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10/07/2021

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IMG_0179.jpgÀ ce niveau-là, ça n’est plus de la chronique, mais un journal de bord. À peine trois semaines après les avoir vus, à la Casa, inaugurer ISQLAF (Il semblerait que l’amour fut), leur nouvel album, double galette qui raconte une histoire, celle d’un monde duquel l’amour serait radié, pourchassé, désigné comme le virus le plus redoutable pour l’espèce humaine. Un album à tiroirs, comme toujours avec Petrier, une dystopie dans laquelle des êtres organisent une résistance, une fuite orchestrée, vinyles à l’appui. Cet album, le Voyage de Noz le défendait pour la deuxième fois, dans les jardins de l’Institut Lumière, au cours d’un festival qui alignait quatre groupes, en plein air, face au soleil rasant d’une belle soirée d’été. Il avait beau avoir aligné la veste et le pantalon de costume, il n’a pas été à la noce, Petrier, pas plus que ses camarades, le Jedi Desprat aux manettes luttant pour installer un son correct et eux se démenant contre les perles de sueur et les petits ratés de micro, dans les premiers morceaux, pour enfin aligner les chansons du dernier opus, et rien que celles-ci, ce qui est une excellente idée : ça évite les trous de mémoire, et la dispersion narrative. Le titre éponyme, qui ouvre le set, pose le fameux spectre musical despratien, son lourd, grosse session rythmique, nappes de synthé, guitares aériennes et performance vocale, avec une énumération des villes du monde dans lesquelles, partout dans les rues, il semblerait que l’amour fut. Stéphane a vite tombé la veste, et se déchaîne sur des pistes psychédéliques, comme le Patient zéro, qu’il finit au bord de l’apoplexie. Ça fonctionne, dans la foule, un peu timide et distante, comme s’il n’était pas encore sûr que tout cela soit terminé, on s’étonne, comme depuis 35 ans, de la présence scénique de ce chanteur qui défie le temps, et porte bien la guitare, aussi, sur ce projet. Le lien entre les chansons donne de la cohérence au récit, entre zone libre et Café de Paris, il y a quelque chose du livret d’opéra (leur premier album) dans ce qui est donné à entendre. Marc, le guitariste, confiera avoir souffert des ratés de la technique, mais son jeu permet de nombreuses ruptures, en solo, et correspond à la fois aux lignes de synthé et à la mélodie chantée. Les voix de Stéphane et de Nathalie s’entremêlent et se répondent, le Train, sans doute ma chanson préférée, en témoigne et les deux compères de la rythmique défendent le tout : avec flegme pour Alex à la batterie, avec des ronds de jambes (et de bras) pour Pedro, à la basse. Le set passe vite, un peu plus d’une heure, mais c’est une bonne formule pour roder un récital, et ça évite les fioritures, blagues du chanteur comprises. On les sent heureux d’être (encore) là, face, enfin, à des personnes qui le sont toujours, même si on les voudrait plus nombreuses. Depuis la Casa, le set s’est fixé, et on imagine ce qu’il donnera dans des lieux moins bucoliques, mais plus appropriés, avec un système-son plus adéquat. Mais l’essentiel était ailleurs. Aujourd’hui, on a encore entendu l’histoire d’ISQLAF, comme on regarde un film une fois de plus parce qu’on sait qu’il ne nous a pas tout livré, encore. Dans le public, après le concert, un musicien me confie que c’est la première fois qu’il voit les Noz sur scène. Il y a dix ans, il me disait que ça n’était pas sa tasse de thé – euphémisme – mais là, il est conquis, réellement. Et je le comprends : il y a quelque chose de fascinant dans l’empreinte qu’ils laissent, une fois le concert terminé. Ça n’est jamais pour rien que les enfants veulent qu’on leur lise toujours la même histoire (c’est toujours le même rêve), et toujours de la même façon. Il y a dix ans, Bonne-Espérance n’avait été joué qu’une seule fois, de mémoire, en intégralité. Il faudra qu’ISQLAF soit dit et redit, qu’on en saisisse les nuances et qu’on finisse surpris, à chaque fois. Le Voyage de Noz a déjà réussi à confondre, dans le temps, les notions de début et de fin. Son chanteur termine le concert en disant qu’il ne chantera plus, puis se reprend dans la chanson d’après, présentant ses excuses, le titre du dernier morceau de l’album, avant de laisser les instruments exploser dans un finale dantesque. Tant que les Noz joueront, j’irai ; tant qu’ils m’inspireront une chronique, je l’écrirai. Et si, comme hier, ils me permettent de retrouver mon vieux copain d’école, un ancien basketteur qui m’a pris pour mon frère et un ancien élève venu m’avouer à quel point il m’admirait, à l’époque, tant que leur photographe officiel me fera garder son sac et me shootera en cachette, à contre-jour et dans la lignée du raconteur d’histoire, je serai là. Il semblerait que l’amour ait encore de beaux jours devant lui.

