22/06/2014
Bal populaire.
Ah bah non, pas deux fois, pas dans la même semaine, pas la chronique qui tombe du ciel, de la nuit et de l’extrême plat de pâtes, une fois la fête à neuneus digérée! Appréhendée, surmontée, puis vécue de plein fouet aux Invites de Villeurbanne, petite sœur moderne des Eclanova où je vis Stephan Eicher dans ses premiers concerts, à l’âge où, comme mon fils ces mois-ci, je faisais semblant de réviser le Bac. Un Murat en plein air, soit, encore, mais contraint, avec le Delano Orchestra, le groupe clermontois auquel il s’est affilié au point de sortir avec eux, à la rentrée – novembre, décembre – son album semestriel. Rendez-vous donc au square de la Doua, en pleine fête populaire, orchestrée, bien involontairement, par un ivrogne ayant décidé de pourrir le concert à grands coups de hurlements intempestifs et de provocation. Jusqu’à l’extrême, l’intervention de un ou deux maîtres de rang, dont moi, qui auraient bien aimé lui faire entendre gorge, ou raison. Plutôt gorge, en ce qui me concerne, et c’est rare ; cela étant, je lui souhaite, en toute conscience, une cirrhose aggravée dans les plus brefs délais, et à la morue qui l’accompagnait, de se faire encloquer dans une cave par une dizaine de ses potes, ça atténuera l’énervement que j’ai dû concéder à un concert inédit, à six sur scène, avec un Jean-Louis ponctuellement guitariste additionnel, mais qui a aligné les morceaux longs pendant un peu plus d’une heure – faut pas déconner, c’était gratuit – avec des nouveautés du prochain album et des masterpieces comme « L’eau de la fontaine », « Agnus Dei Babe » et « Extraordinaire Voodoo », qui satisfont les habitués et laissent les autres avec une impression étrange, celle d’un chanteur français qui ne concourt pas dans sa catégorie. Avec cette formation éclectique, violoncelle survolté, au jeu non académique, trompette solo aux lignes impeccables, avec la formation basse- batt’ qui lui rappelle ses grandes heures, Murat déroule, joue sur l’engagement des intermittents - tapez plus fort dans vos mains, vous aurez votre statut - comme sur la scène et la situation : il laisse des morceaux, de temps à autre, à l’Orquestra bougnat, se fait discret, joue avec eux, ne dit rien du manque de voix ou de sonorisation du chanteur bis de la soirée. Retrouve peut-être ses premières émotions de groupe, et de cuivres… Il faudrait être écrivain officiel pour traduire ces émotions permanentes de le voir arriver et dérouler, fût-ce pour une grosse heure… Peut-être oserai-je un jour l’aventure, et serai relayé en fonction ? D’ici là, j’aurai entériné le nouveau show de l’Auvergnat, entendu de délicieuses préciosités céliniennes comme le Bal Rigodon dans la dernière chanson, mais ne me serai pas risqué à l’intertextualité : il y a des spécialistes pour ça. Au final, j’attendrai l’automne, et la tournée officielle : peu de chances qu’on se heurte aux limites de la culture pour tous, quand un millième de tous refuse quoi que ce soit de culturel, de façon ostentatoire. Qu’il crève, tiens.
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21/06/2014
Rue de Verneuil.
Mon téléphone, déjà ancien, vient de me révéler une liste cachée des messages que j'avais préalablement supprimés: drôle d'impression, pour moi qui suis sensible à ça, de remonter le cours de trois années écoulées, d'histoires différentes, de voix oubliées. Je mets tellement d'énergie à croire que les existences continuent leurs histoires en parallèle qu'à chaque croisement, même fugace, tout mon être se crispe.
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20/06/2014
Préparatifs.
J'ai demandé au Lycée français Anne de Kiev de m'héberger le temps de mes recherches, au mois de novembre, en contrepartie de rencontres avec les étudiants, d'interventions sur mon travail et, puisque j'y suis habilité également, sur des séquences de littérature française. Rien de remarquable, si ce n'est la grosse angoisse qui me saisit face à une telle prétention, et au travail que ça me demandera. Mais que je ferai, avec plaisir.
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19/06/2014
Start from the Back.
