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18/06/2014

Plus rien ne sera comme avant.

couv_malenfance.jpgJ’ai tourné de longs mois autour de Malenfance, de Thomas Sandoz. Pas parce que je n’avais pas envie de lire, au contraire, mais parce qu’il y a toujours une appréhension à l’idée d’aborder un Sandoz, depuis la Fanée, premier roman que j’ai lu de lui et que je classe – je le lui ai dit – comme un des meilleurs livres de ces dix dernières années. Malenfance, donc, et déjà, le lien, dans le titre, avec une culture alternative, avec Lenny Escudero, et l’impossibilité de ne pas rire, depuis le dernier Salon de Saint-Etienne, où j’ai donné à Thomas un exemplaire de ma partie de cache-cache, parce que je savais qu’il aimerait. Ce n’est pas de l’immodestie, simplement le sentiment, depuis une rencontre croisée à Sierre, que certains thèmes nous rapprochent : son personnage, Pouce, a l’âge des personnages de cache-cache - 11 ans – et si l’action est située en 1978, à l’âge même de ses 11 ans à lui, de mes 10 à moi, et si les repères temporels sont nombreux – les deux romans partageront donc l’Etalon noir, de Walter Farley – entre les pubs pour console Sega (c’est plus fort que toi), le Baron Empain, un ticket pour Barry Lyndon dans le caniveau, autant le dire sans rien dévoiler, il s’agit d’un leurre : parce que l’errance de Pouce -  qui a raté le train qui devait le ramener chez lui en portant assistance à un chaton blessé, qu’il garde tout au long du roman contre lui – se fait dans une alternance des récits de la désagrégation familiale, la déliquescence des amours parentales, les carrières échouées de la mère et le silence du père, et d’un décor qui n’est pas le sien, qui l’éloigne de là où il devait aller. Etonnant croisement, dans le récit, entre l’univers naturel, doux, à coups d’énumérations horticoles, et le théâtre de zones industrielles abandonnées, d’arrière-cours, de cabanons hostiles et d’une population inquiétante. Progressivement, Pouce sort de l’enfance et, comme le lecteur, se cramponne à l’espoir d’une issue heureuse. Ce qui fait monter l’appréhension sus-nommée, puisque dans la Fanée, on s’accroche aussi à l’espoir que son adolescente rencontre quelqu’un qui la sauve, jusqu’à la dernière ligne. Les mêmes composantes familiales – cette mère qui comprend tout à l’envers -  le même decorum sordide, Pouce, dans « Malenfance », n’est plus celui qui était tout pour ses parents, et craint les réactions à son retard autant que le lecteur, au fur et à mesure des 159 pages de ce roman étouffant. Le chat qu’il tient contre sa poitrine, qu’il protège des coups (des blousons noirs, des chiens de fermiers, des junkies, du spectre de la Fanée retrouvée), c’est lui, l’allégorie de l’innocence suppliciée, la malenfance. Le moment de la bascule, symbolique chez le psychologue Sandoz. Qui laisse le lecteur exsangue – tout mouillé, dit Frémiot – rendu au silence. On parle trop d’autres auteurs, et pas assez de Sandoz.

Grasset, 14,50€

12:51 Publié dans Blog | Lien permanent

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