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25/04/2013

Elle fut longue, la route...

IMG_1263.JPGL'estime particulière que j’ai pour Axel Kahn n’est pas due au fait qu’il m’ait lui-même remis le prix du jury du Salon du livre d’Orthez. C’est qu’il y soit allé, comme il a répondu à l’invitation que je lui ai lancée là-bas de venir parler de bio-éthique à des personnes à qui, habituellement, on n’en parle pas. Le projet qu’il nourrit depuis longtemps commence le 7 mai, une longue route à pied de 1600km pour traverser le pays et aller à la rencontre des autres. Fuir ce printemps détestable, dit-il, sur tous les plans. Un projet pareil pour un homme de cet âge (à la santé de fer) est superbe : aller au-devant de ses pensées et de sa métaphysique, ça donne des idées. De lendemains plus calmes, d’une sagesse qu’on apprivoise. Je disais à une jeune fille que je faisais réviser ce matin que toute l’humanité était dans Proust comme elle était dans Bach. Cette même jeune fille jouera le Prélude pendant que je lirai « Camille », très bientôt… On chemine tous, pas au même rythme ni dans les mêmes directions, mais l’escale sera belle.

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24/04/2013

Mon côté Michel Oliver.

Pour échapper un temps aux tensions relatives à la réalisation de tout projet artistique, je me suis réfugié en cuisine, la vraie place de l’auteur, et je me suis essayé à ma première purée gratinée. Celle que ma grand-mère me faisait, avec deux œufs et un gros morceau de beurre. Passée délicatement au grill dix minutes avant de la servir. Un régal, pour quatre, et il en reste. Le tout en entendant des mots déjà anciens, qui prennent place, des mélodies qui s’y accolent, des musiciens qui se trouvent. J’ai écrit, un jour, que je construisais ma mort par chocs émotionnels répétés : voilà que j’y ajoute une part de mon enfance, retrouvée. Comme quoi tout n’est que recommencement.

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23/04/2013

Diabolo menthe.

C’est fragile, un projet artistique, soumis à des aléas dont certains sont étonnants. Intégrez une jeune fille très talentueuse et vous verrez qu’elle n’échappera pas plus que celles qui ne le sont pas aux soucis de son âge. Qu’elle enverra, comme Pauline en son temps, des SMS dès sa partition jouée, quand tous les autres présents sont encore dans l’émotion. Les mêmes qui, en Tontons flingueurs, iraient bien expliquer la vie au petit malotru qui ne soupçonne pas une seule seconde ce qu’il devra considérer plus tard comme l’ayant perdu. Anacoluthe!

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22/04/2013

1820.

Cent soixante-dix sept ans séparent l'instrumentiste du violoncelle dont elle joue, avec lequel elle soutient les morceaux de notre projet "Littérature et musique", qui progresse. Se déconstruit, se réinvente. Il faut que les trois s'écoutent et s'entendent, pour arriver à l'harmonie. J'en arrive à oublier qu'il me reste à écrire ma partie, la dire, plus exactement, puisque les chansons ponctuent les extraits des romans qu'elles illustrent. Dans un mois, ce sera le Réalgar, sa plage de graviers blancs, ses recoins qui devraient être bondés. L'adrénaline et la question de savoir pourquoi on le fait. Parce que.

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21/04/2013

In extremis.

20mn avant le jour d'après, c'est toujours aujourd'hui: du passé qui ne dit pas encore son nom. Mais les entrelacs sont si nombreux, entre la mémoire et l'avenir...

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20/04/2013

Contre-histoire de la littérature.

Proust avait l’idée de traiter la réminiscence par le prisme du hachis Parmentier, mais d’obscures contraintes des ayant-droits l’en empêchaient. Contrarié, il ne dut son salut qu’à sa cousine Madeleine, venue prendre le thé.

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19/04/2013

Rirette & Polyves (fin)

Un enfant effronté la tira de ses pensées : il lui demandait si elle voulait bien lui donner un des marrons chauds de son cornet. Elle s’exécuta dans un sourire, pensant que les siens n’auraient pas à le faire, puisqu’ils le leur en auront offert, avant qu’ils demandent. La complétude du monde n’est pas seulement politique. Ou tous les liens le sont, et le leur est indéfectible. Quels que soient les jeux de massacre dont il serait, tour à tour, l’instigateur ou la victime. Quelles que soient les retombées de ses dénonciations : une figure humaine n’est ni simple, ni lisse, il y aurait des angoisses, des creux, des jours et des nuits sans personne. Des pleins, des creux, des vides. La peur de n’être là que pour n’y être plus. L’enfant a tourné les talons sans un remerciement. Elle n’entend plus que le forain, qui conteste à Polyves le droit de tirer encore, prétextant qu’il a raflé suffisamment de lots. Il le regarde fixement, cherchant la faille. Qu’il a déjà trouvée. Qu’on le prive de lots l’indiffère. C’est la légitimité de celui qui l’en prive qu’il conteste. Qu’on l’empêche de tirer arbitrairement, par une action non consultée. Et symbolique. Le vieux monde n’a pas fini de souffrir de ses vieilles lunes, s’il les protège. Polyves remise la carabine voilée : ses cibles ne sont pas là, et Rirette n’aime pas qu’il cherche des crosses. Il tend l’objet au forain, qui s’attendait à pire. « Merci, camarade », lui assène-t-il, en cédant. Façon de parler.