Il y a des artistes avec lesquels j’ai un pacte autobiographique, et Fergessen est de ceux-là. Ce duo explosif sur lequel j’ai déjà tant écrit arrive à me surprendre à chaque fois que je le retrouve, sur la route, avec la fraternité de ceux qui se doivent mutuellement, et la frustration de ne pas avoir suffisamment de temps pour nourrir le lien. Hier, David et Michaëla étaient au Fil, à Saint-Etienne, en vedette américaine de la journée des diplômes du Conservatoire, et prioritairement les élèves du niveau 2, à qui ils avaient consacré une masterclass en plein milieu de leur Home Sweet Tour, en mars. Une classe que j’avais chroniquée en direct, au cours de laquelle les élèves avaient repris « The Wind », le poème de Robert-Louis Stevenson qu’ils ont mis en musique dans leur deuxième album, « Far Est ». Ils étaient là, alors, sur la belle scène du Fil, celle le long du bar, et il y avait du monde, au moins au début, pour voir cet attelage qui dure toute une journée, pendant laquelle des étudiants sont évalués sur leur performance, leur niveau de voix, l’orchestration, je ne sais quel critère encore, qui fera question en toute fin de nuit, quand des trois impétrants au D.E.M, deux seulement seront reçus, et pas ceux qui auront eu les faveurs du public, par exemple. Il y eut un léger flottement en fin de concert du duo des Vosges, qui reviendra pour un rappel pas forcément prévu, qui pallia l’absence du jury et des candidats, le temps d’une paire de chansons de plus, dont une des toutes premières de Fergessen, que je ne connaissais pas, puis d’un Be toujours communicatif.
La réussite de Fergessen, je l’ai écrit mille fois, c’est cette technicité vocale et instrumentale d’une part, doublée d’une harmonie des voix, de l’énergie et du jeu de scène à nulle autre pareille. Mais Fergessen, c’est aussi l’armada humaine qu’ils arrivent à fédérer, dont une unité, hier, m’a conduit à considérer le concert de derrière, où je ne me trouvais pas, mais où j’ai croisé le chemin d’une jeune femme qui, de son propre aveu, a tout quitté pour les suivre et leur rendre l’intensité que leurs chansons lui ont donnée, dans une vie qui ne la satisfaisait plus et qu’elle remet à l’endroit, avec leur aide, leur soutien, en échange d’un abandon qui n’a rien de sordide, mais relève du choix, celui qu’on fait par amour. Quand on l’aborde, et qu’elle ne connaît pas, elle minimise son être, son importance, son rôle, mais en confiance, elle émet des idées, des propositions, des choses qui iraient dans le sens d’un élan qu’ils ne maîtrisent pas, dont ils ne peuvent avoir conscience. Elle fait la petite main, avec charme, élégance et discrets tatouages, propose des contraintes inédites dans les mots échangés, surtout un. C’est intéressant, une fois n’est pas coutume, de détourner son regard de la scène pour aller voir tout derrière, là où il n’y a plus personne, la regarder vivre son concert, en triturant sa médaille et en entonnant des refrains qu’elle connaît par cœur. On a envie de mieux la connaître, cette femme qui regrette d’avoir cédé à l’appel des Rolling Stones au SDF parce qu’ils lui ont fait rater Fergessen à Nancy, dans la configuration artistique qu’on regrette tous de ne pas avoir vue, mais qu’on attend pour l’hiver prochain, puisque ça s’annonce. De savoir ce qu’elle a réellement lâché dans sa vie, entre les renoncements qu’on a forcés chez elle et les lâcher-prises qu’elle a concédés. En partant, on se dit qu’elle méritait une note, pas de celle qu’on octroie pour valider un examen ou pas, mais quelque chose qu’on écrit, qui personnalise, et qui en dit plus sur ceux qu’elle a choisis que sur elle-même, au final. Un truc qui élude des moments forts, entre la Fergessenmania qui provoque ses premiers malaises chez Anne, qui s’écroule juste devant moi (par amour pour David ou parce qu’on lui a offert un Mars gratuit ?) ou la métaphysique toujours d’aplomb du duo, dans les transitions et dans ces paroles, dont on ressent le manque juste après qu’on les a entendues. Hier, au Fil, il y avait les trois hôtes des concerts du Home Sweet Tour du printemps, Joël, Yannick et Vincent, revenus en amis. Je regardais derrière, mais je n’ai rien raté. Du tout.
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18/06/2014
Plus rien ne sera comme avant.
