Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/03/2015

Ellénore, vivante.

Une histoire d’amour comme il s’en vit des millions chaque jour mais que chacun de ceux qui en ont vécu une continue de considérer comme unique. Mentalement, quand il lui arrivait de penser à lui, elle évacuait sa présence d’un haussement d’épaules moral, se traitant de pauvre fille bien naïve. Mais elle savait qu’il n’en était rien, que ce qu’elle avait vécu avec lui, elle le portait en elle et le vivrait jusqu’au bout, in abstentia.     

19:31 Publié dans Blog | Lien permanent

30/03/2015

2,5 X 20 ans.

On a beau voir chez les autres que ça se porte bien, et se dire que ça allait forcément finir par arriver, il reste que quand ça nous touche d’aussi près, c’est une sacrée sensation, plutôt qu’une surprise. Se dire que cette femme-là, qu’il me semble avoir davantage connue comme femme que comme fille, en tant que sœur, a plus de trente ans de plus que celle qui posait, boudeuse, dans sa chambre, poster des Dogs en arrière-plan. Et que dans le même temps, je l’ai suivie, dans l’avancée du temps. Ma sœur, c’est un autre moi-même : nos enfants ne supportent pas qu’on ait les mêmes références, qu’un seul mot, une seule référence, puisse nous renvoyer à un large panel de films ou de livres, sans aucune pédanterie : nos idoles vont de Alf à Woody Allen, en passant par la moindre réplique de « Breakfast Club », de « Nos meilleurs copains » ou « Nos enfants chéris ». On se souvient de chanteurs à la mode des années 80, mais pas ceux qu’on a ressortis du placard pour une tournée ou une énième compilation. On a retenu nos larmes à la mort de TV6, veillé tard pour espérer, dans « Bonsoir les clips », entrapercevoir le pantalon à liseré de Bryan Ferry sifflant « Jealous Guy » dans les arènes de Fréjus. On s’est même cotisé, des années après, pour acheter, à deux, la cassette VHS du concert, retrouvée chez notre frère lors d’un déménagement, et objet, depuis, de ses pires justifications politiques. On a vécu les mêmes soubresauts, dans nos vies personnelles, en ayant, chacun à sa façon, de nous en tirer tant bien que mal, avec la volonté farouche de garder ce qu’on doit garder de meilleur, avec le même souci de permanence, qu’elle garde enfoui quand je le revendique haut et fort, à longueur d’écrits. Elle fut, étudiante, une angliciste brillante, qui aurait pu mener, avec Jacques Aubert, la traduction de l’Ulysse de Joyce : sa culture, sa capacité impressionnante à avaler des livres les uns après les autres, le lui auraient permis. Elle a choisi une autre voie, qu’on aurait pu croire frileuse si elle n’en avait pas exploré, les uns après les autres, les différents aspects jusqu’à se retrouver, l’année dernière, chairman de l’année, discours et récompense à l’appui, à Chicago. Il arrive qu’elle dégote des contrats, façon « Better Call Saul » aux funérailles d’amis de la famille, mais elle reste sobre, dans sa façon d’aborder ça, et pense à développer les « Obsécool » (« des obsèques, mais à la cool ») façon « Adieu, Berthe », des Podalydès. J’aime bien railler son côté bobo – Télérama, Nanni Moretti, Dupuy & Berberian et Vincent Delerm en têtes d’affiche – pour ne pas dire que tout cela me plaît aussi. Elle a quelque chose de la Anita de la chanson de Kent (« Quand on pense à Java), mais ses bébés, elle ne les a pas faits toute seule, et elle n’a pas de Coccinelle (j’aimerais bien, d’autant qu’elle me prête souvent sa voiture). Ses bébés, ils ont dix-neuf et seize ans, voleront bientôt de leurs propres ailes, l’une soucieuse et centripète, l’autre baroudeuse et centrifuge. Deux pans de ce qu’elle a toujours été, en somme. Il sera temps, puisque la cinquantaine aura passé, de mener ses derniers trois quarts d’existence là où elle envisage d’aller : personne ne lui aura imposé quoi que ce soit, au final, et c’est bien là le plus important.

13:42 Publié dans Blog | Lien permanent

29/03/2015

Dum loquor, hora fugit.

Revendiquer toutes les heures d’hiver perdues dans la nuit, au cours d’une vie, et s’en faire une vraie vacance, reprise au temps.

18:51 Publié dans Blog | Lien permanent

28/03/2015

Les ateliers Divonne (3).

