02/04/2014
Devant le néant.
La pochade premieravrilesque d’hier ne doit pas me détourner de mon objectif : j’attaque les derniers jours de la première phase de l’écriture. Les derniers instants, les dernières scènes, le choix des derniers mots. Je regarde l’ensemble, épais matelas d’un moment invraisemblable de ma vie. Et je repense à toutes ces années pendant lesquelles je me donnais l’impression de débarrasser le bureau pour m’y mettre, sans rien faire. Maintenant, je trouve des prétextes pour retarder le moment de la fin, la peur du vide : relecture, réécriture, équilibrage sont un autre exercice, fastidieux, mais moins prégnant. Mais tout va bien, même si mes avenirs d’édition sont encore très obscurs : à quelques pages de la fin, je peux le dire et me regarder en face, j’ai écrit le livre que je voulais écrire.
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01/04/2014
Un extrait de "Aurélia Kreit".
Pour Anton, cette forme de permanence était le gage, enfin révélé, de la réussite de leur périple, à plus forte raison depuis que Nicolaï s'était défenestré en hommage à Mike Brant. Restait à en trouver les formes qu’elle prendrait, forcément complexes au vu des attentes des uns et des autres. Il resta un moment encore, commandant un autre mojito et entreprenant, discrètement, dans l'espoir de la pécho, le portrait d'une jeune femme seule, à deux tables de lui, qui lisait en tirant, nonchalamment, sur son porte-cigarette et triturait son Iphone. On regarde le monde comme on regarde les autres, nota Anton en légende du dessin qu’il avait terminé. Qu’il garderait comme un porte-bonheur, comme le rappel de ce que Sacha, un jour, lui avait appris de la vie quand lui pensait avoir déjà tout connu. Les femmes abordent Sacha, parce que Sacha, disent-elles. La jeune femme, soudain, ferma son livre de Marc Lévy, but une dernière gorgée de son thé, se leva dans une gestuelle qui parut infinie, déployant ses longues jambes et trouvant immédiatement une allure altière, un regard porté vers le lointain. Anton eut envie de la suivre, voir vers quels quartiers elle se dirigerait, l’observer, peut-être, un moment, de la rue, entr’apercevoir, qui sait, un mari, un père, une famille. Le garçon de café le ramena à la réalité : son service allait s’achever, il demandait s’il pouvait encaisser. Je ne prends pas les euros, Monsieur, nous sommes en 1913! Anton hésita à poursuivre des yeux la jeune femme, qu’il voyait encore de l’autre côté de la baie vitrée, haussant le col en vison de sa veste de tweed, craignit que le serveur le prît mal et sourit de constater que celui-ci avait suivi son regard et s’émerveillait aussi de l’allure de l’inconnue. Il régla, se leva et sortit. Sur le boulevard, il partir du côté opposé à celui qu’avait pris sa muse d’un instant. Qui ne saurait rien de ce qu’elle lui avait inspiré, qui ne savait pas, pas plus que Anton à ce moment-là, qu’on retrouverait son profil, bien des années plus tard, dans les cartons à souvenirs d’un vieil Ukrainien dont on se demandera comment il a bien pu échouer là, et peut-être mourir, dans un vieil immeuble au mur peint d'un Pikachu d’un boulevard parisien.
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31/03/2014
Équilibres.
Il faut respecter le schéma narratif d'un roman, ne pas s'adonner à la tentation d'un énième rebondissement, d'une rallonge de l'histoire, d'une extension du plaisir - teinté de souffrance - pris à l'écrire. Quitte à ce que les dernières dizaines de pages soient les plus dures à faire, les plus soumises au doute et au vide que l'on craint. Le reste n'est que littérature.
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30/03/2014
Tovarichissime.
Dans la boulangerie, ce matin, ce Russe qui parle fort au téléphone et qui propose à la vendeuse de payer pour qu'on lui libère une des tables, toutes occupées. Pas eu envie d'aller parler d'ukrainité et d'Aurélia avec lui, juste de lui faire ravaler son gaz par des conduits pas catholiques.
(note à destination des résistants aux réseaux sociaux: dix ans, maintenant, pour eux, je les envie)
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29/03/2014
Les fins d'amour.
Cette amie, que l’homme qu’elle aimait, avec qui elle a fait un enfant, il y a peu, n’aime plus, ou pense en aimer une autre et, pour asseoir son choix ou sa culpabilité, la maltraite, la harcèle, la couvre de mots injurieux, dégradants. L’impressionnant effet de la perversité verbale, le doute qui s’immisce, les questions irrationnelles qui d’un coup prennent forme : et si tout ce qu’il dit était vrai ? J’enrage contre cette emprise, la conseille, voudrais aider davantage, mais ne le peux pas : sauf à la convaincre, méthodiquement, de sa valeur en tant qu’être, que mère, que femme, qu’un jour, j’espère, on saura aimer vraiment.
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28/03/2014
Finale.
ça pourra paraître répétitif à certains, mais le travail que je viens de faire pour Fergessen, le week-end dernier, est en ligne sur son site, avec une belle mise en page qui n'est pas loin, pour moi, d'équivaloir à une édition, à un c près (mais y'a pas de c à édition?). C'est ici, et l'ensemble est téléchargeable, pour ceux qui aiment bien garder des traces. J'encourage vivement les amateurs du groupe et de ces chroniques de s'intéresser également aux livres qu'on édite encore pour moi, aux amateurs de mes livres de s'intéresser à eux. Bientôt, comme je l'ai écrit, nos routes se recroiseront et déjà, hier, par obsession, j'ai placé ces trois mots, les accords tacites, dans les 165000, approximativement, qui composeront "Aurélia Kreit". C'est dire.
PS: sans doute me servirai-je de cet exercice pour proposer mes services à d'autres artistes que j'affectionne, et ainsi élargir mon panel d'activités professionnelles. C'est de l'énergie pure, qu'il faut restituer: quand elle est partagée, ça en vaut la peine.
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27/03/2014
Drame personnel.
J’ai mille idées géniales dans la nuit et passe le plus clair de ma journée à essayer d’en retrouver une.
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26/03/2014
Fatigué.
On élude complètement le sujet, mais il y a des vagues entières de personnes, actuellement, qui suivent un cursus scolaire a priori correct, mais qui sortiront de leurs formations et entreront dans la vie active et sociale sans aucune appétence ni aucune curiosité pour les textes fondateurs de leur identité : on décroche un diplôme sans lire une ligne, on pense obsolète le rapport à l’information telle qu’elle peut être développée sur papier, on évalue un livre en fonction de son action et de son nombre de pages – ce qui s’est toujours fait, soyons francs – on ne passe pas plus d’une heure dans une bibliothèque et la connaissance devient une denrée, non rentable de surcroît. Le mot « puritain » (essai récent) est inconnu du lexique, mais pas du comportement collectif prétendu. Son antonyme, "libertin", fait sourire pour de mauvaises raisons. Pendant ce temps, dans ma ville, juste à côté de chez moi, l'ex-Bourse du Travail devenue Bourse tout court (la sémantique n'est jamais innocente ni inutile), programme, neuf mois à l'avance, Mimie Mathy, une des nos contemporaines les plus appréciées, selon un sondage mensuel d'un hebdomadaire célèbre. Même les Don Quichotte de la culture se fatiguent. Ecrire un livre dans ces conditions est une des plus belles preuves de résistance.
19:02 Publié dans Blog | Lien permanent