J’ai tourné de longs mois autour de Malenfance, de Thomas Sandoz. Pas parce que je n’avais pas envie de lire, au contraire, mais parce qu’il y a toujours une appréhension à l’idée d’aborder un Sandoz, depuis la Fanée, premier roman que j’ai lu de lui et que je classe – je le lui ai dit – comme un des meilleurs livres de ces dix dernières années. Malenfance, donc, et déjà, le lien, dans le titre, avec une culture alternative, avec Lenny Escudero, et l’impossibilité de ne pas rire, depuis le dernier Salon de Saint-Etienne, où j’ai donné à Thomas un exemplaire de ma partie de cache-cache, parce que je savais qu’il aimerait. Ce n’est pas de l’immodestie, simplement le sentiment, depuis une rencontre croisée à Sierre, que certains thèmes nous rapprochent : son personnage, Pouce, a l’âge des personnages de cache-cache - 11 ans – et si l’action est située en 1978, à l’âge même de ses 11 ans à lui, de mes 10 à moi, et si les repères temporels sont nombreux – les deux romans partageront donc l’Etalon noir, de Walter Farley – entre les pubs pour console Sega (c’est plus fort que toi), le Baron Empain, un ticket pour Barry Lyndon dans le caniveau, autant le dire sans rien dévoiler, il s’agit d’un leurre : parce que l’errance de Pouce - qui a raté le train qui devait le ramener chez lui en portant assistance à un chaton blessé, qu’il garde tout au long du roman contre lui – se fait dans une alternance des récits de la désagrégation familiale, la déliquescence des amours parentales, les carrières échouées de la mère et le silence du père, et d’un décor qui n’est pas le sien, qui l’éloigne de là où il devait aller. Etonnant croisement, dans le récit, entre l’univers naturel, doux, à coups d’énumérations horticoles, et le théâtre de zones industrielles abandonnées, d’arrière-cours, de cabanons hostiles et d’une population inquiétante. Progressivement, Pouce sort de l’enfance et, comme le lecteur, se cramponne à l’espoir d’une issue heureuse. Ce qui fait monter l’appréhension sus-nommée, puisque dans la Fanée, on s’accroche aussi à l’espoir que son adolescente rencontre quelqu’un qui la sauve, jusqu’à la dernière ligne. Les mêmes composantes familiales – cette mère qui comprend tout à l’envers - le même decorum sordide, Pouce, dans « Malenfance », n’est plus celui qui était tout pour ses parents, et craint les réactions à son retard autant que le lecteur, au fur et à mesure des 159 pages de ce roman étouffant. Le chat qu’il tient contre sa poitrine, qu’il protège des coups (des blousons noirs, des chiens de fermiers, des junkies, du spectre de la Fanée retrouvée), c’est lui, l’allégorie de l’innocence suppliciée, la malenfance. Le moment de la bascule, symbolique chez le psychologue Sandoz. Qui laisse le lecteur exsangue – tout mouillé, dit Frémiot – rendu au silence. On parle trop d’autres auteurs, et pas assez de Sandoz.
Grasset, 14,50€
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17/06/2014
Demain.
J'ouvre une nouvelle catégorie, après la note sur l'absence de note: l'annonce de la note de demain. Parce que demain, je dirai du bien du superbe "Malenfance", de Thomas Sandoz. Pourquoi ne pas le faire aujourd'hui, alors? Parce qu'écrire sur ce livre est aussi éprouvant que de le lire. Une épreuve au sens mélioratif, quelque chose dont on sort grandi. En plus de ça, je dois interroger l'immodestie qui m'a conduit à penser, tout au long de l'ouvrage, à ma "partie de cache-cache", à moi. En mieux, bien sûr.
18:18 Publié dans Blog | Lien permanent
16/06/2014
Problématiques.
Je ne sais pas si l'on doit tout faire pour être heureux, mais je sais qu'on s'affaire suffisamment pour qu'on ne le soit pas: ça devient presqu'une question de principe, de fait.
18:16 Publié dans Blog | Lien permanent
15/06/2014
L'inconnue du Bac de Philo.
Demain, mon fils passe l'épreuve de philosophie, c'est en soi un événement. Evidemment, je ne peux m'empêcher de projeter mes inquiétudes sur lui, qui s'en accommode tant qu'il peut. Il se trouve que j'aimerais être à sa place, et profiter de nouveau de ces instants magiques - qui ne le sont pas pour les candidats - du temps qu'on accorde à l'esprit. Mais il ne faudrait pas que la mémoire s'arrange un peu trop de ses souvenirs: j'ai surtout passé les quatre heures qu'on m'a accordées à regarder cette jolie jeune fille qui planchait deux bureaux devant moi, dans l'allée d'à côté, à droite. Je la regardais, elle m'inspirait, elle était toutes celles à qui, jusque là, je n'avais jamais osé dire qu'elles me plaisaient, que je pouvais être intéressant et attentionné, en retour. J'avais dix-sept ans, et on me demandait d'être sérieux, sans l'antiphrase rimbaldienne? Allons bon. Il n'empêche - et ça, même ma mémoire ne me l'enlèvera pas - quinze jours après, peut-être, je retrouvai cette inconnue dans un concert, nous nous reconnûmes et, dans l'euphorie, échangeâmes de longs baisers langoureux sur fond de musique new-wave. Avant de nous quitter sans jamais nous revoir, sans que je sache jamais comment elle s'appelait. Peut-être surveillera-t-elle l'épreuve, demain.
17:39 Publié dans Blog | Lien permanent