22/04/2012
"Un Ut!"
On connaît tous la chanson débile que l’on traîne en tête tout au long de la journée. On connaît moins celle qu’on ne se lasse pas d’entendre depuis plusieurs mois que l’on l’a découverte, et dont les écoutes ne font que grandir au fil des week-ends passés à la reprendre en permanence, voire à la reprendre tout court. Si tant est qu’on puisse, comme dans ce témoignage visuel, prétendre à une telle beauté de deux monstres réunis. Certainement pas. Mais retrouver, dans les yeux de Brassens, l’admiration qu’il a éprouvée pour son Maître, voir le fou chantant cabotiner et faire mine de ne pas se rappeler d’une chanson qu’il entonne juste après, ça vaut toutes les soirées électorales du monde, non ? Quoique, je me disais aujourd’hui, il y a toujours quelque chose dans l’air, les dimanches de vote. Et « Regarde », une autre chanson, un autre temps, me l’a rappelé, tout à l’heure, quand je suis arrivé à la Gare de la Part-Dieu. Avec un contraste qui renvoie, néanmoins, au temps qui a passé depuis : la jeune fille dont j’ai porté la lourde valise jusqu’en bas des escaliers, c’était peut-être celle que j’ai eu envie de tuer pour la vacuité bruyante de sa conversation téléphonique.
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21/04/2012
La caution culturelle de la grand-mère.
J'essaie d'expliquer à une jeune fille les subtilités de l'argumentation à concession partielle et, plus accessoirement, les règles de la démonstration: la thèse étant implicite, je dois développer les arguments qui la démontrent, chercher les exemples qui les illustrent. La jeune fille me regarde avec beaucoup de patience: elle ne me dira pas qu'elle s'ennuie, mais "Les Lettres Persanes", le Nègre de Surinam ou même Philipp K.Dick, c'est un autre monde pour elle. D'ailleurs, tiens, puisque le sujet s'y prête, pourquoi ne pas demander aux têtes blondes ce que leur inspirent ces vieillards chenus qui tiennent absolument, avant de mourir, à ce qu'elles comprennent ce que eux ont mis toute une vie à saisir?
C'était ma minute fainéante de "Mon programme pour l'Education".
PS: tout va bien aux dernières nouvelles pour la jeune fille. Elle a convaincu sa grand-mère de venir regarder "The Voice" avec elle.
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20/04/2012
La 2ème mort de DSK.
Rien de contraire aux règles établies par le CSA, peut-être certain(e)s d’entre vous le regretteront-ils (elles). Il ne s’agit « que » du coq d’Eric, installé dans le poulailler high-tech il y a près d’un an et qui, depuis, ne s’est fait connaître que par son goût du pouvoir et de la domination sur ses gélines affidées. D’où une décision martiale, sans appel, sans même, depuis mercredi, la possibilité de profiter une dernière fois du bon air de la campagne et d’un dernier troussage de (Gallus gallus) domesticus, dirait JFK. Rien, pas même un dernier Nougaro, ou la projection de « Bernie » pour s’habituer à sa fin à venir. Je repense du coup à ce court-métrage fabuleux de Zoltan Spirandelli diffusé en salles en 1988, dans lequel le metteur en scène lui-même, face à la salle, faisait interpréter « le coq est mort », en canon, aux différentes rangées du public. Avec des « il ne fera plus cocodi-cocoda » de haute facture. Malheureusement, ce film n’est pas disponible sur la Toile. Pas davantage que le corps exposé, de plus de 5kg, de notre ami plus très en (Galli)forme.
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19/04/2012
Tautologies.
On peut toujours s'interroger sur la fatalité ou l'arbitraire de la mort à venir, ce sont ses actes qui valident l'existence d'un homme. Rien de bien nouveau sous le soleil, certes, juste l'assurance qu'il est beaucoup plus important de faire que d'avoir. De voir que d'attendre. De venir que de repousser. C'est ce que nous nous sommes dits, hier, Éric et moi, en ré- organisant, pour la millième fois de façon provisoire, les neuf morceaux de "Quantifier l'amour".
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18/04/2012
Le temps et rien d'autre.
