28/02/2014
À la frontière du réel.
Aujourd'hui, j'ai retrouvé le goût des saveurs anciennes, en prenant le train, de bon matin, pour des régions frontalières qui ont fait de moi un écrivain, en 2009, et qui m'accueillent de nouveau, dans un continuum qui me parle. Je ne peux rien dire encore de ce projet qui n'en est qu'au stade embryonnaire, qui nécessite financements, accords des lieux et des personnes, mais tout est en de très bonnes mains et en bonne voie. Le dernier doute a été levé ce matin, après la réunion de travail et la première rencontre entre les deux écrivains participants. Des moments toujours un peu redoutés, et finalement souvent beaucoup plus légers qu'ils ne le paraissent: je dirai deux mots de mon collègue une fois que je l'aurai lu, mais notre rapport à l'écriture semble le même, à ce qu'on a appris l'un de l'autre, aujourd'hui. L'exercice va être exigeant et chronophage, de septembre prochain jusqu'en avril, pour une parution des travaux en juin, d'une édition en septembre. Mais tout cela ressemble furieusement à la vie que je voulais mener et que je ne désespère pas de vivre. Et puisque mon travail consistera à m'emparer d'un pan de l'histoire pour aider des gens à produire de la fiction dessus, je pourrai m'appuyer, en plus de mon travail sur "Tébessa" - qui a fait que ces gens m'ont choisi pour revenir - sur tout ce que j'ai engagé dans l'écriture de "Aurélia Kreit". Un travail qui a du sens.
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27/02/2014
The Artists.
J’ai assisté, dans le métro, à une dispute d’une rare violence entre sourds et muets : le couple se déchirait avec des gestes assassins, des sourires ironiques, des mouvements de bras qui, de loin, paraissaient vouloir tout détruire de ce qui avait existé entre eux. J’ai passé le reste du trajet à me demander s’il fallait me réjouir ou me désoler.
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26/02/2014
Dios ha muerte, dos veces.
La trente-et-unième chose (sur trente-six) que je m'étais fixée avant de mourir, c'était d'assister au concert d’adieux de Paco de Lucia à Algesiras. C'est raté, l'homme a eu le front de mourir avant moi. Étape programmée, dans l'ordre naturel des choses, mais regrettable: me voilà frappé d'un doute profond sur la nature de ma foi, moi qui ai créé avec mon ami Pedro la secte auto proclamée des adorateurs de Paco de Lucia, né, avec Bougel et Staline, le même jour que moi. Pour entrer dans l'église des pacodeluciens, il fallait, comme il se doit, respecter dix commandements:
1)Au moins une fois par jour Paco tu écouteras
2) A chaque fois qu'il t'en sera possible, voir Paco tu iras
3) Aucune autre idole tu n'adoreras (tu peux quand même écouter Manolo Sanlucar, Vicente Amigo et Tomatito)
4) Le même gilet que Paco, quand même, de porter tu éviteras
5) Du fino et du jamón iberico en écoutant Paco tu dégusteras
6) Via Paco et jusqu'après ta mort le duende tu chériras
7) un pèlerinage sur la terre natale de Paco, tu feras
8) Comme autre Paco, seulement l'Ibañez tu toléreras
9) Il n'y a pas de neuvième commandement, on passe directement au dixième
10) Les Paco Rabanne, les Paco Tille et les Paco Tison tu excommunieras: de là seulement la lucía viendra.
Les mots font sourire, mais la tristesse est réelle, et doublement nietzschéenne: Dieu est mort, une deuxième fois, et seuls ceux qui n'auront jamais vu Paco de Lucia en concert ne pourront pas comprendre. Paco, c'est une chaise, un gilet noir sur chemise blanche à jabots, des jambes croisées et une guitare. Rien de plus. Un sourire de temps à autre, trois quatre mots par an et c'est tout. Mais c'est la musique réinventée, le flamenco puro fusionné, un quintet ou septet, au besoin, le danseur qu'on lance, les plus grands noms qui l'ont accompagné et, tous, vénéré. Je connais peu de personnalités dans le domaine du spectacle vivant qui m'ont autant impressionné, et sans rien dire, jamais. Je garderai le souvenir à vie de ma première fois, au théâtre antique de Vienne, en 2001, sur des pierres encore brûlantes de la canicule de la journée: Manolo Sanlucar, justement, venait de faire une première partie inouïe, avec la sublime Carmen Linares au Cante jondo. Je me demandais qui pourrait bien passer après ça, et Paco est arrivé. À Lyon, à Fourvière, en 2005, comme pour faire la nique aux spectateurs trop inquiets de rater le dernier funiculaire - qui les obligerait à marcher dix minutes - qui partent juste avant que le concert (voire la pièce!) se termine, il revient pour un troisième rappel et entame un Rio Ancho de folie, mêlé au Entre dos aguas - dont Woody Allen ponctuera son "Vicky Cristina Barcelona"- pendant 20mn, nous laissant rentrer à pied, Pedro et moi, traverser la ville, ravis, hébétés. Je serais alléà pied bien loin, pour lui: l'été dernier, encore, j'ai préféré le train, le TER et la navette pour aller jusqu'à Marciac, où personne ne s'attendait à ce qu'il fût novateur et où il retourna, une fois de plus, le public et les organisateurs. Où Saïd, qui m'accompagnait, adaptera prochainement, dans sa bastide de Beaumarchés, le rituel qui sied si bien aux âmes cubaines qui s'en vont: quelques gouttes de rhum versées au sol, les cendres d'un Cohiba Esplendido... Qui gardera en mémoire le concert des Nuits de Fourvière que j'aurais, prétendument, raté ce soir-là alors que ça restera mon dernier de lui? Un des meilleurs dans les cinq que j'ai vus. Les cinq fois où j'ai croisé Dieu sur ma route.