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18/04/2013

Rirette & Polyves (épisode 2)

Et c’était comme s’il les dézinguait, les problèmes, son bel homme au blason clair et à la chemise de lin ramenée de là-bas. Ceux qu’ils ont eus, ceux qu’ils auront. Rien ne lui paraissait plus évident que de rester à un mètre de lui, le laisser mettre en joue les obstacles, derniers remparts du monde de vieux qu’il éreintait de ses articles et aphorismes. Puisqu’il la lui fallait, la lune, il n’avait aucun scrupule à la demander. Mieux, à la décrocher. Pour ne pas commettre les mêmes erreurs que son père. Ses errances, quand il partait au beau milieu de la nuit, hanté par les fantômes de sa propre trahison. La lutte des classes commençait là, avait-il expliqué à Rirette, au sein de sa propre condition : réussir, oui, se renier, non. Rirette acquiesçait, parce qu’elle aimait que son angry young man s’élève contre les injustices du monde. Elle l’aurait suivi dans tous ses combats, de toute manière, depuis qu’il lui avait envoyé d’Italie les plus belles lettres qu’il lui enverra jamais. Qu’il signait d’un « bien à vous » qui comprenait le plus bel amour du plus bel âge, sauf pour lui. Tous les deux, au stand de tir, composaient le couple parfait, qu’on regarde encore pour sa tenue et sa jeunesse, pas celui qui montre les signes de l’habitude et du loisir forcé. Ils n’étaient ni plus beaux ni plus amoureux, mais ce qu’ils avaient en commun était unique : il la comptait comme sa première lectrice, lui confiait les doutes de son work in progress. Récemment, il lui avait parlé du philosophe sur lequel il écrivait un article, qui avait édicté sa métaphysique par la pratique du ski. Sans l’ivresse de la descente et de l’inconscient. Quand il traitait de vieux imbéciles les philosophes sur lesquels ils avaient travaillé, elle riait de bon cœur parce qu’elle savait qu’elle tempérerait, tant qu’il n’aurait pas construit son système à lui, celui qu’on nommerait par un adjectif dérivé de son patronyme. Ce nom cinglant à deux syllabes par lequel elle aimait l’appeler. Elle acceptait l’exigence du politique, cet engagement fort qui percute le couple. Il aimait qu’elle ne s’efface pas, qu’elle formule ses positions, quitte à agacer les camarades. Qu’elle s’auto-suffise sans rien lui redevoir. Ils se construiraient ainsi, une entité aux vecteurs distincts. Et les ennemis qu’il alignait, là, c’étaient les fantômes qu’il avait peur de voir ressurgir. Et pas ceux du manège d’à-côté. La fête foraine, chez Polyves, était un exutoire, une façon d’être proche du peuple sans avoir à se justifier. Quand il y emmenait Rirette, il se sentait léger, loin de toutes les préoccupations du Parti et de la philosophie. Chaque année, il guettait le même marchand pour itérer d’une unité, disait-il, son traité d’ontologie gaufrologique. Délaissait les manèges trop bruyants pour les sports d’adresse, où il défiait toute vraisemblance en dégommant les boîtes de conserve ou les têtes de pipes. Une question de concentration, pour lui : à quoi lui servirait sa distance s’il ne la mettait pas à profit, y compris pour les choses les plus anodines ? S’il fallait qu’il montre de l’adresse au tir, il la montrerait. Ça signifiait à ceux qui l’approchaient qu’il ne s’en laisserait pas compter. Que sa jeunesse ne passerait pas comme les banquiers l’entendaient : qu’elle s’effondre ou se déchire, il en userait pour faire passer de ce qu’il compte mettre au monde. Pour venger son père et se libérer lui. A chaque fois qu’il appuie sur la gâchette, Polyves, il pense que le monde est sciemment voilé, comme la carabine qu’il a en mains, que c’est son strabisme qui corrige le tir. Le redresse et l’oriente. Et commence la Révolution. Aux bras de Rirette, à la fête foraine. Contre les mandarins, les apparatchiks. Les poètes aux effets cousus de fil rouge. Ils lui feront payer sa panoplie de Normalien, il rendra coup pour coup, opposera sa légitimité à celle qu’ils lui contesteront. Ils se méfient des traîtres ? Il se méfie de ceux que l’on a en nous et c’est plus juste, au final. Tout ce qui est personnel se rattache à la lutte, la connaissance est liée à l’action. Tiens, l’affidé ! Prends ça, le laquais ! On ne se bat pas seulement avec des idées, on se bat avec le Parti pour qu’il évolue et ne se fourvoie pas. Rirette le regardait et le trouvait beau. Elle pensait aux enfants qu’ils auraient, à la Bretagne qu’il voulait lui montrer. Elle ne le garderait pour elle que quand il en aura besoin, l’extirperait des griffes de ceux qui le phagocyteront pour de mauvaises raisons.  Ils auraient le temps pour eux, un temps réel, pas détruit. Elle suivrait les avancées de ses romans, le conseillerait sur tel ou tel personnage, repérerait sans rien dire le caractère de tel ou tel de leur entourage. La jeune et cassante amie de son petit camarade. Le poète perfide. Derrière le franc-tireur, ils la trouveraient elle, en deuxième lame. Ce qu’ils lui feraient subir, elle le leur rendrait au centuple. 

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