16/06/2012
Et puis Meythet.
Journée très chargée, donc, hier, à Meythet, avec une rencontre programmée à la bibliothèque, en fin d'après-midi. Un horaire qui ne facilite pas,les déplacements en masse, à moins que ce ne soit l'absence de noms connus. Les organisateurs, me diront mes deux hôtes au déjeuner, sont de plus en plus confrontés à cette demande, la même qui produit l'offre unique en librairie. Ahmed Kalouaz a pourtant un sacré parcours d'écriture, en général comme en jeunesse, et sillonne le pays pour rencontrer, principalement, des collégiens, des lycéens et leurs enseignants, derniers passeurs, quand ils ne cèdent pas eux-mêmes à la facilité, du livre "alternatif", même si Claire Berest et son brûlot contre l'EN ne seront sans doute pas d'accord. La table ronde est menée, au pied levé, par Véronique et par l'animateur du jeu à suivre, l'animateur littéraire étant souffrant. La parole circule, personne ne l'accapare et l'accueil est chaleureux, différent aussi des autres endroits où je suis passé: ici, dans la perspective du TREQ, on connaît les livres en jeu dans les moindres détails. Ils ont été disséqués, littéralement, les équipes (de 3) se les sont appropriés, ont nommé une personne référente pour chacun des trois, chargée de ne pas faillir. On parle des livres, de leur visée, de l'intention qui les a générés. C'est toujours un peu compliqué de lier trois œuvres différentes, mais la discussion se crée: on parle de l'autobiographique, assumé ou déguisé, des livres qui nous échappent quand d'autres les prennent pour eux. Une dame me parle de Margot, j'en suis heureux. Des extraits sont lus avec chaleur, la discussion est fluide, Ahmed parle de religion, de dogmatismes, Claire, évanescente, paraît tout juste revenue de son road-movie musical. Elle a une présence silencieuse qui contraste un peu avec les deux bavards que nous sommes, Ahmed et moi, mais je la regarde et rêve, un instant, de l'entendre parler du regard dans Racine, si Alma, son héroïne, la laissait faire. Les animateurs sont un peu timides, j'aurais bien interrogé mes camarades sur la fonction du roman, puisque la lecture de leurs livres m'a poussé à en questionner la fonction. Ahmed répond en filigrane, on sent Claire déjà agacée par la réserve. Il est dix-huit hués, déjà, on se dirige vers la salle de spectacle du Rabelais où, sur la scène, sont disposés des pupitres et des livres recouverts, qui serviront de points. Le jeu commence, les équipes, dans la salle, sont armées de boîtiers électroniques, elles ont dix secondes à partir du top pour répondre à 3X10 questions sur les livres: on demande comment s'écrit un des villages traversés en mobylette par le personnage d'Une étoile aux cheveux noirs, la ville dans laquelle le concert de John et d'Alma est annulé, la marque des baskets avec lesquelles Paul Herfray a longtemps joué. Six équipes finalistes montent sur scène, d'autres questions sont posées, elles doivent répondre sur une ardoise, marquer cinq points pour être qualifiées. Dans le lot, il y a des habitué(e)s, des compétiteurs redoutables. Je galère moi-même pour me souvenir à quelle hauteur réglementaire le ballon doit être lancé pour un entre-deux... En finale, trois équipes s'affrontent et bénéficient de l'aide d'un des auteurs, qu'elles choisissent. Une aide toute relative tant il est évident que les candidats connaissent bien mieux l'œuvre, à ce moment-là de leur vie, que les auteurs. Mon équipe me choisit parce qu'elles m'ont entendu parler des autres livres, ce qui me donne un poids supplémentaire. Le jeu est tactique, en finale, chaque équipe peut répondre si l'autre n'a pas su le faire: il faut donc ne pas trop en dire si on n'est pas sûr. On aura ainsi donné un point à nos adversaires en complétant le titre du seul livre que Herfray amène en Espagne de sa dédicace alors qu'elle a fait l'objet, dix minutes après, d'une question à part. Les questions sur le texte d'Ahmed sont plus complexes et son apport quasi-nul mais drôle et décalé. Et la victoire bascule sur un coup du sort, comme dans le PAL: j'avais fait deux coups d'esbroufe, l'un en disant que je venais pour gagner, l'autre en disant à Claire, angoissée de ne pas savoir répondre à des questions sur son livre, qu'elle allait craquer sur scène. Ce qu'elle a fait, son équipe ayant la balle de match. Il fallait qu'elle donne la première phrase de la chanson russe qu'Alma se remémore à la fin du roman, elle a douté, a pensé "temps des cerises" là où il fallait penser "temps du muguet". Mes redoutables partenaires ont fait le reste, et on a gagné le TREQ. Et le droit de charrier les autres. La soirée s'est terminée au restaurant, dans lequel ma troupe s'était installée, le temps du jeu. Éric, Fred et Gérard, comme au Tramway, comme à la Casa Musicale, à Bellegarde et ailleurs, ont joué les trois chansons liées aux romans. Pas dans les meilleures conditions d'écoute, mais "l'Embuscade" a quand même suscité une attention particulière... Puis trois autres, entre la poire et le fromage, tardifs. J'espère, je crois que ça a plu. Moi, toujours, ça me comble d'aise. Me rappelle, en plus pro, les bons moments de Lettres-Frontière, dont une des organisatrices s'est rappelée hier à mon souvenir, et avec qui j'ai eu une discussion intéressante sur la sélection et ses lendemains. Au restaurant, j'ai eu tous les types de conversation sur le livre: une dame est venue me remercier parce qu'elle est née à Gujan-Mestras et que sa grand-mère s'appelait Margot! Une autre m'a interrogé sur la sexualité débridée de Soléne. D'autres, plus pointus sur le basket, m'ont confirmé que ce n'était pas à Alain Larrouquis de le prendre, ce dernier tir. Je sais que ça lui fera plaisir, lui,que j'ai encore eu au téléphone hier, dans le train.
Ahmed Kalouaz a fait éditer un recueil de ses compte-rendus de rencontres en bibliothèque, écrits en temps réel. Je crois pouvoir dire que je ne suis pas mal non plus sur ce terrain. Merci à Véronique et Elisabeth pour l'accueil, à tous les autres pour l'organisation. À celles qui ne sont pas venues, en voisines. À cette figure qui m'a replongé dans des temps anciens, de ceux dont on se demande justement pourquoi ils sont si lointains. À Philippe, pour le détour. Les chambres d'hôtel paraissent moins vides au lendemain de journées comme celle-ci.
NB: en gage de la psychopathie des candidats du TREQ, les pages de notes sur le roman d'une des membres de l'équipe finaliste (malheureuse, niark, niark...)
09:01 Publié dans Blog | Lien permanent
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