FullSizeRender-2.jpgLes ateliers d’écriture ont parfois des vertus thérapeutiques : en travaillant sur l’humain, et de façon collective, s’il vous plaît, on multiplie les chances de concentrer des angoisses, des transferts, des méfiances, qui sait. Pour la troisième étape de notre travail, la deuxième passée ensemble, toutes les inquiétudes ont émergé rapidement, dès le café : quid du cadre, de la consigne, du lien avec l’autre atelier ? Avec un message, à peine voilé : donnez-nous de la contrainte ! Alors même que l’exercice est inverse, et qu’au vu de ce que j’avais lu de ce que les membres proposaient, dans un premier jet, l’histoire de cette femme, à la moitié de son temps donné à elle, qu’on extrait, via un événement inattendu, de sa perpétuelle mesure de tout ce qui lui arrive, me semblait déjà, avant d’arriver, un matériau suffisant pour qu’on continue. Drôle de mise en abyme, de fait, comme si Gabrielle – qui n’est ni rousse ni serveuse dans un bar à Harfleur, je le souligne – était une partie de ce qu’ils étaient eux : quelqu’un qui a besoin de tout contrôler. Les éléments étaient là, tous : la voiture comme habitacle de la pensée, le fils, parti vivre sa vie,  le manque qu’elle ressent et qui renvoie à d’autres, plus douloureux encore, plus enfouis. L’histoire de ce grand-père, longtemps chéri, son passé de maquisard pendant la guerre. L’image de cette famille d’étrangers (des réfugiés ?) qui attend sur l’aire de nettoyage, où elle va faire laver sa voiture, indûment crottée. Qu’est-ce qui fera qu’elle s’arrêtera ce jour-là, particulièrement ? Et d’autres choses. Ils avaient tout, ils ont tout. Il ne leur reste, et c’est une bonne raison de chercher à reporter ses inquiétudes, qu’à écrire tout ça et être à la hauteur de l’histoire qu’ils ont lancée, comme on lance un on dirait que Gabrielle etc. Je sais tout le travail qu’il reste à faire, et les inquiets sont rentrés chez eux chargés de consignes, puisqu’ils en voulaient. Mais je suis confiant aussi, au regard de ce que je perçois qu’ils peuvent faire. Quand on en sera à la liaison avec la Suisse, on verra si les récits s’enchâssent comme on le souhaite. Sinon, on déconstruira, puis on refera un montage : après tout, l’atelier d’écriture, c’est avant tout de l’atelier.

18:59 Publié dans Blog | Lien permanent

27/03/2015

Initialement prévu.

Les mêmes gestes, le même nombre de pas jusqu’à l’hôtel, la même absence de surprise quant au retard SNCF (Initialement prévu, la nouvelle genèse selon la Cie…), une chambre identique à toutes les autres, trois heures et demie, quand même, après avoir quitté Lyon. Pourtant, une arrivée, où que ce soit, en tant qu’auteur est une belle arrivée, même tardive : le sentiment de quelque chose de mérité, pas pour la gloire, mais pour tout l’effort fourni jusque là pour se faire entendre, un minimum. C’est un autre paradoxe : même en plein doute, je peux venir quelque part en tant qu’auteur, sans avoir ni à en rougir ni à m’en justifier. Un message, sur la route, tombe pile : Fergessen, pour qui j’ai écrit en direct à la Souris Verte, veut faire de mon texte le fil conducteur de leur DVD à venir. C’est l’aventure humaine. Alors je mets les bouchées doubles, rature, relit, déconstruit et structure, pour essayer d’emmener tout le monde, demain, sur une histoire qu’ils ont eux-mêmes pensée, et qu’il me tarde de mettre en forme. Tout irait bien, si l’affichage électoral de la ville ne traduisait pas le fossé qui s’est creusé et qui, s’il s’avère, enverra ce type d’exercice et de lien social ad patres. Du coup, je m’en veux : dans ce car que j’ai attendu 1h, je n’ai pas rendu son sourire à la jeune Chinoise un peu perdue. Ça m’aurait obligée à subir Fun Radio, et les commentaires du chauffeur. Où qu’elle soit, là, ce soir, qu’elle me pardonne aussi.

18:58 Publié dans Blog | Lien permanent

26/03/2015

Extension du domaine de la lucidité.

Pas ouvert le fichier du roman depuis la chute. Pas envie, pas la foi. Fasciné par l’aveuglement qui a présidé l’urgence que j’y ai mis, par mon absence de lucidité. A mon âge, allons. Rattrapé par l’impérieuse nécessité qu’un manuscrit commence par dormir, six mois, un an, dans un tiroir, à condition qu’on en entame un autre. Que j’ai laissé aussi. Trop d’écrivains, trop de livres, pas assez de lecteurs. Trop d’enthousiasmes vite ravalés, même si dans ce domaine-là, généralement, l’un succède à l’autre : hier encore – encore – on me sollicitait pour ce premier roman qui a tant touché… J’écris, au quotidien, ici, pour d’autres, je fais écrire (paradoxe), je n’abandonne rien, mais les grands travaux attendront. L’autre décor, l’autre vie, celle d’avant celle où l’on se dira qu’on aurait peut-être pu en profiter davantage.

11:45 Publié dans Blog | Lien permanent

25/03/2015

Contre le style.

L'adverbe, ce barde qui gâche la métaphorêt.

18:24 Publié dans Blog | Lien permanent

24/03/2015

Reinette & Mirabelle.

Une saison, deux tableaux : dans le métro, deux jeunes gens minaudent ; visiblement, elle lui fait visiter Lyon, il est Black, très bel homme, élégant, elle pose sa main sur son bras quand il se moque d’elle parce qu’elle a lâché, parlant de cinéma : « ça doit être moins cher en province qu’à Lyon ». Ils rient, ils sont quoi, correspondants, étudiants en échange, je pressens qu’ils seront amants mais que je n’en saurai rien, puisqu’ils descendent. Et dans le bus qui suit, cette jeune femme, rousse, aux belles tâches de rousseur et à la coiffure impeccable, au beau chemisier lilas, elle parle avec cet homme qui regarde ailleurs, ne lui accorde qu’un regard toutes les fins de phrases. Elle en perd presque l’équilibre, quand le bus tressaute, se raccroche à la barre, un rien ridicule. Qu’il cautionne par son absence de réaction, cette ponctuation mécanique de leur discussion par l’assurance, furtive, qu’elle est encore là à lui parler. Ils descendent, je n’en saurai rien non plus, mais il ne la mérite pas.

17:59 Publié dans Blog | Lien permanent