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11/04/2021

265.

Et au hasard d'une recherche, retrouver Camille, une seconde.

"Quand elles passèrent les grilles du camp, après une courte négociation avec les troupes amusées de voir une femme au volant, les trois filles de la Manu sentirent d’entrée que l’atmosphère avait changé. Les jeux de dupes et de jacobins du gouvernement provisoire ne semblaient plus faire effet sur les régiments de la 3e brigade. Elles traversèrent des barrages où, derrière le contrôle de soldats encore convaincus, se tenaient des conciliabules qui semblaient engagés. Des comités où officiers discutaient à part égale avec de simples soldats sur les principes démocratiques introduits dans l’armée. Sans insoumission comme à l’intérieur du camp, mais avec une tension qu’elles jugèrent palpable. La Dion-Bouton, libérée, aurait pu filer sur les petites routes du Limousin mais quand elles entrèrent à Saint-Martial-le-Vieux, Aurelia les fit stopper, déjà. Pour une minute, précisa-t-elle. Il lui en fallut cinq pour se faire indiquer, par une vieille assise sur le pas de sa porte, une maison à quelques mètres, qu’elle rejoignit à pied, suivie, comme par une patrouille, par le véhicule qui faisait ouvrir quelques rideaux, au passage. Aurelia frappa à la porte, une femme, jeune, belle et apprêtée lui ouvrit. Les deux filles auraient vendu leurs pères et mères pour entendre ce qu’Aurelia et elle se disaient, mais malgré leur insistance et leurs questions répétées, Aurelia ne leur dit rien de ce qu’elle avait échangé avec cette jeune femme. Il eût fallu leur parler des jardins d’Ellington et pour le coup, le train n’aurait pas attendu. Elles arrivèrent à la gare de Limoges, qui bruissait comme à Paris : on y voyait des unités – des bataillons de chasseurs à pied, venus de Bellac et de Tulle – converger vers les troupes de protection, des gradés venus renforcer un commandement déjà pléthorique, un fourmillement d’essaim d’abeilles qui ne préjugeait rien de bon, dans une telle bourgade. Aurelia sourit à l’image d’une plaque fraichement apposée, que ni Vladislav ni elle n’avaient repérée, à l’aller : on annonçait le projet d’une ligne entre Bordeaux et… Odessa, via Limoges et Lyon, et les ambassadeurs n’étaient autres qu’Edouard Herriot, le maire de Lyon, et Paul Claudel, le frère de l’artiste ayant vécu une relation sulfureuse avec Rodin, le sculpteur dont l’atelier se situait à l’hôtel Biron, rue de Varenne, là où l’attelage avait débarqué, à Paris, là où sa mère s’était éteinte sans avoir pu visiter l’antre du maître, comme elle en avait l’intention. Parfois la vie offre des rappels, pensa-t-elle, mais ça non plus, elle ne l’expliqua pas à Suzanne et à Catalina. Un Locotracteur Schneider type LG vint atteler des wagons dans lesquels elle ferait le long trajet entre Limoges et Bordeaux, en espérant un modèle plus rapide entre Bordeaux et Lyon. Mais elle s’en moquait, Aurelia, de ce temps-là : elle avait du sommeil à rattraper, et le besoin de se poser pour établir son plan d’attaque. Elle somma ses deux comparses de ne pas attendre que le train s’ébroue : entre les retardataires et l’organisation interne des wagons, elles ne feraient que retarder maladroitement le moment de se quitter. Une dernière embrassade, deux femmes qui font volte-face sur un quai et qui s’éloignent, inexorablement : toutes les séparations relèvent du même cliché. Imitant les pioupious qui cachaient leur trouille – eux feraient Bordeaux-Paris et le front de Somme – Aurelia s’allongea à même le sol du premier wagon, sur sa vareuse, la tête calée dans le paletot, et s’endormit illico, sans sommations."   LCAKIILJDE

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10/04/2021

266.

Littérature, Hérault, Frontignan
                                     
Capture d’écran 2021-04-07 à 20.19.46.png"Laurent Cachard était à la librairie associative Prose café, ce samedi, pour une séance de présentation et de dédicace de son dernier ouvrage Aurélia Kreit. L’écrivain, par ailleurs président des Automn’Halles – le festival littéraire de la rentrée, sur l’Île singulière, s’est emparé d’un personnage fictif qui est le nom d’un groupe de New wave lyonnais et lui a donné vie. Celle-ci commence au début du siècle dernier en Russie et la fin du livre – et nom de l’existence de l’héroïne – s’achève à Saint-Étienne. Mais le romancier a aussi et surtout évoqué, à partir des questions posées par Béatrice et les auditeurs, sa passion pour l’écriture, un "métier à plein temps, au moins 4 ou 5 heures par jour", pour la rédaction de ce "roman Russe" sur "l’identité et l’exil" considéré comme un aboutissement, ainsi que son opposition assez vive face au genre de l’autofiction. Il ne cacha pas qu’Aurélia Kreit est "aussi le fruit de nombreuses recherches historiques, et fut l’occasion d’un voyage sur les traces d’Aurélia »
Enfin, il confia que l’histoire n’était pas terminée, qu’Aurélia avait décidé qu’elle devait se poursuivre, ainsi les deux tiers d’un deuxième tome sont-ils déjà accomplis. »
Philippe Malric, "Midi libre", le 07/04/2021

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09/04/2021

267.

