31/12/2011
Double chiasme interne.
A cet ami rentré, pour l’été (le sien), de Wallis & Futuna, il est difficile, entre deux festivités, d’expliquer la relativité du temps, quand lui a vécu entre deux réceptions chez l’Ambassadeur et que nous, entre temps (justement), nous avons avancé, tant bien que mal, mais avancé : un an, un livre et une comédie musicale plus loin. Quelle leçon tirer de tout ça, sinon que l’amitié survit à la distance (et heureusement) : qu’il n’est pas plus envisageable de savoir si nous serons disponibles en 2014 que de savoir si lui sera rentré pour aborder sa deuxième partie de siècle ? En fait, ce qui restait du domaine de la théorie s’avère chaque jour un peu plus : on ne sait rien sur rien, et c’est sans doute bien comme ça. Nous n’avons pas, lui et nous, le même bleu sous les yeux tous les jours, mais c’est toujours du bleu que l’on partage.
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30/12/2011
Par l'exemple.
Gérard VEDECHE, 44 ans, en plein exercice de steel.
MY OWN PRIVATE GUITAR HERO.
C’est sans doute parce qu’il n’a pas encore pris conscience de son talent que Gérard Védèche, 44 ans cette année, a tendance à rapidement trouver les autres formidables. Il faudrait que quelqu’un lui dise, maintenant, que le Steel des autres* n’a rien à envier à la façon dont il manie son Rickenbacher Panda - en backelite, de 1946 - qui nécessite qu’il joue assis, la main droite affublée, à chaque doigt, de drôles de prolongements métalliques. Et qu’il vive sa partition toute mâchoire dehors, ce qui, chez d’autres, s’apparenterait à une grimace et qui, chez lui, fait que les filles lui trouvent un air de ressemblance avec Romain Duris. Ce qui aide. Ou pas, c’est selon. En tout cas, dès qu’il a posé un pied, sortant de la BX paternelle, à la Casa Musicale, au printemps dernier, pour l’enregistrement de la comédie musicale lycéenne de son ami Eric Hostettler, Gérard Védèche a fait l’unanimité, dans le jeu, dans ce qu’il apporte à un projet : ses sons sont reconnaissables entre mille, dobro et lapsteel n’étant pas, étonnamment, des instruments dont on joue beaucoup ailleurs que dans le blues. Mais il y a autre chose. Si cet homme, qui vit dans un appartement rouge à St-Etienne, a emporté le morceau, c’est parce que son parcours détonne : quand il a intégré la fac de musique à Sainté en 1986, il ne savait, selon Eric et Jaco, ses cothurnes, pas déchiffrer une partition. Et qu’il n’avait même pas, dit-on, de stylo pour prendre la dictée de notes que de toute manière, il n’aurait pas su reproduire… Pas de déterminisme social ou familial, alors, même si, Alain Védèche – le grand frère, avec qui il a fondé Blues Family– l’a précédé sur les terrains de l’exploration musicale. Avec le blues, donc, et le folk comme obsessions. Avec une belle et talentueuse chanteuse qui les a fait connaître comme professionnels puis qui les a un peu plantés là. Surtout lui. Dans « Destination », elle semblait le prévenir, pourtant, mais il n’y a pas pire innocent que celui qui refuse de comprendre ce qui n’a pas de sens. Les choses les plus simples jamais oubliées, Gérard s’est reconstruit une carrière et un semblant de vie : entre les projets des projets des autres, toujours, ceux de Nicolas Vitas, Guillo, ou de tous les collectifs auxquels il participe. Sans savoir, encore, qu’il lui faudra présenter un jour son propre projet, que ceux qu’il a aidés viendront colorer de leur présence : un OVNI musical, mi-créatif, mi-pédagogique puisque sa vie et sa semaine se découpent ainsi, entre le collège, le Conservatoire et son activité musicale. Son « vrai » travail, qui manque juste d’une reconnaissance sociale. Parce que Gérard Védèche travaille quotidiennement. Pas un jour, voire un petit déjeuner sans qu’il gratte un peu de ukulélé, ou que le Dobro scintille de son métal. On ne devient pas ce qu’on est sans y consacrer l’essentiel de son existence : vous pouvez lire cette phrase dans tous les sens. Une des chambres de son appartement, emplie de micro, de pieds de guitare pour accueillir la Franck Cheval siglée, est en rénovation permanente : des coussins neufs ont pris place pour les sessions de travail, bientôt, au