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09/07/2021

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08/07/2021

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82EAF6BD-5B61-4FF5-93BF-0E9202C0B217.jpegIl y a quelque chose d’initiatique dans le fait, comme je l’ai toujours fait, d’aller voir des artistes tout au long de leur carrière, parfois plus de vingt fois (Eicher, Kent, Murat, le Voyage de Noz), parfois un peu moins, à peine (Barbara, U2, Springsteen, d’autres). Il y a des groupes qu’on voit une fois tous les 30 ans (Aurelia Kreit) et puis il y a des artistes qu’on a vu émerger et qui nous ramènent, toujours, à l’endroit où on les a entendus pour la première fois. J’aurai toujours le souvenir des Cerfs-volants, entendus à Kergaradec-Ar-Gor, de cet album d’un petit génie qui, disait-on, se prenait pour Gainsbourg. On a d’ailleurs toujours trop parlé de Benjamin Biolay sans aller le voir là où il donne sa pleine mesure, sur scène. Biolay à Fourvière, en régional de  l’étape, ça n’était pas la première fois, et rien ne vaudra - pour lui comme pour moi - le soir de 2008 où, en première partie de Cat Power, il avait foulé les planches juste en-dessous du Conservatoire qui l’avait mené là, avec émotion et une scène partagée - déjà touche à tout doué en rien, comme il dit - entre formation rock, quatuor à cordes et quatuor à cuivres. Depuis, de l’eau a coulé entre Saône et Rhône, et le petit Benjamin est devenu une pointure, au public conquis d’avance, à 98,7% féminin (j’ai compté), qui n’a rien contre un peu de bruelisation dans le jeu de scène et les adresses. Il est toujours touchant, Biolay, quand il cache sa pudeur derrière des attitudes et des blousons de bad-boy, et toujours juste quand il est au plus intime, dans le sublime « Ton héritage » ou dans l’hommage, permanent, à son mentor Hubert Mounier (« Voyager léger »). À Lyon, BB peut se faire lever un amphithéâtre a le seconde sur « Lyon Presqu’île », c’est cabotin mais ça fonctionne. La set-list est variée, et va jusqu’à Palermo Hollywood, propose une variante électro du mythique Cerfs-volants, faiblit un peu sur deux trois morceaux dispensables ou mal exécutés (Papillon noir, Duel au soleil). Tout le monde s’en fiche, entre deux scrolls de leur FB ou des conversations insignes tentant de recouvrir la musique, les filles s’ébaudissent et leurs mecs tentent de danser pour attirer leur attention. Le public est WASP, CSP+ (à ce prix-là, c’est obligatoire) et BB déroule, visiblement heureux d’être là, et on le comprend. Adé, d’ex-Thérapie Taxi, vient chanter « Parc fermé » avec lui, et c’est ce qui rendra le concert inoubliable, pour moi. Parce que le final, après un « Comment est ta peine » version disco assez démentiel mais plutôt attendu, les deux derniers morceaux, dont l’ultime rappel, sont moyens, et surtout remplacent « Ma route » (vas-y, demande à ta mère), que j’aurais attendu en vain. Mais c’est du délit d’initié, ça, il faut voir repartir ces quinqua remontés comme des coucous pour se réjouir aussi, apprécier la fin des mesures sanitaires, remercier l’organisation d’avoir permis de jouer quatre minutes après minuit. C’était un bon concert, pas dans mon Panthéon (le Transbordeur 2009, pour « la Superbe » - joué hier, qui fit croire que -  est inatteignable), mais marquant par l’impression que cet homme peut désormais faire ce qu’il veut quand il veut, sur scène. Une impression à double tranchant. J’attends de le croiser de nouveau devant Monoprix à Sète pour lui en toucher deux mots. Padam pam pam.

