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14/11/2013

Une journée avec Laurent Cachard.

Dans le cadre de notre émission « des jours avec et des jours sans », nous vous proposons de vivre aujourd’hui une journée de l’écrivain Laurent Cachard.

6h20. Le "Poussin Piou" retentit, c'est l'heure du réveil. Il y a peu, c'est Rostropovitch qui s'en chargeait, mais Laurent Cachard a jugé qu'il fallait vivre avec son temps. Une toilette de chat - le bain est encore frais de la semaine d'avant - du déodorant et il est l'heure de partir. Comme tous les matins, Laurent Cachard se demande devant qui il doit intervenir dans une heure et de quoi il doit leur parler, mais ce n'est rien: il y a toujours quelque chose à dire et, le cas échéant, il parlera de la double énonciation dans "Dom Juan", son grand classique. Aucune des personnes présentes ne sait jamais qu'il parle du sien, évidemment.

7h10 Dans le métro, Laurent Cachard lit Madeleine Chapsal, sur les conseils de Daniel Damart. Malin, il a recouvert son livre d'une autre couverture, celle du Traité d'Ontologie phénoménologique. Satisfait, il regarde du coin de l'œil l'air admiratif de ses voisins de trame.

8h07 Laurent Cachard entre en cours de 8h et morigène un retardataire arrivé à 8h09, lui rappelant les valeurs minimales de la politesse des Rois et de la vie en collectivité.

10h40 A la pause, Laurent Cachard emprunte de l'argent à un collègue - jamais le même, règle d'or - pour s'offrir un thé et un pain au chocolat. Demande à un autre collègue d'assumer seul, exceptionnellement, le cours pluridisciplinaire  du lendemain. À 11h11, parce qu'il aime les comptes ronds, il reprend le cours de 11h.

12h40 Intimidés par son autorité, les jeunes n'ont pas osé l'interrompre, mais n'ont pas compris qu'un inconnu leur parle, deux heures durant, de la gentrification des centres-villes selon Jacques Donzelot quand eux-mêmes préparent un BEP de pépiniériste. Sûr de son effet, Laurent Cachard quitte l'établissement en souhaitant bon week-end à ceux qu'ils croisent. On est mercredi, mais ils ont l'habitude.

13h- Laurent Cachard invite l'équipe de tournage à déjeuner, s'aperçoit, au digestif, qu'il a oublié sa carte bleue. Pendant que le cadreur va régler, il leur promet à tous que la partie excitante de sa vie, celle de l'écrivain, va les estomaquer. On entend le cadreur, plus loin, maugréer, du genre "y'a autre chose qui me reste sur l'estomac", mais Laurent Cachard fait mine de ne pas entendre.

La suite demain.

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13/11/2013

Archéologie préventive.

La froide vengeance de mes prochaines nuits d'insomnie: aller enterrer, sur le chantier d'un stade en construction, une fibule cruciforme de la deuxième moitié du IV°siècle et invoquer, auprès des services concernés, la loi Carcopino, l'article 322-2 du Code pénal, les articles R 111-4 et R 425-31 du Code de l'Urbanisme, le Livre V (titre II) et l'article L 521-1 du Code du Patrimoine.

16:08 Publié dans Blog | Lien permanent

12/11/2013

Agir bien.

Céder sa place dans le métro, proposer à une femme de porter sa valise dans les escaliers, remercier le chauffeur de bus pour le voyage, tenir la porte au voisin qui arrive les bras encombrés, s’excuser de devoir marcher dans un couloir fraichement lavé : toutes ces choses qui nuiraient à ma sale réputation si elles s’ébruitaient!

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11/11/2013

La Violoncelliste.