mur, des plaques de bois empêcheront la réverbération. Des micros pro, des delays, tout prend place pour qu’il puisse travailler professionnellement. Avec des amis, donc, seul, ensuite, puisqu’il le faudra. Ses amis, il les a revisités en fonction de ce qu’ils ont fait. Sans lui, quand les parcours ne correspondaient pas, sans que l’amitié pût être remise en question. Avec lui, parfois, pour un coup de main. A 44 ans, il rencontre des artistes, des auteurs, s’enthousiaste parfois à tort et à travers mais on lui pardonne. Comme on ne peut que lui pardonner quand il sourit d’un air désarmé : pour l’avoir vu oublier de tourner une page du livret des chansons qu’il devait jouer - donc commencer une autre partition que celle que les autres entamaient - retomber sur ses pattes dans un éclat de rire et en plus séduire le public, on sait que le bonhomme a de la ressource, même si les interrogations métaphysiques n’échappent pas plus au guitariste qu’au romancier. A l’orée des choix, entre une plus grande stabilité et, pourquoi pas, un saut dans le vide encore plus marqué (le road-movie américain qu’il ne termina pas, Hemingway à ses côtés sur le side-car ?), il sait qu’on n’existe que par ce qu’on a laissé et qu’il est temps que son nom apparaisse en un peu plus grand. Lui qui a connu des grandes salles – les premières parties de Charlie Mc Coy - les festivals, les MJC et les bars enfumés, découvert cette année l’écoute des publics de librairie et de médiathèque, repartira de zéro, connaîtra l’appréhension du jugement des autres, ne s’en satisfera pas mais, paradoxalement, gagnera en confiance. Et s’appuiera sur des préceptes qu’il n’a jamais laissés en sommeil : qu’un musicien ne doit pas comprendre qu’il ne sait pas jouer d’un instrument quand on lui dit que tel type d’interprétation n’est pas pour lui. Ou que la musique est principalement dans l’intention, davantage que dans la technique. La technique, le génie, la sale manie, voilà qui ferait parler plus d’une soirée, à Aurillac. Là où il ira faire la pompe cet été et se régaler d’un genre qu’il connaît peu pendant que d’autres tiendront les parties solo. Gageons que d’ici là, des choses auront changé, encore. Et pas seulement sous l’effet d’un sourire : sans jeu de mots, j’irai jusqu’à dire qu’on ne rigole plus. Comme quand Luther Allison, en pleine masterclass, demande au jeune Gérard de descendre des gradins et de montrer ce qu’il sait faire. L.F.Céline traitait du style contre les idées ? Chez Védèche, c’est dans le steel qu’il y a de l’idée. LC
* le titre de sa rubrique dans « Blues Magazine »
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28/12/2011
Portraits de mémoire (suite)
Certains ici le savent, j'écris depuis 2003 des portraits des personnes qui m'entourent ou que je rencontre. Des portraits du type (revendiqué) de ceux de "Libération", en dernière page. Avec la même distance narrative d'un reporter venu rencontrer une personne qui, seul changement, n'est pas une personnalité publique (en tout cas, pas pour l'instant!). A force, au vu de ma graphomanie, j'ai une somme d'une quarantaine de portraits, en 5 colonnes format A4 marges réduites caractères 10. Des que j'ai montrés, des que j'ai gardés pour moi. Ces portaits ne sont jamais complaisants, ils sont intimes, psychologiques et s'ils ont toujours plu à ceux à qui je les ai offerts, ils sont quand même une trace de ce que ces personnes sont vraiment. Je comprends qu'elles ne soient pas disposées, dès lors, à ce que ça devienne public. J'avais il y a quelque temps, créé un blog pour les réunir, mais à la demande de deux, puis trois d'entre elles, j'ai dû retirer l'ensemble puisque les séparer ne faisait pas sens. Il reste que, avançant, je me demande si je ne vais pas, genre à la fin de ma vie, les relier entre eux par l'édition. Ce serait la meilleure de mes autobiographies, à n'en pas douter. J'en connais d'avance qui tremblent, mais il n'y a rien de grave: je ne suis pas disposé à mourir tout de suite, et il m'en reste tellement à écrire, de ces portraits. Quand ils seront édités par centaines, comme dans les albums de "Libé", l'intimité se délitera dans le pointillisme. Et la mémoire sera.