C’est ce qu’il faut avoir en tête quand on joue Aranjuez, plus que n’importe quelle partition : plus on se fond dans l’élément, plus il parvient à l’auditeur. C’est l’eau, la terre et le sang qu’il faut lui rendre, l’Espagne et rien d’autre. Le crescendo de l’orchestre est la base dramatique, la guitare qu’on m’a demandée, la poétique. Deux pans d’une même entité, la complexité d’un homme et de son œuvre : lire la musique ne suffit pas, la jouer non plus, s’y perdre est essentiel. Le premier mouvement est la pointe du jour, la lumière qui recouvre la terre, l’idée de la naissance et du monde à conquérir ; le deuxième, l’après-midi qui se prélasse, la lumière qui s’adoucit et se prête à la flânerie, à la séduction : c’est l’âge d’homme. Le troisième, une analepse, le zénith, le soleil de midi, la lumière qui écrase, l’idée absurde que l’existence est essentielle. Jouer cette œuvre, c’est être un homme complet, avec ses failles, ses fulgurances, tout entiers contenus dans un morceau de bois. J’aurai fait parler le bois, en menuisier de la confidence. Pour cela, certains diront que je ne mourrai jamais. C’est l’absence de moi qui validera l’idée que je ne suis plus là, mais rien de tout ça n’est grave, maintenant. Là où je vais, je vois Lucía. Et tout recommence.

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08/04/2021

268.

Cette impression terrible que les profondes mutations de l'époque ne ramèneront jamais plus à la surface des choses que nous avons vécues, connues et aimées.

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07/04/2021

269.

Il n'y a rien de plus facile que de devenir totalement étranger l'un à l'autre.

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06/04/2021

270.

Quand j'étais enfant, surmonter l'obligation de la veillée pascale - et la litanie des Saints - par la fierté imbécile de voir St Laurent accolé à St Etienne.

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05/04/2021

271.

Et d'un coup d'un seul, dans la nature, un Gervaise.

horizon naturel.jpg

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04/04/2021

272.

akpc2.jpgC’est très étrange d’aller parler d’un livre qui a près de deux ans à une époque où la moindre rencontre littéraire est illico annulée. Mais là, dans l’intimité (extérieure) de la toute petite librairie associative « Prose Café », dans la belle ville de Frontignan dont je ne connaissais pas encore les ruelles vénitiennes, j’ai pu m’asseoir à une petite table de fer forgé sur laquelle trônent quelques-uns de mes livres, dont le gros rouge, le dernier. Ce livre qui m’a tant demandé et qui, depuis, m’a tant offert, tant il est, par dessus tout, le livre que je voulais écrire un jour, celui qui me fige, un peu, comme un écrivain du XIX°s., ce que j’adore. Béatrice, la propriétaire des lieux, connaît bien l’édition, en relectrice attentive – et ghost writer – de grandes maisons d’éditions. Elle qui n’en défend, dans son lieu que les petites. Elle est pugnace, puisque cette rencontre était programmée en décembre, et repoussée plusieurs fois. Ce samedi pascal nous offrait la dernière fenêtre et la dizaine de personnes qui sont venues ont dû rester dehors, au soleil, comme l’auteur, mais le moment, une fois encore, était intéressant, et partagé. On a évoqué la genèse – je n’y échappe jamais – et j’ai gardé, une fois de plus, les derniers secrets de la photo de couverture : c’est Aurelia Kreit, point. Le thème fixé, sur l’exil et l’identité, arrive vite, puisqu’il est le sujet d’interrogations, et de mises au point historiques : qui fait le Juif, dirait Lévinas, sinon celui qui le détermine comme tel ? Mais alors, dans les rues de Iekaterinoslav, comment reconnaît-on un Juif, sinon par association d’idées et de projections, de rage envieuse ? Un jeune homme, présent sur les lieux et très curieux, veut en savoir plus sur ce que l’auteur met de lui dans la fiction, et taxera sa maman de 20€ pour repartir avec le livre : le monde n’est pas tout à fait pourri, encore. Il fait très chaud, en plein soleil, et je vois les spectateurs reculer, non pas parce que je les fais fuir, mais parce qu’ils cherchent l’ombre. Je sais qu’il faut clore, parce qu’on ne peut pas indéfiniment garder des lecteurs dont certains attendent justement de pouvoir entrer dans le roman. La matinée m’emmène dans l’atelier d’un artiste local, Jean-Louis Delorme, dont je reparlerai bientôt, ici. Je suis allé parler d’Aurelia, un matin d’avril 2021, c’est déjà un double privilège. L’autre, c’est de rentrer chez soi et continuer ses aventures, entrer dans les deux derniers tiers de sa dernière partie. C’est peu de choses, mais c’est déjà ça.

photo: Gérard Grenier

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