Clara et l'onl.jpgUn orchestre national, c'est une allégorie du pouvoir politique, moins la force: sinon, les contrebassistes – j’y reviendrai - seraient devant, d'office. Là, je regarde la petite violoncelliste, installée, au gré d'une hiérarchie savamment étudiée au troisième rang de ses confrères, légèrement décalée à droite, à la septième place, dans une espèce de no man’s land entre les altistes et les siens. Assez loin du premier violon que, rituellement, le chef d'orchestre vient saluer à son arrivée. Rien pour la distinguer d'entrée, donc, à part le vert du cahier qui contient ses partitions. Et le léger décalage qu'elle a sur les autres, oh, pas musicalement, mais dans le fait de se lever, justement, à l'entrée du directeur de jeu. Marque symbolique de son effronterie ou de son étourderie, on ne le saura jamais. Le récital commence, elle est là parmi les cinquante, peut-être, musiciens de son orchestre des jeunes, l'apparence est soignée, les talons hauts, on la revoit dévorant un bout de gâteau au chocolat pendant l'introduction d'un morceau poignant. Comme une revanche de la vie. Là, elle est dans la projection de ce qui pourra lui arriver de mieux, plus tard, quand elle aura avancé de trois rangs, quand son regard pourra croiser, dans le jeu, celui du violoniste d'en face, un poil satisfait. Elle joue, de loin on voit le ballet des archets qui défouraillent en parfaite harmonie, s'agitent simultanément sur les manches et produisent un son qu'un homme a pensé plusieurs siècles en amont. Sans qu'on sache ce qu’elle  en pense par ailleurs: difficile, chez l'instrumentiste, de dissocier la dimension technique et le travail qui s'ensuit, qu'on l'a vue fournir, entre deux temps de répétition, au détriment du reste, des choses de son âge comme du devoir de philosophie en attente. Un peu comme le Peer Gynt qu’elle interprète, mais là non plus, elle n’en sait sans doute rien. Comme elle ne connaît certainement pas les cinq percussionnistes, tout là-haut, qui détiennent eux, pour le coup, le pouvoir de tout transformer en immense cacophonie. Comment ne pas penser, en voyant ce jeune homme s’emparer des cymbales, à celui qui en savait trop :« un simple coup de cymbales et voilà bouleversée la vie d’une famille paisible ». Comment ne pas se dire que le sixième contrebassiste, celui le plus proche de la porte de sortie, côté cour, va chercher à se démarquer et, d’une fausse note  - qui rappellera à tous que son instrument, c’est la voix de Papa dans le corps de Maman – avouer enfin l’amour qu’il porte à la soliste (c’est du Süskind). Mais non, il ne se passe rien de tel : on verra même le percussionniste poser sagement (et prudemment) ses cymbales puis, plus tard, proposer un sifflement aérien époustouflant. Tout est harmonie, dès ce jeune âge : les soli proposés au hautbois, à la flûte, à la trompette, ces moments suspendus pendant lesquels un individu se sort d’un collectif pour mieux le servir et ainsi toucher au Sacré, ma petite violoncelliste ne les connaîtra pas, pas ici, pas encore. Mais à l’entracte, son monde va changer, néanmoins : on fait entrer de plus jeunes qu’elle, encore, qui s’installent sagement là où elle était assise juste avant, et elle avance. Elle est à la droite, en regardant la scène, du chef, à portée de baguette comme, de temps en temps, je suis à portée de son archet, sur mon tabouret haut : deux mondes, deux parcours, mais une même personne. Elle joue en première ligne, du coup, plus rien ne la protège du regard des autres. Ça tombe bien, la pièce proposée, une danse polovtsienne, offre le seul moment de solitude des violoncelles, quelques petites secondes pendant lesquelles on les laisse atteindre le sublime qu’ils représentent, toujours, à mes yeux. Enfin délivrés de leurs encombrants voisins violonistes, toujours en nombre. L’ensemble reprend, mais on l’a entendue, parmi les autres. Il se passe quelque chose d’intemporel, une suspension de l’espace-temps, on entend autre chose que la musique, dans les interstices. L’imaginaire romanesque est toujours là – comment ne pas rapprocher, dans la rivalité qui les oppose, les deux beaux Apollon, chevelus et barbus, l’un au 3ème rang des violons, l’autre en chef de file des contrebasses, tous deux amoureux de la jolie joueuse de caisse claire, l’un sûr de son éclat, l’autre persuadé que les amours de sessions rythmiques doivent rester entre elles – mais il est ramené au silence qui suit chacun des morceaux. Jusqu’à ce finale enlevé, puissant, collectif, cette levée des archers qu’il faudrait presque écrire comme ça, cette jouissance ultime du chef d’orchestre qui, tout à sa joie, prend la main de la petite violoncelliste à sa droite, remarque ses yeux rieurs et frondeurs à la fois et la présente au public, qui applaudit à tout rompre. Le triomphe n’est pas personnel, mais il est une marque, une étape. Quand les musiciens sortent, très vite, de l’auditorium et qu’ils retrouvent leurs familles et leurs amis, ils ne sont plus que des adolescents comme les autres, mal habillés après l’avoir si bien été, avec leurs baskets plates, les escarpins dans le sac. Qui n’est pas à dos : les dos des musiciens sont toujours, au dehors, encombrés de leur compagnon de route, rhabillé lui aussi. Il reste l’intensité d’un instant, celui que je ne vivrai jamais à ce niveau mais que je comprends pour le vivre au mien, de temps en temps, la petite violoncelliste à mes côtés.

Photo: © Florent Geninatti 

 

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10/11/2013

Dans les pleins, dans les creux.

Parfois, il suffit d’une seconde pour que l’indécision, la pensée d’un meilleur ailleurs toujours possible, fasse qu’on ne prenne pas la direction qu’on voudrait avoir suivie, quelques mois plus tard, quand – au hasard d’une rencontre - on envie l’autre de l’avoir prise. Les Anglais, fatalistes, ont une expression pour ça : c’est la vie.

14:50 Publié dans Blog | Lien permanent

09/11/2013

En pleine paix.

