chaque fois qu’il envoie un message (sans doute scabreux) à sa sœur. Qui ne l’était peut-être pas, sinon il ne lui aurait pas envoyé une photo de son appareil génital en direct des toilettes. Un volume sonore inouï à eux quatre, une vulgarité dépassant l’entendement. Médecin, je ne les aurais pas soignés : c’est pour ça que je ne le suis pas. Patient, j’ai trouvé la force de l’être jusqu’au bout sans les envoyer paître. Mais ils m’ont poussé jusqu’à douter de la véracité de ce que j’essayais de lire, tant bien que mal.

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19/08/2015

Méfiance.

Ses études sur l’expansion vitale du héros apollinien n’empêchèrent pas la femme de l’helléniste de lui demander pourquoi la page de l’Encyclopédie était restée ouverte sur l’Herpès.

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18/08/2015

La Ballade de Johnny & la Lune.

©Fred Vanneyre
 
La Lune était vierge dans sa traîne
Le bouquet de l’épousée dans les mains
La Lune à cueillir était pleine elle a dit :
 « Johnny, n’attends pas demain,
Johnny, n’attends pas demain »
Johnny contemplait la scène,
D’en haut de ses grands yeux de saint
Johnny le récolteur de peine il a dit
« Lune, il faut rompre le pain 
Ta peine est pleine, pleine, pleine
A cueillir le blé blond est bon
Ta peine est pleine, pleine, pleine
Lune il faut rompre le pain »
La Lune était aérienne, le corset pressant dans ses seins
Le souffle de la Lune hors d’haleine elle a dit :
« Johnny, n’attends pas demain,
Eh Johnny, n’attends pas demain »
Johnny contemplait les phalènes
Leur lumière brûlait de ses longs yeux de chien
Johnny le récolteur de peine il a dit :
« Lune, il faut boire le vin 
Ta peine est pleine, pleine, pleine
Trop vieux, le vin n’est plus bon
Ta peine est pleine, pleine, pleine,
Lune il faut boire le vin »
Et la Lune est mûre, rouge la traîne
Le sang bourdonnant à son front de ses reins
La Lune est au sol elle se traîne elle dit
« Johnny, n’attends pas demain,
Eh Johnny, n’attends pas demain »
Et Johnny contemple les phalènes
Il n’en reste presque plus rien
Johnny lève ses yeux et l’emmène
Il dit « Lune, mets tes mains dans mes mains !
Ta peine est vaine, vaine, vaine
Tes raisins et ton pain ne sont bons
Ta peine est mienne, mienne, mienne
Lune mets tes mains dans mes mains »
Johnny contemplait son haleine,
La Lune arc-boutait ses reins
Elle a soufflé « Oh oui, je suis tienne »
Et Johnny a visé le sein
La Lune était dans les persiennes,
Dans le filet d’un drap de lin
La Lune baisait et léchait ses chaînes
Johnny dit « Tu es sans lendemain,
Lune, tu es sans lendemain
Lune, tu es sans lendemain 
Lune, tu es sans lendemain « 

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16/08/2015

Fin d'un mythe.

Un réseau social bien connu me propose d’aimer la page d’un écrivain célébre, père d’un genre à lui tout seul, dont le professeur d’Université le plus populaire, à mon époque, parlait comme d’un réinventeur de la littérature. Rien que ça. Un homme dont l’histoire - nous dira-t-il lui-même, lors d’un cycle de rencontres organisé par des universitaires désireux de s’attirer les faveurs de ce collègue (lui-même enseignait à Paris et à New-York) sulfureux – se confond avec le vingtième siècle, dans ce qu’il a produit de pire et de meilleur à la fois, à partir d’une anecdote : réfugié avec ses parents chez une famille qui les cachait, ils ont été avertis, au péril de sa vie, par un gendarme français qu’une rafle allait avoir lieu. La Shoah, la culpabilité de ceux qui sont restés, tous ces thèmes ont rebondi dans sa vie au point qu’il en a fait le sujet de ses romans, à l’écriture affinée, fondée sur des jeux de mots psychanalytiques, le plus souvent. Un goût des femmes immodéré, jusqu’à ce qu’il promette à l’une d’entre elles de refonder aussi le pacte autobiographique et jusqu’à ce que celle-ci en meure. Réellement. « le livre-monstre », indiquait le bandeau putassier de l’éditeur. Vous l’aurez reconnu, mais là n’est pas le sujet : dans ces conférences de la fin du XX°s., l’homme n’avait de cesse de répéter qu’il ne supporterait pas de lui survivre, à lui qui l’avait condamné, puis rattrapé, in extremis. Qu’à l’égal de bien d’autres, avoir flairé la mort de près l’aiderait à pouvoir décider de la sienne. Autant de choses qui ont marqué le jeune homme que j’étais, et donnaient à son œuvre une résonance particulière. Las, la page FB de cet homme ne me montre plus qu’un vieillard cabotinant (quel contraste avec la note précédente!), produisant des livres qui ne doivent plus séduire – mais je me trompe sûrement – que de jeunes étudiantes en Lettres rougissantes à qui il dira, content de lui : « à mon âge, vous savez, Mademoiselle, la baise baisse. »

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15/08/2015

Il a dû s'étonner, Gauguin.

 

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Je lis des choses intéressantes, d'autres beaucoup moins, dans la pile d'ouvrages que m'a confiés l'organisation de la fête du livre de Saint-Etienne, pour le mois d'octobre: seize livres, dans des genres différents, des prétentieux, des remarquables, des qui-ne-m'auraient-jamais-concerné. Et là dedans, pile aujourd'hui, l'écriture limpide, la vie remarquable, l'aventure de la méthode d'Edgar Morin. Sa connaissance révolutionnante. L'histoire d'un siècle, et suffisamment de sagesse et d'autocritique pour éclairer celui qui reste à venir. Il aura quatre-vingt quatorze ans que je l'interrogerai dans le cadre des Mots en scène. Je prie tous les Dieux de la Grèce antique pour que sa voie suive celles d'un Levi-Strauss, ou d'une Sarraute, quitte à devoir, si tout se passe bien pour moi, l'accueillir toutes les années d'après.

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