05/07/2021
179.
C’était une bonne idée, malgré le froid et le vent, de s’extirper, hier soir, de ma Thébaïde pour aller voir Martine Bousquet chanter Barbara chante Brassens. Un exercice de style fondé sur le deuxième album de la dame brune, enregistré en1960 – Grand Prix de l’Académie Charles Cros l’année d’après – qui aménage des standards à sa tonalité, se permettant même de changer quelques vers, ci et là, histoire de féminiser le tout. Martine Bousquet chante très bien Barbara, dans sa tessiture, mais là, elle retrouvait - pour la première d’un spectacle qui aurait mérité le cabaret à l’intérieur plutôt que l’inconfort des chaises à l’extérieur – la fragilité des essais, celle qui lui va mieux, à mon sens, que la maîtrise et le transfert. On a entendu la vraie voix de Barbara dire que Brassens n’avait pas du tout aimé qu’elle le chante, et qu’ils s’étaient, elle la première, réservé quelques amabilités avant de se rabibocher, lui le premier. Puis on a entendu la voix de Martine chanter Barbara qui chantait Brassens, de la Complainte des filles de joie jusqu’à la Marche Nuptiale en passant par l’Oncle Archibald ou le Pauvre Martin. Et bien d’autres, en duo, parfois, avec Herve Tirefort, excellent chansonnier, beaucoup mieux préparé et sonorisé qu’il le fut un jour, en rattrapage, salle de la Macaronade… Le propre du spectacle, c’est de rapprocher deux univers tout aussi mythiques, et entendre, encore, des chansons qui font partie du patrimoine. À chaque fois, le luxe de réentendre la Petite Cantate ou Dis, quand reviendras-tu, chantée à la guitare, le pied gauche posé sur la chaise, à la Brassens, se fait prégnant, et bouscule les tonnes de souvenir que j’ai de Mogador, de Fourvière ou du Chatelet. C’est beau, c’est réussi, ça chante plus que ça parle et tant mieux : il y a un temps pour tout et la conférence était avant le concert. Le binôme fonctionne très bien, la voix d’Hervé Tirefort se prêtant à toutes les modulations possibles : on ne chante pas Trénet ou Lapointe comme ça. Là, c’était Brassens et Barbara, et c’est bien, aussi, de ne pas tomber dans la fausse binarité des reprises qui font taper des mains. La femme d’Hector, en vocalises, faute d’avoir retenu les paroles, se mêle à Monsieur Victor, les mignons rattrapent la supposée misogynie du barde sétois – oui, la misandrie existe, même si on en parle moins – et la première est réussie. J’en arrive même à devoir reconnaître qu’Aragon n’est pas qu’une fieffée crapule (même si) et qu’Il n’y a pas d’amour heureux est quand même un texte sublime, surtout chanté à nu, comme ça. Un duo Georges & Patachou clôt le tout, même si le mot de la fin est pour le Bois de St Amand, la dernière demeure souhaitée par la dame en noir. Que j’ai retrouvée, hier soir, l’espace d’un instant. Invitée par Georges, comme si l’histoire recommençait.
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04/07/2021
180.
En co-errance.
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03/07/2021
181.
J’ai pas posé d’autres questions. Je l’ai emmenée jusque chez sa logeuse et je lui ai dit au revoir, en enlevant mon calot. Une autre femme, je lui aurais fait la totale et elle m’aurait pas laissé passer. Mais elle, je savais que si je voulais la revoir, il fallait que je la laisse tranquille, là. Gaston lui aurait parlé d’opéra, mais je suis pas Gaston et moi, j’ai pas cherché à la fuir, la guerre. Puisqu’elle m’avait mené jusqu’à Gabrielle, je pouvais pas dire qu’elle n’avait servi à rien. Je suis rentré à la caserne, j’ai graissé la patte au planton parce que j’avais une heure de retard. Ça m’a coûté dix cibiches, mais j’avais répondu à une question que je m’étais longtemps posée : c’est quoi la différence entre l’émotion et le sentiment ? Pas des questions qu’on pose à des bidasses ou des marins. Mais dans mon pajo, ce soir là, j’avais une réponse : le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.
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02/07/2021
1&2 07
Il était convenu, bien malgré moi, qu'il y aurait des ratés, dans cette année à l'envers. Voilà le deuxième.
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30/06/2021
184.
S'il m'est jubilatoire de fâcher mes ennemis, il m'est insupportable de savoir que des amis se sont sentis blessés par des propos que j'ai tenus et dont le sens aura échappé à l'un d'entre nous, au moins. À tous ceux-là, je demande pardon. Aux autres, non. Mais qu'ils patientent: la prophétie du misanthrope - et chercher sur la Terre un endroit écarté où d'être homme d'honneur on ait la liberté - n'aura jamais été aussi près de s'avérer, dans ma vie.
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29/06/2021
185.