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27/12/2011
Olga Alexandrovna Kreit & sa fille.
Pas d’Internet à Saint-André sur Vieux-Jonc, juste une grande table, des manuels d’histoire et de géographie de 1961, deux cartes de l’Ukraine et deux personnes face-à-face, qui rendent crédibles une histoire, un parcours (à pied, en calèche, en bateau, en train) qui épousent les soubresauts de l’histoire, « Aurélia Kreit » a vraiment commencé et c’est excitant. De partager les taches de recherche et de narration est également une chance inouïe et quand j’en dirai plus sur la personne qui a accepté de travailler dans l’ombre pour moi (pas d’interprétation, elle co-signera le livre !), vous comprendrez à quel point je peux être confiant. Même si tout reste à faire, si des dimensions se sont rajoutées au récit, tout concorde pour que dans quelques années – il faut réapprendre à être patient – le roman que vous tiendrez dans les mains soit majeur. On y travaille. Même sans Internet.
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25/12/2011
Destination*.
Je me suis perdue en chemin, mais je n’ai aucun regret, je laisserai tout derrière moi. J’ai demandé à Dieu plus que ce que j’en pouvais espérer, qu’il me laisse rire de moi, chercher la paix… J’ai changé d’avis, souvent, et maintenant je comprends. Je le sais, c’est toujours comme ça : j’aurais peut-être dû te le dire, déjà, même si je pars, tu seras dans mes pensées. A chaque fois que je prends une autre destination, c’est un mauvais choix que je fais ; à chaque autre chemin, j’ai peur de ce que j’engage. Je sais que tu en veux davantage, mais je ne peux créer ce lien, pour une nuit ou pour une vie. C’est trop me demander, trop intense, trop vite : je disparaîtrai avant l’orage, avant même que j’en voie arriver les sombres nuages. Tous les contes de fées ne se terminent pas bien. Et quand bien même, je ne serais déjà plus là.
*variation autour de la chanson évoquée ici.
22:25 Publié dans Blog | Lien permanent
24/12/2011
Schtroumpf grognon.
J'essaie de m'expliquer pourquoi je n'aime pas Noël mais j'ai à la fois peur de comprendre: cette impression d'être en attente d'un événement qui n'en est pas un, cette certitude que l'après arrivera plus vite qu'on l'aurait espéré, avec son cortège de dettes et de déceptions, voilà qui est quasi-proustien. Il faudrait en fait que Noël n'arrive pas pour qu'on en vienne à l'apprécier. Sans doute aussi, avec la mythologie des Noëls d'antan, se dit-on qu'on en est à chaque fois plus loin... Que les décors changent quand les sapins sont à chaque fois les mêmes. On les connaît, ces paradoxes: il faudrait ne jamais rien attendre de rien, mais ça n'aurait pas de sens. Bon, la prochaine fois, je vous parlerai de ces résolutions de nouvel an qu'on ne tient jamais. D'ici là, passez un bon Noël?
15:55 Publié dans Blog | Lien permanent
23/12/2011
My own private guitar-hero
Il va falloir que je me penche un peu plus sur ce qui fait qu'on bascule dans l'émotion. Remarque, ça fait une bonne trentaine d'années que je dis ça, peut-être... Il se trouve que ces derniers jours, après que Gérard Védèche m'a fait découvrir cette superbe chanson de Guillo à laquelle il a participé, je replonge avec une voix superbe, que j'ai ignorée trop longtemps pour de mauvaises raisons. Il se trouve que le compositeur, l'arrangeur et le musicien, derrière, c'est le même Gérard Védèche, dont je reconnaîtrais désormais entre mille le lapsteel, fût-ce au milieu d'un embouteillage à Mexico... J'ai quelques questions à lui poser pour le faire entrer, très vite, dans mes "portraits de mémoire", par pur intérêt: un tel talent doublé d'une telle amitié, plus celle qu'il a nouée avec Eric Hostettler depuis vingt-cinq ans, ça vous rend fier d'être celui qui le connaît.
La chanson, c'est "Destination", la voix, c'est Annabel (tous droits réservés) Je la poste parce que lui-même trouve que ce projet n'a pas été suffisamment défendu. Pour de mauvaises raisons aussi. Et parce que je trouve ça sublime.
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22/12/2011
(Trop) pas pressés.
17:37 Publié dans Blog | Lien permanent