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07/07/2021

177.

ak.jpgQuand j'ai compris, au Salon du livre d'Orthez, en 2012, que c'est Axel Kahn qui remettrait les prix aux différents récipiendaires, je me suis dit qu'il serait de bon ton que je me serve de mes notes retenues des Etats généraux de la Bioéthique, auxquels j'avais assisté, quelques mois auparavant, accompagné de ma collègue de biologie. Et voilà que je me mets, dans mon discours, à adapter la thématique de l'échec à celle du champ électique de la question éthique. C'était un peu capilliculté , j'avoue, mais les cheveux longs d'Alain Larrouquis le méritaient, à l'époque, et puis celui-ci ne m'a-t-il pas dit, des années après, qu'il ne regrettait pas d'avoir raté ce tir décisif, que sa vie, autrement, n'aurait pas été celle qu'il avait décidé de mener? L'inconscient n'a-t-il, dès lors, pas choisi de rater? Pour le coup, je n'ai pas dû trop m'emberlificoter, puisqu'Axel Kahn m'a chaleureusement donné l'accolade, quand - fierté imbécile - il n'avait fait que serrer la main des précédents. Je lui ai offert un Tébessa, sa mère, de mémoire, étant née en Algérie, et j'ai osé l'inviter à intervenir au Lycée horticole de Dardilly: il m'en a fait la promesse, l'a tenue. Trois jeunes filles doivent encore se souvenir avoir eu 20 à leur oral de philosophie, passé devant lui, sur le thème de l'annonce et du don d'organes. Lui-même s'est étonné qu'on pût être aussi brillant dans ces sections-là. La conférence sur les âges de la vie, dans l'amphithéâtre bondé, le soir, tous les exemplaires vendus, le dîner à l'Ouest qui a suivi, ce sont des moments privilégiés, qui m'ont permis de le solliciter, encore, pour qu'il vienne aux Automn'Halles, au cours desquelles je l'ai interviewé, en ayant beaucoup (beaucoup) travaillé avant, ce qu'un homme de sa trempe apprécie au plus haut point. Bêtement, encore, je me souviens d'un commentaire laissé sur FB disant que tous les auteurs devraient être interrogés par Laurent Cachard. J'en ai fait un credo, auprès de l'équipe que je préside, désormais. De fil en aiguille, j'ai suivi son parcours, sa traversée de la France, son action auprès de la Ligue contre le Cancer et puis, ces derniers mois, sa maladie, la façon dont il a voulu - les mots sont d'Oscar Wilde - faire de sa mort un spectacle. Et le reflet de la vie - juste ou pas, on est toujours dans l'éthique - qu'on a vécue. Dans la mienne, les tonnes d'erreurs que j'ai commises ne m'empêcheront pas de me dire que j'essaie de suivre la ligne, et que j'ai rencontré quelques contemporains capitaux. Dont lui.

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06/07/2021

178.

Les ruelles de Collioure sont d’étranges labyrinthes concentriques dans lesquels les badauds aiment à se croire perdus. Même à cinquante mètres de là où ils logent. Ça leur importe peu : s’ils sont là, à la frontière, entre deux cultures, c’est qu’ils veulent s’inscrire, dans le temps, les lieux, la durée. L’histoire, aussi, la leur, la grande. Si Machado – souviens-toi, est-il un homme pleinement satisfait de lui-même qui soit pleinement un homme – dort ici, c’est justement parce que le temps peut s’y arrêter, qu’on peut s’y promener comme s’il n’avait d’enjeu ni en amont ni en aval. Au-dessus des eaux et des plaines, si l’amitié s’est arrêtée, c’est sans doute à l’amour de reprendre le flambeau. Même si, là aussi, on en a peur, même si les retenues, les contraintes, les assurances trop tôt énoncées. À moins de cent mètres, à gauche, il y a la mer, de toute manière, celle qui retient tout et ne trompe jamais personne. Qui sait distinguer la réplique de l’absolu. Dans les mains croisées, les regards qui se perdent, il y a la crainte que tout recommence, à commencer par la lassitude, l’habitude, tout ce qui nous happe, au quotidien. Mais quand les couples, là-bas, n’ont pas de poussette, c’est qu’ils ont déjà vécu et qu’ils sont prévenus. Que tout peut se réinventer, sans que ça n’ait aucune commune mesure avec ce qu’ils ont déjà connu. Les enfants, souvent, jouent à « Cap ou pas Cap ? », mais ce sont eux, ces anciens gamins, ces parents aguerris, qui devraient jouer à retrouver leur innocence, le sérieux qu’ils mettaient dans leurs jeux d’enfants, disait l’autre. Collioure est une espèce de citadelle qui ne laisse personne ni entrer ni sortir indemne. On peut se contenter d’y avoir passé quelques jours, mais il y a d’autres enjeux, qui se vérifieront longtemps après, quelles que soient nos réticences à entendre parler de nous. Par les murs, les étoiles et les communautés d’âmes. Le Clair de lune n’a pas fini de les illuminer, les amants de Collioure.