Dans le roman de Isabelle Kauffmann, "Grand Huit", que je termine et que je chroniquerai bientôt, le personnage est sommé de rendre par tranches de huit ans du temps qu'il a passé, sous peine de représailles. L'idée d'un temps détruit, disparu, rendu m'a toujours fasciné mais comme d'habitude dans les trains, je perds le fil de la lecture et m'évade dans cette action: quelles années rendrais-je, si je devais le faire? Saurais-je négocier, dans un pacte bien connu, certaines de celles que je n'ai pas encore vécues? Ou expliquer au contrôleur que ce n'est pas moi qu'il voit, mais un être bien plus jeune, dont le fils a huit ans, ou alors un jeune quinquagénaire à qui le même a piqué le cabriolet coupé sport, dernier caprice lié aux droits d'auteur de mon dernier best-seller . C'est là que je suis descendu du manège.
19:11 Publié dans Blog | Lien permanent
17/04/2012
Name dropping.
Dans la navette qui nous mène du formidable Salon du Livre d’Autun à la Gare du Creusot, je me retrouve face-à-face avec Philippe Grimbert alors même que je suis en train de dire à Alma Brami que pour moi, Marc Lévy et Guillaume Musso sont deux entreprises concurrentes qui se font face. Courtoisement, je le laisse passer devant moi pour descendre du car, en le remerciant de bel et bien exister, lui, en tant qu’auteur. De fait, je suis juste derrière lui, dans l’allée centrale, quand je lui dis timidement que je trouve son travail d’écrivain remarquable. Ce que je n’ai osé faire pendant les deux jours du Salon, de peur de le déranger et parce que je n’interpelle que très rarement les gens que j’admire. Il me remercie et me dit que, ce faisant, j’inverse les codes de la psychanalyse* en lui confiant quelque chose alors que lui me tourne le dos. J’y penserai, quand je demanderai, la prochaine fois, à Jean-Paul Dubois de me rétrocéder la montre ayant appartenu à John F. Kennedy.
* Mu. Bretin m’a fait noter que s’il avait parfois donné l’impression de s’ennuyer, comme je l’ai sans doute écrit trop vite dans ma note du 15, ça n’avait pas empêché Philippe Grimbert de vendre l’intégralité de son stock de « Une année avec Freud ». C’est dit.
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16/04/2012
Mon nom est Bond.
Au bureau de Poste, tout à l’heure, devant l’impéritie des pauvres et derniers employés en face de moi, et face à une situation pour eux inextricable, j’ai inventé une histoire à dormir debout, comme quoi mon fils était parti précipitamment en Indonésie, quasiment enlevé par sa mère, avec, comprenez-vous, la seule clé de la boite à lettres qui me reste. Il me semblait qu’avant l’intervention de la DST, de la DCRI voire du RAID, ma bonne foi et une carte d’identité suffiraient pour relever le colis que j’attendais. Il n’en a rien été. Mais hors de question que je leur dise qu’en fait, ils sont en Haute-Loire, sous la neige.
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15/04/2012
Autun, pas hautain!
Je devrais peut-être attendre de me remettre de ce voyage retour à entendre hurler un bébé le siège à l’arrière de moi, dans le TGV. Ou me sécher, avant d’écrire, des dix minutes de Vélov’ sous le crachin lyonnais. Ou encore, par prudence, éviter les bilans trop immédiats, qui ne sont guère positifs, généralement. Mais je rentre à l’instant du Salon du Livre d’Autun, dont on m’avait dit le plus grand bien et je n’ai pas été déçu : une organisation irréprochable dans la prise en charge des auteurs, dans le déroulement et dans la sympathie dégagée par toute l’équipe de bénévoles. Je retiendrai aussi, j’y reviendrai, des rencontres fort intéressantes avec des personnalités du « monde » des livres auquel j’ai toujours un peu de mal à penser que j’appartiens. Tout en pensant l’inverse quand lui ne me reconnaît pas suffisamment à mon goût. Parce qu’il y a une concession partielle (un mais quoi) à ce premier constat : j’ai l’impression désagréable, en rentrant, d’avoir un peu perdu mon temps. Passons sur la dizaine de livres vendus, puisque les Salons sont aléatoires et que – même si j’ai bien fonctionné sur les premiers