70701232.jpgAujourd’hui, conjointement, c’est l’anniversaire de la mort d’Apollinaire, les 50 ans de la sortie du cultissime « Tontons Flingueurs » et le jour symbolique de l’ouverture du Mur de Berlin, et la chute du communisme qui s’ensuivit. Souvent, il m’arrive de penser que c’est peut-être, davantage que le 11 septembre 2001 qui valut principalement par son retentissement médiatique (via la multiplication des mêmes images), le dernier événement qui marqua réellement le monde contemporain. Que s’est-il passé depuis , à part une enfilade de déceptions, personne ne peut le dire encore vraiment. Mais je garderai ces images en tête jusqu’à la fin (filmées deux jours après), dussé-je agacer ma petite violoncelliste adorée qui, du haut de ses dix-sept ans, en a un peu assez que, parmi les suites, la numéro 1 en G majeur soit la seule qu’on lui demande toujours.

11:49 Publié dans Blog | Lien permanent

08/11/2013

Le tiroir des romans disparus.

 La jouissance ne dure qu’un temps. J’avais aimé voir Charlotte se mettre en danger plus que je l’avais jamais vu faire, mais cette projection pouvait mal tourner, c’était palpable. Et je n’étais pas épargné : après tout, que venais-je de faire, sinon de suivre quelqu’un dans l’inconnu ? Se pouvait-il que Charlotte ait posé la question juste pour que j’y réfléchisse, que je me demande pourquoi je ne l’avais pas suivie elle quand il en était temps. Il y a dix ans. Qu’elle ait organisé ce dîner pour que d’autres répondent à une question qu’elle se posait ? Après tout, rien ne paraissait plus irréel que ce dîner de six personnes n’ayant aucune connexion antérieure, en dehors de celle qui les reliait à Charlotte. Qui ne se reverraient peut-être jamais. Les codes sociaux ne sont pas les mêmes selon qu’il y a des enjeux ou pas dans les relations à venir… Je chassai à la seconde une mélancolie qui n’avait plus de sens : Charlotte m’eût suivi moi, je n’aurais pas su quoi lui dire de plus que tout ce qu’on avait échangé : des lettres, des serments, des postures que le temps avait méticuleusement détruits sans qu’on pût rien y faire. Les mots de Nizan  sur « le temps détruit » - celui qu’il passe sans elle, à l’armée, alors qu’il a envie de la voir – ne sont valables que parce qu’il est mort avant qu’il l’ait revue, comme est mort le seul amour de Julie sans même qu’elle le vît une dernière fois. Je chassai cette mélancolie qui n’en était pas une : j’avais aussi construit ma vie, ma carrière, ma famille, dans cette voie parallèle à celle que nous aurions pu vivre ; je l’avais ancrée, cette vie-là, dans une réalité tangible, une démarche, toutes proportions gardées, similaires à celle de Julie : j’étais revenu à des amours plus calmes mais plus cohérentes. Ce n’était pas le spleen qui me taraudait, ni même le décalage qu’une journée de transport me faisait sentir : juste l’impression étrange que Charlotte n’avait pas posé cette question au hasard et que chacun de nous avait été pressenti pour y apporter des éléments de réponse. C’est pour cela que la jouissance ne dure qu’un temps : parce que les étapes du vestibule et de l’apéritif nous y conduisent mais que, comme le quotidien survit aux ébats amoureux les plus passionnés, les enjeux succèdent aux apparences les plus urbaines. Charlotte nous manipulait : la question restait de savoir dans quel but.

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07/11/2013

Mille Chevaux de Troie.

1000.pngC’est un faux événement parce que j’ai déjà effacé, il y a quelques années, des  dizaines de messages qui encombraient la mémoire de l’endroit et qui, relus par la suite, n’apportaient rien à l’ensemble. Mais c’est le 1000ème message référencé ici, aujourd’hui, mille étapes à ce projet autobiographique qui fuit l’idée de narcissisme pour défendre l’égotisme : j’ai donné à voir, à entendre, à lire, tâté de la radio, du studio d’enregistrement, de la galerie d’art, de la librairie, des médiathèques et même, donc, de la télévision. Mille notes et près des trois années de chroniques quotidiennes, depuis que Christian Chavassieux m’a convaincu que c’était possible. J’en ai connu, des moments de découragement, des envies de tout arrêter parce que, toujours, la question de la légitimité se pose. Il en a suivi, des humeurs, ce blog, des messages codés, des envies réfrénées, des déceptions. Il a été de toutes mes rencontres, toutes relatées dans la foulée, en ligne le lendemain, parfois à 4h comme à Evian, juste avant d’aller à Vougy. Il a attiré l’attention de Jean-Louis Murat, de Stephan Eicher, sans que ça m’importe davantage que l’attention des autres. Il s’en est bien trouvé un ou deux pour tenter de me faire abandonner, quand même. Qu’ils se fassent à l’idée : je continue. Dans cette partie de vie qui s’offre à moi, je concentre mes forces sur le roman qu’il me reste à écrire, et, peut-être, dussé-je parler dans le vide et perdre tout ou partie des 6000 passants qui reviennent tous les mois, vous parler du livre en train de s’écrire. Après 1000 notes consacrées à l’histoire en train de se faire.

16:22 Publié dans Blog | Lien permanent