J’ai trouvé dans le fond d’un verre de Manzanille
l’amertume des soirs passés à m’imprégner
des couleurs de la lune qui pour nous deux brillait
à distance légale d’émois partis en vrille ;
il ne me reste rien de cette cantilène,
c’est l’état d’abandon et puis de décalages,
une atrophie des sens, comme pour un retour d’âge,
la torpeur d’être en face d’une vie qui fut sienne
J’ai tant de souvenirs, ma mémoire en est pleine
sur l’écran Adèle H. rechausse ses lunettes :
je voudrais être en face d’une âme souveraine
délestée de tout ce qu’un beau soir on regrette
Plaza de España, j’ai attendu des heures
voir à Séville sombra prendre le pas sur sol,
fuyant tous les humains, réfutant les écoles,
priant pour que le temps concordât à mon cœur
Il me reste le vide, dans lequel je m’installe,
décidé à pallier toutes les parts manquantes
le vide est une vie dont on décore l’étal
[ un étal d’où dévale l’étendue d’eau régale
et qui parfois attire jusqu’au pas des passantes
J’ai tant de souvenirs, ma mémoire est espiègle,
elle accole Adèle H. à mes amours défaites
bien qu’à la table rase plus que jamais je tienne,
qu’à l’issue de l’oubli lentement je m’apprête
Ici une lumière a recentré la ville,
tous ces lieux qui ravivent m’ont fait me retrouver
au fond du fond du verre glacé de Manzanille,
in fine du fino jaillit la vérité.
Va ! née sabéenne, ma reine est sévillane
je griffonne une Ode sur le coin d’une table :
l’encre noire dessine sur le papier de sable
d’inédits aphorismes aux ambitions profanes
Alors à Triana je vais la rechercher,
mon Adèle isolée du reste de sa vie,
près du Guadalquivir je vais déambuler
à mon bras une muse que jamais on ne vit
ad lib « Los balcones se cierran
Para enjaular los besos
!Oh cuanta estrella
cuanta estrella ! »*
*Federico Garcia Lorca « Ocaso de feria »,1921
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28/06/2021
186.
"Les jours de belle mer, aux moments de pause, les hommes se déplaçaient par grappes serrées, sur le pont, vers l’étrave, quand elle était praticable, pour se jouer des embruns, en prendre plein les yeux, accrochés au bastingage. Le guindeau, parfois, piquait dans les flots, leur offrant de belles sensations, jusqu’à ce qu’on les rappelle, d’un coup de sifflet sec. Des hommes étaient adossés au pied du mât principal, entre les mâts de charge et la cambuse, quand elle les épargnait de sa fumée malodorante. Ces moments où il n’y avait qu’à laisser le navire filer à bonne allure, fendre les eaux et donner aux hommes l’impression qu’il ne pourrait rien leur arriver. Son père le lui aurait dit, à Vladislav, que son Hugo l’avait écrit, déjà : « Quand la mer veut, elle est gaie. Aucune joie n'a l'apparence radieuse de la mer. » Mais Hugo n’avait fait qu’observer et Nikolaï n’avait jamais embarqué autrement que pour une promenade en barque. Et tous, à bord, savaient que l’accalmie n’est que passagère. On est réveillé de l’abstraction par la tempête, lit-on dans « les travailleurs de la mer », mais il faut l’avoir vu approcher, au loin, pour mesurer cette forme diffractée du temps, qu’on vit à bord. Comme si tout changeait en une seconde, différente de celle des Terriens. Quand le ciel est si bas qu’il vient toucher la surface et tout obscurcir d’un seul coup, jusqu’à ne plus rien voir de ce qui se passe à deux mètres, craindre que le convoi se disloque et que, privé de son orientation, l’autre navire finisse par nous éperonner. Un bateau, par gros temps, ça se soulève comme un fétu de paille. Dans les hurlements des éléments, il n’est déjà plus un bateau. Les vagues qui se soulèvent viennent lécher leur proie, signifier qu’elles les prendraient quand elles le voudraient. Des tonnes d’eau s’écoulent sur le pont, créent des torrents dans les coursives, fracassent les embarcations, tordent ou emportent les cheminées, font tanguer les lisses, mettent au supplice les nœuds de cabestan et les enfléchures."
Extrait d'Aurelia Kreit, les jardins d'Ellington. Parution 1er trimestre 2023 (le Réalgar)
Photo: Samuel Ouint.
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27/06/2021
187.
Librairie Quartier Latin, à Saint-Etienne. La caverne d’Ali Baba littéraire, 20000 livres dans un espace restreint, plus de théâtre et de poésie que je n’en ai jamais vu ailleurs, de l’écriture de tous les pays du monde, des sciences humaines comme s’il en pleuvait, une table à l’entrée consacrée à Fata Morgana, quatre livres de Paul Nizan (j’ai compté), un exemplaire de Tébessa ressurgi de l’oubli et, au milieu, Aurelia et une Girafe.
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