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05/07/2021

179.

bababa.jpgC’était une bonne idée, malgré le froid et le vent, de s’extirper, hier soir, de ma Thébaïde pour aller voir Martine Bousquet chanter Barbara chante Brassens. Un exercice de style fondé sur le deuxième album de la dame brune, enregistré en1960 – Grand Prix de l’Académie Charles Cros l’année d’après – qui aménage des standards à sa tonalité, se permettant même de changer quelques vers, ci et là, histoire de féminiser le tout. Martine Bousquet chante très bien Barbara, dans sa tessiture, mais là, elle retrouvait - pour la première d’un spectacle qui aurait mérité le cabaret à l’intérieur plutôt que l’inconfort des chaises à l’extérieur – la fragilité des essais, celle qui lui va mieux, à mon sens, que la maîtrise et le transfert. On a entendu la vraie voix de Barbara dire que Brassens n’avait pas du tout aimé qu’elle le chante, et qu’ils s’étaient, elle la première, réservé quelques amabilités avant de se rabibocher, lui le premier. Puis on a entendu la voix de Martine chanter Barbara qui chantait Brassens, de la Complainte des filles de joie jusqu’à la Marche Nuptiale en passant par l’Oncle Archibald ou le Pauvre Martin. Et bien d’autres, en duo, parfois, avec Herve Tirefort, excellent chansonnier, beaucoup mieux préparé et sonorisé qu’il le fut un jour, en rattrapage, salle de la Macaronade… Le propre du spectacle, c’est de rapprocher deux univers tout aussi mythiques, et entendre, encore, des chansons qui font partie du patrimoine. À chaque fois, le luxe de réentendre la Petite Cantate ou Dis, quand reviendras-tu, chantée à la guitare, le pied gauche posé sur la chaise, à la Brassens, se fait prégnant, et bouscule les tonnes de souvenir que j’ai de Mogador, de Fourvière ou du Chatelet. C’est beau, c’est réussi, ça chante plus que ça parle et tant mieux : il y a un temps pour tout et la conférence était avant le concert. Le binôme fonctionne très bien, la voix d’Hervé Tirefort se prêtant à toutes les modulations possibles : on ne chante pas Trénet ou Lapointe comme ça. Là, c’était Brassens et Barbara, et c’est bien, aussi, de ne pas tomber dans la fausse binarité des reprises qui font taper des mains. La femme d’Hector, en vocalises, faute d’avoir retenu les paroles, se mêle à Monsieur Victor, les mignons rattrapent la supposée misogynie du barde sétois – oui, la misandrie existe, même si on en parle moins – et la première est réussie. J’en arrive même à devoir reconnaître qu’Aragon n’est pas qu’une fieffée crapule (même si) et qu’Il n’y a pas d’amour heureux est quand même un texte sublime, surtout chanté à nu, comme ça. Un duo Georges & Patachou clôt le tout, même si le mot de la fin est pour le Bois de St Amand, la dernière demeure souhaitée par la dame en noir. Que j’ai retrouvée, hier soir, l’espace d’un instant. Invitée par Georges, comme si l’histoire recommençait.

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04/07/2021

180.

En co-errance.

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03/07/2021

181.

J’ai pas posé d’autres questions. Je l’ai emmenée jusque chez sa logeuse et je lui ai dit au revoir, en enlevant mon calot. Une autre femme, je lui aurais fait la totale et elle m’aurait pas laissé passer. Mais elle, je savais que si je voulais la revoir, il fallait que je la laisse tranquille, là. Gaston lui aurait parlé d’opéra, mais je suis pas Gaston et moi, j’ai pas cherché à la fuir, la guerre. Puisqu’elle m’avait mené jusqu’à Gabrielle, je pouvais pas dire qu’elle n’avait servi à rien. Je suis rentré à la caserne, j’ai graissé la patte au planton parce que j’avais une heure de retard. Ça m’a coûté dix cibiches, mais j’avais répondu à une question que je m’étais longtemps posée : c’est quoi la différence entre l’émotion et le sentiment ? Pas des questions qu’on pose à des bidasses ou des marins. Mais dans mon pajo, ce soir là, j’avais une réponse : le sentiment, c’est la transformation des émotions en évidence.

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