Je suis triste et tranquille, c'est le paradoxe du duende. Je ne suis pas andalou non plus, on ne m'offrira pas de jour de deuil comme à Algesiras, où je ne respecterai sans doute jamais le septième commandement, moi qui préfère la mémoire à la commémoration, qui ne regarde ni n'écoute jamais les émissions spéciales consacrées aux artistes que j'aime et dont on voudrait me faire croire qu'ils sont morts. Et qui déteste déranger. Paco était un taiseux, qui n'aimait pas qu'on le prenne pour le mythe qu'il n'était pas, lui, mais que sa musique constituera: l'artiste est vivant, que voulez-vous qu'il fît d'une tombe? Que Francisco Sánchez Gomez, l'inconnu, repose en paix, par contre: jamais une expression aussi galvaudée n'aura été aussi proche de ce que je ressens réellement. ¡Gracias, Maestro!
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25/02/2014
Interlude.
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24/02/2014
Les doigts plein d'encre.
Dix petites pages avant la fin de ma 2ème partie. Et mes personnages qui en redemandent, qui n’ont plus très envie de quitter Vienne : après tout, ils sont bien installés, Anton chérit sa Linotype dernier cri chez l’imprimeur qui vient de le recruter (« ma première fondeuse de lignes, s’exclama-t-il, en caressant le clavier et le magasin d’une main légère. On actionne le clavier, ça déclenche le mouvement des matrices et ça les amène sur le composteur, pour créer des lignes ! Si vous arrivez à vous en servir dans l’heure, je vous embauche, Dachkovytch ! »), Aurélia progresse, les ennuis s’apaisent en surface, seule Olga, quand même… Il va falloir que je les ramène à la raison : je suis en vacances vendredi et j’ai comme l’intention de me passer d’eux au moins deux jours avant de reprendre.
19:04 Publié dans Blog | Lien permanent
23/02/2014
Suranné.
J'ai de quoi tenir des lecteurs en haleine, dans ce "Aurélia Kreit", dont j'aurai terminé demain, sans doute, ou mardi, au pire, la deuxième partie, avant que mes personnages quittent Vienne pour arriver à Paris puis à Lyon, avant, surtout, que j'entame - avec une aide extérieure, humaine, déjà acquise, pécuniaire, sollicitée et espérée - le long et fastidieux travail de vérification et de relecture, sur 450 pages: j'ai utilisé l'expression, gentiment désuète, de "fétu de paille". Une occurrence dont je suis, à la lecture, extrêmement fier.
18:56 Publié dans Blog | Lien permanent
22/02/2014
Aime les mots dits.
Il m’arrive, actuellement, dans le roman que j’écris, d’utiliser des mots dont j’ignorais l’existence dix secondes auparavant que je les trouve dans un dictionnaire de médecine ou une thèse de psychologie cognitive. Heureusement, à chaque fois, un personnage est présent en face de celui qui les utilise pour lui dire : « Je ne comprends rien, Docteur, expliquez-moi simplement ! ».
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21/02/2014
Quantifier l'AK.
Une âme bien-née m’a démontré qu’en connaissant le nombre exact de pages que j’ai fixé à mon roman à venir, il était élémentaire de calculer, régulièrement, le pourcentage du travail réalisé, sur une base simple du nombre de pages écrites multiplié par cent, le tout divisé par le nombre de pages décidé (540 en l’occurrence). Cette découverte m’enchante d’abord parce qu’elle me rend à une imbécillité primaire, ensuite parce que tous les soirs, avant de m’effondrer dans mon lit, elle me permet de mesurer le travail fait, celui à faire, et d’apprécier de façon rationnelle l’équilibre de mon récit, ce qui doit encore arriver aux personnages, là où ils doivent aller, finir, pour certains. Voilà, c’était la séquence de la poule devant un couteau, mais j’assume. Et lâche mon score, pour aujourd’hui, en avance sur FB, que je nourris de chiffres elliptiques, livrés à l’imaginaire de mes petits et taquins camarades : 62,22 %. Soit à 4,44% de la fin de mon deuxième tiers.
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