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30/03/2015

2,5 X 20 ans.

On a beau voir chez les autres que ça se porte bien, et se dire que ça allait forcément finir par arriver, il reste que quand ça nous touche d’aussi près, c’est une sacrée sensation, plutôt qu’une surprise. Se dire que cette femme-là, qu’il me semble avoir davantage connue comme femme que comme fille, en tant que sœur, a plus de trente ans de plus que celle qui posait, boudeuse, dans sa chambre, poster des Dogs en arrière-plan. Et que dans le même temps, je l’ai suivie, dans l’avancée du temps. Ma sœur, c’est un autre moi-même : nos enfants ne supportent pas qu’on ait les mêmes références, qu’un seul mot, une seule référence, puisse nous renvoyer à un large panel de films ou de livres, sans aucune pédanterie : nos idoles vont de Alf à Woody Allen, en passant par la moindre réplique de « Breakfast Club », de « Nos meilleurs copains » ou « Nos enfants chéris ». On se souvient de chanteurs à la mode des années 80, mais pas ceux qu’on a ressortis du placard pour une tournée ou une énième compilation. On a retenu nos larmes à la mort de TV6, veillé tard pour espérer, dans « Bonsoir les clips », entrapercevoir le pantalon à liseré de Bryan Ferry sifflant « Jealous Guy » dans les arènes de Fréjus. On s’est même cotisé, des années après, pour acheter, à deux, la cassette VHS du concert, retrouvée chez notre frère lors d’un déménagement, et objet, depuis, de ses pires justifications politiques. On a vécu les mêmes soubresauts, dans nos vies personnelles, en ayant, chacun à sa façon, de nous en tirer tant bien que mal, avec la volonté farouche de garder ce qu’on doit garder de meilleur, avec le même souci de permanence, qu’elle garde enfoui quand je le revendique haut et fort, à longueur d’écrits. Elle fut, étudiante, une angliciste brillante, qui aurait pu mener, avec Jacques Aubert, la traduction de l’Ulysse de Joyce : sa culture, sa capacité impressionnante à avaler des livres les uns après les autres, le lui auraient permis. Elle a choisi une autre voie, qu’on aurait pu croire frileuse si elle n’en avait pas exploré, les uns après les autres, les différents aspects jusqu’à se retrouver, l’année dernière, chairman de l’année, discours et récompense à l’appui, à Chicago. Il arrive qu’elle dégote des contrats, façon « Better Call Saul » aux funérailles d’amis de la famille, mais elle reste sobre, dans sa façon d’aborder ça, et pense à développer les « Obsécool » (« des obsèques, mais à la cool ») façon « Adieu, Berthe », des Podalydès. J’aime bien railler son côté bobo – Télérama, Nanni Moretti, Dupuy & Berberian et Vincent Delerm en têtes d’affiche – pour ne pas dire que tout cela me plaît aussi. Elle a quelque chose de la Anita de la chanson de Kent (« Quand on pense à Java), mais ses bébés, elle ne les a pas faits toute seule, et elle n’a pas de Coccinelle (j’aimerais bien, d’autant qu’elle me prête souvent sa voiture). Ses bébés, ils ont dix-neuf et seize ans, voleront bientôt de leurs propres ailes, l’une soucieuse et centripète, l’autre baroudeuse et centrifuge. Deux pans de ce qu’elle a toujours été, en somme. Il sera temps, puisque la cinquantaine aura passé, de mener ses derniers trois quarts d’existence là où elle envisage d’aller : personne ne lui aura imposé quoi que ce soit, au final, et c’est bien là le plus important.

13:42 Publié dans Blog | Lien permanent

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