que j’ai faits – personne ne m’attend. Mais à Autun, j’ai eu le sentiment de ne pas être au bon endroit, en face d’une population nombreuse mais très, voire exclusivement, attirée par le Morvan, en bande dessinée, en récits de campagne ou de vie, en souvenirs d’enfance etc. Les Morvandiaux et les Morvandelles sont venus en masse trouver tout ce qui pouvait concourir à la gloire de leur identité. Au point que, pour éviter de trop penser à Brassens et du bonheur qu’éprouvent ceux qui sont nés quelque part, j’ai pensé, un temps, rebaptiser mes œuvres que personne ne regardait : Tébessa dans le Morvan, La partie de cache-cache à Autun, le PAL du Mont Beuvray. J’aurais fait un tabac au vu de la littérature qui s’est écoulée là-bas, de proximité, de terroir, dont j’ai quand même le droit, sans qu’on me traite de prétentieux (Un lyonnais, pensez-donc !) de dire qu’elle ne me plait pas, ni dans l’écriture, ni dans l’édition (ces grands livres carré aux allures de Manuel Belin). Et que ni le circuit ni l’emplacement n’ont aidé à ce que je puisse, comme à l’habitude, défendre mes livres comme je suis prêt à le faire. La question se pose donc de la présence de l’auteur, puisque j’ai vu Zoé Valdes voire Philippe Grimbert passer de longs moments de solitude également, au contraire des figures populaires comme Nelson Monfort vantant Jean Ferrat (coup double, Well done, Nelson !) ou Françoise Laborde comme vue à la télé. Pourtant, un auteur que j’ai rencontré et qui m’a marqué pour sa sympathie, Wilfried N’Sondé, a vendu l’intégralité des livres qu’il était venu présenter, ce qui démontre qu’il n’y a pas besoin d’être très connu pour trouver un public : bien sûr, en auteur Actes Sud, Patricia Martin l’a reçu sur le stand, entre le fils de Marcel Pagnol et un chansonnier. Je me suis interdit toute aigreur dans mon aventure éditoriale, mais je regrette qu’on m’ait – c’était gentil – placé dans les auteurs « à suivre » et qu’on ne m’ait pas permis de parler un minimum de mon travail. Ce que je vais faire prochainement, à Grignan, à Annecy et partout où l’on m’invitera, puisque des lecteurs le valident ou l’ont validé, déjà. Sans doute faut-il que je m’épargne ces petites humiliations qui font parfois les grands désespoirs et que je me recentre sur ces invitations, qui sont toujours gratifiantes. Je ne plaide pas pro domo, je demande juste à ce qu’on me permette de dire ce que j’écris, sans passer tout de suite à autre chose. Je tiendrai, pour autant, la parole que j’ai donnée à Alma Brami dans la navette du retour, tout à l’heure : je deviendrai meilleur défenseur de mon œuvre que je le suis et j’enverrai le Dom Juan, jusque ici retenu, à des metteurs en scène pour qu’il soit joué. « Camille » à des éditeurs nationaux pour qu’il soit publié. « Aurelia », en 2015, à Grasset, Actes Sud ou Gallimard, si Claude, mon éditeur, accepte de rester mon premier lecteur et correcteur. S’occuper de soi : pour un métier qui n’en est pas un et dont tout le monde pense qu’il est égocentré, ce n’est paradoxalement pas le plus facile. Mais j’y songe et, au bout du compte, d’avoir dit ça dès le retour me permet de passer à autre chose. En remerciant, par contre, une fois encore, les organisateurs du Salon pour leur gentillesse, la conservatrice de la bibliothèque pour la visite guidée du fonds ancien, palimpseste de Pline l’ancien en cerise sur le gâteau. De chèvre, avec du sel, m’a dit Nouara. Qui aura perdu son pari : j’avais dit que vendre un Dom Juan à Autun m’obligerait à aller à Lourdes. Je m’arrêterai à Orthez, alors, en octobre, où je gage que je serai aussi bien reçu qu’à Autun, mais en plus attendu.
PS : pardon pour hier. Je déteste rater un jour de notre rendez-vous quotidien. Mais Wilfried, à base d’un délicieux Haute-Côte de Beaune 1999, a entrepris de convaincre une tablée entière d’hommes et femmes de Lettres du déterminisme du lapinzé enidblytonien dans la littérature contemporaine. Merci à Anne d’avoir patienté pour me raccompagner, à Thierry d’être passé et de me l’avoir laissée.
20:54 Publié dans Blog | Lien permanent